Si jusqu’ici, observateurs et concernés évitaient de parler de crise, nous sommes pourtant en plein dedans. Ce que tout le monde redoutait au lendemain des élections a fini par arriver: le blocage complet au fédéral. Vers de nouvelles élections?
C’est reparti pour un tour de carrousel. Le roi Philippe tente de gagner du temps. Il n’a pas accepté la démission du tandem Demotte (PS) – Bourgeois (N-VA), chargé de réunir les deux partis que tout oppose: le PS et la N-VA.
Des discussions ont eu lieu entre les deux partis les plus puissants de chaque communauté linguistique, mais au fond, les lignes n’ont pas bougé d’un poil. Le PS veut donner un tournant plus social à la politique fédérale quand la N-VA répond par de l’institutionnel.
Pour éviter la crise totale, le roi Philippe reçoit depuis hier les leaders des principales forces politiques. Paul Magnette et Bart De Wever lundi, Sophie Wilmès ce mardi matin. Gwendolyn Rutten (Open VLD) et John Crombez (sp.a) suivront.
En attendant, c’est le constat d’échec pour la bourguignonne (N-VA/PS/sp.a/MR/Open VLD). Paul Magnette, présent hier au JT de la RTBF, ne voit pas de dénominateur commun entre son parti et la N-VA. Il a dans la foulée rappelé qu’une autre formule était toujours possible: l’arc-en-ciel. Il a enfin rappelé qu’aucune majorité ne se dessinait pour une future réforme de l’État, et que la N-VA pouvait toujours chercher.
Le blocage de l’Open VLD et du CD&V
Exit la N-VA et bienvenue aux écologistes ! Si tout était si simple… Cette formule rencontre deux soucis majeurs: cette coalition est minoritaire en Flandre et l’Open VLD et le CD&V n’en veulent pas.
Pourtant, comme Dave Sinardet, politologue, le rappelait hier soir sur les antennes de la Première, les deux formations ont gagné (+1 siège) après avoir participé à un gouvernement minoritaire, c’était sous le gouvernement Di Rupo de 2011 à 2014. A contrario, les deux formations politiques ont obtenu un score historiquement bas après le gouvernement a priori idyllique de Michel I. La politique n’est pas une science exacte.
Du côté de la N-VA, ils sont dans un fauteuil. D’abord car le blocage institutionnel renforce chaque jour un peu plus leur thèse: la Belgique possède deux démocraties et est ingouvernable. Ils peuvent ensuite se positionner en victimes et la séquence d’hier l’a bien démontré. Alors que Bart De Wever discutait encore avec le roi, Paul Magnette s’adressait à la presse, démontrant l’incapacité des deux partis à s’entendre. Pourtant en coulisses, on sait que les deux partis ont discuté institutionnel, ce qui a d’ailleurs fait bondir le MR. Les libéraux francophones se positionnent comme le parti qui a justement stoppé les disputes communautaires lors du précédent exercice.
Paul Magnette a coupé court et enterré la bourguignonne: il ne discutera pas de communautaire. Cette position est vue comme un point de blocage en Flandre dont le PS a pris la responsabilité.
Vers de nouvelles élections?
Plusieurs observateurs craignent maintenant l’arrivée d’élections anticipées, qui dans l’état actuel des choses, ressemblerait plus à un référendum sur l’avenir de la Belgique.
Mais on n’y est pas encore. D’abord car la formule arc-en-ciel doit d’abord se confronter au refus officiel des partis concernés. Ensuite car il faut une majorité au Parlement pour initier de nouvelles élections. Or cette majorité n’existe pas pour l’instant. Le scénario le plus probable est que ces élections renforcent les extrêmes, le VB en Flandre et le PTB en Wallonie. Du coup, les partis traditionnels n’en sont logiquement pas friands.
Il s’agit ensuite d’une solution en dernier recours. Du coup, il faudra probablement d’abord battre notre propre record mondial de 541 jours sans gouvernement (en août prochain) avant de lancer toute procédure électorale. Ce qui nous porterait sans doute à la fin de l’année prochaine.
Le rôle crucial du roi
Le roi pourrait entre temps orienter les prochains mois de négociations. D’abord en ne forçant pas la main du PS, ne l’obligeant pas une nouvelle fois à discuter avec la N-VA. Ensuite en dégageant la piste pour l‘arc-en-ciel, et ce, de deux manières.
Le première, la moins probable, serait de donner la main au MR. Le parti du Premier ministre sortant pousse pour un gouvernement d’urgence. Le déficit de la Belgique s’alourdit chaque jour et Charles Michel a demandé à chacun de prendre ses responsabilités. Si le PS ne devrait a priori pas apprécier cette situation, la suite logique d’un gouvernement en urgence pourrait justement aboutir à un arc-en-ciel. Au bout du compte, les socialistes pourraient voir leur vœu exaucé.
L’autre formule serait de donner la main à l’Open VLD et/ou au CD&V. La pression deviendrait énorme sur ces deux partis. Ce sont les deux formations qui détiennent la clé. Rappelons que l’arc-en-ciel a déjà cohabité, c’était en 1999 sous le gouvernement Verhofstadt I. Le désormais député européen sera-t-il appelé à la rescousse? Une solution pas illogique. Car comme l’a expliqué Jean-Claude Marcourt (PS) ce matin à BX1, le PS laisserait volontiers la main à d’autres partis, de préférence flamands.