Le nouveau rapport du GIEC, « Global Warming of 1,5°C », est glaçant. Si l’on continue sur notre lancée, le fameux seuil de 1,5°C, que les États se sont engagés dans l’Accord de Paris à ne pas franchir d’ici la fin du siècle, sera atteint entre 2030 et 2052. Pire encore, d’ici 2100, la Terre aura pris 3°C de plus. Mais il reste une once d’optimisme, les changements sont encore possibles.
La banquise des pôles Nord et Sud fond à vive allure, la Grande Barrière de Corail a perdu de ses couleurs, les catastrophes naturelles se font plus nombreuses et plus puissantes, de plus en plus d’espèces sont menacées d’extinction… Nul besoin d’allonger la liste pour le prouver: la planète va mal, et hélas de plus en plus mal.
Le nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies, basé sur plus de 6.000 études, en témoigne encore et cite des chiffres alarmants. Une version du texte était déjà disponible en juin et laissait craindre le pire. Dans l’état actuel des choses, au rythme des changements climatiques et du niveau des émissions de gaz à effet de serre, le thermomètre devrait augmenter de 0,2°C par décennie, pour atteindre une température moyenne mondiale de 1,5ºC entre 2030 et 2052. Alors que les États du monde entier se sont engagés en décembre 2015 à Paris à tout mettre en oeuvre pour que cette hausse du climat ne dépasse pas 2°C, voire idéalement 1,5°C, d’ici 2100… Soit 70 ans plus tard.
Et si chaque pays remplit sa part du contrat en respectant ses engagements de réduction des émissions de CO2, la Terre se réchauffera de toute façon de 3°C d’ici la fin du siècle, avertissent les experts dans ce rapport étoffé de 400 pages. Les efforts consentis depuis 2015 seront donc largement insuffisants. D’autant que « la Belgique a tristement rejoint le groupe des pays européens les moins ambitieux en matière d’action climatique », dénoncent conjointement les co-présidents d’Ecolo, Patrick Dupriez et Zakia Khattabi, dans un communiqué. « Quant à la Wallonie, au-delà des discours, les actions essentielles restent insuffisantes, voire en régression, dans les 3 grandes priorités : la stratégie de rénovation des bâtiments, la mobilité et la relocalisation de l’économie », ajoutent-ils.
1,5 degré, pas 2 degrés
« Chaque degré supplémentaire compte, car le réchauffement de 1,5°C ou plus augmente les risques de changements durables ou irréversibles, tels que la perte de la calotte glaciaire du Groenland et des récifs coralliens des eaux chaudes », affirme ainsi Hans-Otto Pörtner, co-président de cette session du GIEC, qui a réuni chercheurs et représentants des États toute la semaine dernière à Incheon, en Corée du Sud.
Pour limiter les effets du réchauffement climatique, les experts soulignent l’importance de ne pas dépasser ce fameux seuil de 1,5°C. Si le demi-degré qui sépare 1,5°C de 2°C (comme conclu à l’Accord de Paris) peut paraître une bagatelle sur papier, les conséquences qui en découlent sur la planète seront, elles, énormes.
Ainsi, une hausse de 2°C signifiera l’arrêt de mort des récifs coralliens et donc de toute la biodiversité marine qui en dépend, alors qu’avec un demi-degré en moins, une partie de ces écosystèmes (entre 10 et 30 %) gardent une chance de s’en sortir. Un demi-degré en plus entraînera aussi la fonte irréversible de la calotte glaciaire au Groenland et en Antarctique, une montée du niveau des mers de 10 cm en plus que sous 1,5°C, ou encore l’extinction de nombreuses espèces. Les insectes, plantes, vertébrés, mais aussi les animaux marins, en raison de la diminution du niveau d’oxygène dans l’eau et de l’augmentation de l’acidité des mers.
Des changements « rapides et sans précédent » nécessaires, et encore possibles
Mais ce demi-degré en plus ne sera pas non plus sans effets sur la santé publique, particulièrement dans les pays qui sont déjà en situation de pauvreté. Les capacités d’adaptation ayant leurs limites, avertissent les chercheurs. Ainsi, une hausse de 2°C signifiera une diminution de 20 % des précipitations estivales et des vagues de chaleur qui pourraient être multipliées par cinq d’ici le milieu du siècle (surtout si cette hausse atteint les 3°C à la fin du siècle) et qui impacteront des dizaines de millions de personnes en plus dans le monde. Si les températures augmentent de plus de 4°C, une grande partie du sud de l’Espagne pourrait carrément se transformer en désert d’ici la fin du siècle.
L’élévation des températures et les catastrophes naturelles et feux de forêt qui en découleront augmenteront aussi la migration climatique. Selon un rapport de la Banque mondiale publié en mars dernier, en 2050, quelque 143 millions de personnes, vivant en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Amérique latine notamment, pourraient ainsi être forcées de quitter leur maison.
Mais le tableau n’est pour autant pas tout noir: limiter le réchauffement climatique sous 1,5 degré est encore possible « avec les lois de la physique et de la chimie existantes », mais cela requière des « changements rapides et sans précédent », avertit Jim Skea, auteur du rapport et co-président de cette session du GIEC. La bonne nouvelle est que certains de ces changements ont déjà été mis en route, mais ils doivent être accélérés sans plus attendre.
Atteindre l’objectif de 1,5 degré exige ainsi de réduire les émissions mondiales d’environ 45 % à l’horizon 2030 (par rapport à 2010) et d’arriver à un bilan net de zéro émissions d’ici 2050. À cette fin, le GIEC livrent des pistes d’action concrètes aux décideurs politiques et aux scientifiques engagés dans le climat. Il faudrait surtout privilégier les actions à court terme, en agissant rapidement sur les émissions polluantes (le CO2 mais aussi le méthane, certains gaz fluorés, aérosols…), en augmentant la surface de nos forêts, zones humides et prairies pour capter le carbone de notre atmosphère et enrayer la perte de biodiversité, et en réorientant les investissements dans les secteurs du l’énergie, du transport, de la gestion des bâtiments, etc. La priorité est également d’en finir avec les énergies fossiles et d’opérer une transition très rapide vers un modèle énergétique 100 % renouvelable.
Les années à venir s’annoncent donc cruciales pour notre planète et notre santé. « Tout retard dans l’action rendra les impacts du changement climatique plus graves et les adaptations plus difficiles, tout en rendant les solutions à déployer plus coûteuses », tirent la sonnette d’alarme Zakia Khattabi et Patrick Dupriez, tout en réclamant des politiques plus ambitieuses en matière climatique, et ce, à tous les niveaux de pouvoir.
Limiting #globalwarming to 1.5ºC will require rapid, far-reaching and unprecedented changes in all aspects of society but bring clear benefits to people, ecosystems and #globalgoals, says new @IPCC_CH report. Every bit of extra warming matters #SR15 #climatechange pic.twitter.com/7JQy8cMLnA
— IPCC (@IPCC_CH) 8 octobre 2018