PS et N-VA: un plan envisagé depuis longtemps ?

Analyse

De l’extérieur, le PS renvoie l’image d’un parti divisé sur la question fédérale. D’un côté, un Elio Di Rupo pragmatique, de l’autre, un Paul Magnette indomptable. Mais les socialistes ne joueraient-ils pas finalement une autre scène d’une pièce de théâtre qui dure depuis plus de deux mois maintenant? Avec Di Rupo dans le rôle du bon flic et Magnette dans celui du mauvais. Une pièce dont on commence à sentir le point de chute: un gouvernement fédéral avec la N-VA.

Il ne faut jamais sous-estimer le Parti socialiste. Il s’agit du parti le mieux organisé du pays et sans doute aussi du plus expérimenté. Une machine dotée d’un centre d’étude phénoménal: l’Institut Emile Vandervelde. Le fait qu’il n’ait pas participé au pouvoir au niveau fédéral est plutôt une exception que la règle. Depuis 1988, le Parti socialiste a toujours été au pouvoir. Martens VII est le dernier gouvernement fédéral qui s’est fait sans lui. Avec celui de 2014, donc, quand MR, N-VA, Open vld et CD&V ont formé la suédoise, plaçant les francophones en minorité.

Participer au pouvoir est dans son ADN. Car c’est là que le PS peut peser. Même si ça nécessite des compromis et des coalitions alambiquées. Si tout le monde à la rue de la Loi sait maintenant que la bourguignonne (N-VA-socialistes-libéraux) est la formule la plus réaliste, surtout depuis qu’Ecolo a fait un pas de côté, le PS ne le savait-il pas déjà depuis le jour 1? Se passer de la N-VA et faire sans une majorité en Flandre mène à une impasse. Ou en tout cas à des mois (années ?) de négociations voire à de nouvelles élections.

Les deux visages du PS: un jeu bien pratique?

Pourtant, le PS ne cesse depuis la campagne d’envoyer des signaux contradictoires. Pourquoi hésitent-ils autant ne fut ce qu’à se mettre à la même table que la N-VA?

La réponse à cette question est que le PS serait en train de jouer la pièce parfaite, car le parti sait qu’il doit expliquer cette situation à ses partisans, aux francophones de manière générale et à sa future opposition de gauche – le PTB et sans doute Ecolo. Une note d’Ecolo de 16 pages a d’ailleurs fuité ce matin dans la presse. Elle aurait été demandée il y a trois semaines par le formateur pour que chacun éclaircisse ses priorités, nous dit-on. Une note plus verte que la note Coquelicot donc. Certains libéraux interprètent ça comme une porte de sortie pour les écologistes. Rappelons que MR et PS se suffisent dans le sud du pays. Quoi qu’il en soit, cette fuite montre que la confiance ne règne plus.

Paul Magnette ou le rôle du mauvais flic / epa

Dans cette optique, au fédéral, le tandem joué par Magnette et Di Rupo est une aubaine. Le premier arrive et dit toujours « non » à tout, et « ne veut même pas venir à la table des négociations », quand l’autre tient le rôle du charmeur et tente de trouver un accord. Avec un avantage: « mon collègue ici à ma gauche n’est vraiment pas emballé par ce projet », donc il fait monter les enchères: le PS peut se montrer gourmand dans les négociations. Un moyen de se retrouver en position de force face à la N-VA? « Dans tous les cas, ne sous-estimez jamais le PS si vous devez travailler avec eux. C’est très bien pensé la plupart du temps », nous glisse un observateur habitué à négocier avec les socialistes depuis des années.

Ce qui frappe, c’est qu’en coulisse, il n’y a jamais eu trop d’animosité envers le PS en tant que partenaire gouvernemental. Même ces cinq dernières années, où le PS a été impitoyable avec la coalition suédoise depuis l’opposition. Du côté des libéraux flamands, on peut entendre dire « que vous pouvez faire affaire avec le PS », qu’un « accord est un accord avec le PS », et que c’est « un partenaire fidèle, ce qui manquait parfois au sein de la coalition suédoise ».

Communication politique

Et puis il y a les déclarations publiques. Au PS, à la suite de la première entrevue avec le roi, Elio Di Rupo a tout de suite poussé pour un arc-en-ciel (socialistes-écologistes-libéraux + CD&V). Ça se passe souvent comme ça durant les négociations gouvernementales, vous lancez une idée en l’air et vous pensez déjà au coup d’après. Dans ce cas de figure, le CD&V et l’Open vld ont tous deux annoncé « qu’ils ne formeraient pas de coalition sans majorité flamande » et ont contrecarré le plan de Di Rupo. Mais même si l’arc-en-ciel était désiré, cela permet aussi au PS de prouver qu’un gouvernement fédéral sans la N-VA est presque impossible.

Un gouvernement flamand? Une question d’heures / epa

La deuxième scène, ce sont les tergiversations en Wallonie. PS et Ecolo ont pendant plusieurs semaines tenté de former un gouvernement minoritaire, avec l’aide de la société civile et d’éventuels députés transpartisans. Mais avec le retrait du cdH et du PTB, quiconque sait compter savait que cette formule était irréalisable. Il s’agissait en fait de la pure communication politique de la part des deux partis. Le PS occupait le devant de la scène médiatique, pendant ce temps dans les coulisses, des contacts avec les libéraux ont été soigneusement entretenus.

Au fédéral, Ecolo, qui doit trouver une remplaçante à Zakia Khattabi à sa tête, s’est mis hors jeu en refusant de participer à une table ronde sur invitation des informateurs royaux, Johan Vande Lanotte (sp.a) et Didier Reynders (MR). Ce pas de côté a rendu quelque part les choses plus faciles pour le PS: il n’y a pas d’autres choix que de négocier avec la N-VA.

Revendications

Et puis, petit à petit, le discours commence à changer. Le secrétaire général de la FGTB était d’ailleurs en première ligne sur La Première et dans Le Soir. Thierry Bodson n’est évidemment pas favorable à une coalition PS-N-VA, mais ne juge pas qu’elle est impossible. Il a d’ailleurs fait part de plusieurs revendications, preuve que le jeu vient de passer d’un niveau. Parmi elles: un salaire minimum de 14 euros de l’heure, 2.300 euros brut par mois, le retour de l’âge de la pension à 65 ans, ainsi qu’une augmentation des avantages sociaux (chômage, santé, allocations…) en plus d’une taxation plus importante sur le capital.

De son côté André Flahaut (PS), toujours sur La Première, a mis en garde contre de nouvelles élections et le possible avantage que les partis extrémistes pourraient en tirer. Montrant par là qu’il vaut mieux gouverner avec le N-VA que d’aller dans la totale inconnue.

Si on ajoute à cela la sortie de Charles Picqué (PS) dans HLN, qui demandait des éclaircissements de la part de la N-VA, il ne reste que peu de place aux doutes.

Du côté flamand, l’ABVV a déjà envoyé un signal au sp.a: mettre un terme à l’opposition et rentrer dans des coalitions. On se dirige d’ailleurs vers une bourguignonne en Flandre avec l’une ou l’autre variante d’ajustement. Mais le sp.a devrait être de la partie aux côtés de la N-VA.

Par contre les socialistes francophones n’ont aucune raison de se découvrir et gardent une ligne dure, faisant fuiter dans la presse qu’un arc-en-ciel est toujours sur les rails. En réalité, ils veulent déjà obtenir « des garanties » de la part de la N-VA pour commencer à négocier. Une alliance a priori contre nature, mais forcée au vu des résultats et des retraits des uns et des autres. Un alliance qui pourrait cependant se retrouver sur un point: les discussions institutionnelles. La N-VA veut le confédéralisme, le PS veut revoir la loi de financement car le fédéral et les communes ont la corde au cou.

La première étape de ce mariage forcé sera sans doute l’annonce d’un gouvernement flamand qui mélange socialistes et nationalistes.

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