J+1. L’occasion de se retourner vers ces élections communales et provinciales pour en tirer un bilan d’ensemble, d’établir une carte politique de la Belgique. Quand la Wallonie fonce à gauche, la Flandre fonce à droite. Les prochaines négociations fédérales s’annoncent très compliquées.
541 jours sans gouvernement fédéral. Va-t-on battre notre propre record du monde en mai prochain lors des élections législatives? Les négociations s’annoncent déjà difficiles, car la Flandre et la Wallonie prennent politiquement des trajectoires opposées.
Cela s’observe d’abord par un ancrage local. Le PS, malgré les affaires, a fait mieux que se défendre. Les socialistes gardent leurs forteresses imprenables: Charleroi, Mons, Liège et même Tournai. Attention toutefois, les socialistes ont fait le pire score de leur histoire.
Mais cette chute n’a pas profité au MR, que du contraire. C’est le PTB et Ecolo qui ont récupéré les voix des mécontents. Si la vague verte peut s’expliquer par différents facteurs (éveil sur les conditions climatiques, 700.000 nouveaux jeunes électeurs), la montée du PTB s’opère à la gauche du Parti socialiste. La Wallonie, comme Bruxelles d’ailleurs, braque à gauche.
« Rouge vif »
Le PTB explose partout où il a présenté une liste. « La gauche authentique », comme ils aiment s’appeler, va considérablement augmenter le nombre de ses élus locaux. En tout cas, s’ils parviennent à négocier. Cela a commencé à Charleroi et à Molenbeek, et ça pourrait suivre à Liège. Quand Ecolo parle de « vague verte« , Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB, clame qu’il s’agit « d’une vague rouge vif« , à juste titre.
Ce tournant à gauche est particulièrement vrai si on se projette dans les élections provinciales. Car les élections communales sont toujours un peu particulières: les citoyens votent pour des idées, mais surtout pour des personnes. Vu qu’il n’y a aucune tête connue pour les élections provinciales, c’est là qu’on peut saisir réellement le potentiel de chaque parti.
En projetant les résultats des provinciales au Parlement wallon, la majorité actuelle MR-cdH, ne suffit plus. Le MR perdrait trois sièges et le cdH deux. À l’opposé, si le PS perd des plumes (-7), cette chute est largement compensée par Ecolo (+9) et le PTB (+4). Les trois partis de gauche peuvent former une nouvelle majorité.
Raoul Hedebouw (PTB): "C'est une véritable vague rouge vif" https://t.co/GxzfRCv5GR
— RTBF info (@RTBFinfo) 15 octobre 2018
L'extrapolation au Parlement wallon des résultats aux provinciales. pic.twitter.com/dqDTgkNC1k
— Pascal Delwit (@PDelwit) 15 octobre 2018
Forza Ninove
Côté flamand, le constat est tout autre. Là où le MR marque le pas, la N-VA fait mieux que résister. En témoignent les réussites des principaux ministres du gouvernement fédéral qui portaient des listes locales: Theo Francken, Steven Vandeput, Jan Jambon, Zuhal Demir, et bien sûr Bart De Wever, président satisfait, qui reste le maître de la plus grande commune flamande.
Si on observe également une vague verte de Groen, elle est en partie éclipsée par la percée du Vlaams Belang. Le parti d’extrême droite est même en passe de connaître le premier bourgmestre de son histoire. La liste « Forza Ninove », emmenée par Guy D’Haeseleer, a recueilli près de 40% des voix. Cette victoire a fait le tour du web, car célébrée dans les rues par des saluts nazis. Pas très étonnant quand on fait l’essentiel de sa campagne contre les migrants et l’Islam. Parfois concurrents, le VB n’a pas hésité une seule seconde à tendre la main à la N-VA. Tout comme Dries Van Langenhove, leader charismatique du mouvement « Schild & Vrienden », qui verrait bien les deux partis former une grande coalition flamande. Bart De Wever a en tout cas laissé la porte ouverte à une négociation à Ninove.
On en n’est pas encore là à un échelon plus haut. Le cordon sanitaire est toujours une réalité. Mais si on se projette sur les élections provinciales, le constat saute aux yeux: le VB (+9) grimpe à 15 sièges au Parlement flamand, soit presque autant que l’Open VLD et Groen. La N-VA paye un peu plus cher, mais reste, avec 32 sièges, la force incontournable du nord du pays.
La cartographie de la Flandre penche clairement à droite. C’est tout l’inverse du côté francophone. Alors que certains experts veulent mettre aux oubliettes le clivage gauche/droite au profit d’un clivage société ouverte/société fermée, il semble que la Belgique fasse de la résistance. C’est aussi vrai pour les jeunes, chaque partie tend à se radicaliser de son côté. Enfin, là où le VB a réussi son pari en Flandre, le Parti Populaire et La Droite échouent totalement du côté francophone.
PTB et VB joueront, à un niveau plus haut, leur rôle de poil à gratter. Ils tenteront de tirer l’opinion publique de leur côté, peu de chances qu’ils participent à de futures négociations. Mais si Ecolo et le PS emportent les élections de mai prochain, ils devront aussi trouver un partenaire. La N-VA face au PS, c’est déjà très compliqué. Ajoutez-y le PTB, et les nationalistes flamands n’accepteront de négocier qu’au prix de larges compensations communautaires. Si les francophones refusent, la N-VA verra s’appliquer l’une de ses grandes thèses: la Belgique, séparée idéologiquement, ne sera plus gouvernable.
Ik laat me normaal nooit uit over partijpolitiek, maar hiervoor maak ik een uitzondering. Ninove kreunt onder de vervreemding en de kiezers maakten duidelijk dat ze een Vlaamsgezinde coalitie willen. RT als je vindt dat N-VA en Forza moeten samenwerken om Ninove Vlaams te houden! pic.twitter.com/k0cfDuddqg
— Dries Van Langenhove (@DVanLangenhove) 14 octobre 2018
L'extrapolation au Parlement flamand des résultats aux provinciales. pic.twitter.com/R5X2nYLW5s
— Pascal Delwit (@PDelwit) 15 octobre 2018