Parmi toutes les réformes en chantier, le Pacte d’excellence prévoit une refonte des grilles horaires des enseignants, de façon à objectiver leurs heures de travail. L’avant-projet de décret redéfinit le travail en cinq pôles. Concrètement, les professeurs auront moins d’heures à prester en classe, mais risquent d’avoir plus de tâches obligatoires à remplir en parallèle.
Lancé en 2015 déjà, le Pacte d’excellence se veut une réforme en profondeur de l’enseignement belge francophone. Le monde politique et académique a donc entamé des chantiers sur tous les fronts: le contenu des cours et l’établissement d’un tronc commun de la maternelle à la troisième secondaire, la formation des enseignants et le barème salarial, ou encore la grille horaire censée organiser l’année scolaire.
Mais ce n’est pas tout, la ministre de l’Éducation, Marie-Martine Schyns (cdH), est également en train de concocter de nouvelles plages horaires pour les professeurs afin d’y mettre davantage d’ordre. Car tous les professeurs peuvent en attester: leur job ne se limite pas aux heures de cours en classe. Il y a les leçons à construire à la maison, les contrôles à corriger, les examens à préparer, les voyages et sorties scolaires à planifier… Et tout cela peut prendre plus ou moins de temps en fonction de leurs exigences personnelles, celles de la direction, ou encore des besoins des élèves.
Cette future grille horaire s’organisera en cinq parties, annonce Le Soir qui a pu consulter l’avant-projet de décret de la ministre.
1. Le travail en classe
Le travail en classe correspond au nombre d’heures prestées, ramené en périodes de 50 minutes évidemment. L’avant-projet prévoit peu de changements en maternelle et primaire, où les enseignants devront prester respectivement 26 périodes par semaine et 24 périodes. Soit le même nombre d’heures qu’actuellement.
Par contre, en secondaire, il va y avoir du changement. La plage horaire actuelle varie entre 22 et 24 heures dans l’enseignement secondaire inférieur et entre 20 et 22 heures dans le supérieure. L’avant-projet suggère de transformer ce « minimum » en un « maximum »: les professeurs du secondaire inférieur devront donc prester 22 heures par semaine et ceux du secondaire supérieur 20 heures par semaine.
2. Le service à l’école et aux élèves
Il s’agit de tâches annexes réalisées en-dehors des heures de travail en classe. Le texte distingue les « missions obligatoires » des « missions collectives ». Les premières obligeront explicitement les professeurs à participer aux voyages et sorties scolaires, aux réunions de parents, aux délibérations et aux conseils de classe, à assurer le suivi individuel des élèves, à surveiller les entrées et sorties de classes ainsi que les récréations et à accepter toute une série de services liés au bon fonctionnement de l’école (comme le fait de remplacer un collègue malade…).
Les secondes, les « missions collectives » se feront « pour la collectivité et dans l’intérêt général de l’ensemble des acteurs de l’école », précise le texte, mais ne seront pas exercées par tous les enseignants. Il s’agit, par exemple, de la confection des horaires, l’organisation de stages, la gestion des relations avec les parents, etc. Toutes ces fonctions seront mieux définies et pourront faire l’objet d’un appel à candidatures au préalable, de manière à éviter qu’un prof doive toutes les remplir seul.
Point problématique pour les syndicats
Mais ce point deux, principalement, inquiète déjà les syndicats. « La question du service à l’école pose de vrais problèmes. Nous ne contestons pas les réunions de parents ou les délibérations – il est évident qu’elles sont obligatoires – mais nous avons des craintes quant aux activités parascolaires: nous ne pourrons jamais accepter qu’un professeur soit, demain, obligé d’organiser une fancy-fair ou d’aller en voyage scolaire. Un enseignant peut avoir des obligations familiales à assumer », déplore Joseph Thonon, du CGSP enseignement, au Soir.
Même son de cloche du côté du syndicat chrétien. « Les profs ont vraiment l’impression qu’on veut rendre obligatoire tout ce qui se fait aujourd’hui sur base volontaire et qui ne pose pas de problèmes: fêtes d’école, sorties scolaires… Pourquoi légiférer là où il n’y a pas de problèmes? Comment voulez-vous réussir un voyage scolaire dont l’accompagnement serait contraint et forcé? Nous craignons que les directions utilisent ce texte pour imposer des tâches supplémentaires ou pour sanctionner le personnel », s’inquiète Eugène Ernst, de la CSC Enseignement.
3. Le travail collaboratif
Le travail collaboratif entre les enseignants sera, lui, organisé en 60 périodes annuelles. Sous ce terme, l’avant-projet entend la participation des enseignants aux réunions des équipes pédagogiques et à toutes autres activités de concertation avec les membres du personnel. Ces 60 périodes existent déjà en maternel et primaire mais seront une nouveauté dans le secondaire. Pour les professeurs qui prestent l’horaire maximum, elles ne devraient rien changer. Mais pour les professeurs qui prestent l’horaire le plus bas, elles vont clairement alourdir leur année scolaire.
4. La formation continue
La formation continue réfère aux divers formations que les enseignants suivent sur l’année. Sur ce point, l’avant-projet n’apportera aucun changement par rapport à ce que les textes actuels prévoient.
5. Le travail autonome
Sous ce terme, il faut comprendre le travail que les professeurs réalisent à domicile, en classe avant le début des cours et dans la salle des professeurs. Le texte fait entrer dans cette période la préparation des leçons, l’écriture des supports de cours, la préparation, correction et encodage des évaluations, la gestion pédagogique et administrative des élèves… Mais aussi la correction des journaux de classe, la rédaction du journal de l’enseignant, le remplissage des bulletins, des rapports disciplinaires, ou encore la tenue du dossier d’accompagnement de l’élève.
En somme, les enseignants devront prester moins d’heures de cours, mais ils devront remplir plus de tâches obligatoires. Dans le même temps, toutes les heures de travail à la maison – qui pourrissent leurs soirées, week-ends et vacances – seront enfin reconnues comme du vrai boulot.