« Family Business » sur Netflix incarne une nouvelle ère de la série comique française

Family Business est sortie ce 28 juin sur Netflix, et c’est une série qui est plus importante qu’il n’y parait. On t’explique pourquoi tu dois foncer fumer cette série, quitte à finir stone à la fin du sixième épisode.

La comédie française a du mal à s’affirmer. Enfin, c’est ce qu’on aimerait se laisser à penser, en voyant les doublettes de Qu’est-Ce Qu’on A Fait Au Bon Dieu s’accumuler dans les salles de cinéma. Alors, quand on parle séries, c’est encore pire. Depuis le succès d’Un Gars Une Fille, peu ont été les chaînes à se lancer dans la production de séries long format plutôt que de rediffuser une énième fois la cinquième saison de House ou NCIS (dans le désordre, bien sûr).

Sauf qu’une nouvelle génération, accompagnée de nouveaux moyens de production, pourrait bien changer la donne. Si Family Business n’est pas l’oeuvre qui marque la scission entre ancienne et nouvelle télévision, elle incarne ce changement de mentalité vis à vis de l’humour dans les séries françaises

Enfants de Bref

La scission, c’est ici qu’on la trouve. Avec Bref, Kyan Khojandi, Navo et Harry Tordjman osaient se donner les moyens de leur humour. Jusque-là, les séries humoristiques françaises (à l’exception de Kaamelott) reposaient essentiellement sur des vannes clichées balancées à la va-vite dans un rythme énervé en attendant le JT. Bref a changé la donne.

Plutôt que de boucher les trous, cette série est devenue l’événement, et a osé traiter l’humour comme il existe dans notre vie de tous les jours: sincère, parfois sombre sans tomber dans le drame, interne et qui n’a pas besoin de situations grandiloquentes ou de moqueries pour décrocher un sourire.

Jonathan Cohen, la révélation

Au casting de la série, on retrouvait Jonathan Cohen, qui deviendra peu à peu une révélation dans la comédie française. Charismatique, virtuose en impro, avec un bagou qui pourrait faire tomber le moindre spectateur, il s’est imposé naturellement. Il a prouvé son talent à plusieurs reprises, avec ses apparitions dans Bloqués (toujours en compagnie de Kyan et Navo) et sa série dédiée, Serge le Mytho.

Aujourd’hui, on arrive à un autre niveau, avec Family Business où il tient la tête d’affiche. En compagnie de Gérard Darmon, il incarne un loser en série – sans mauvais jeu de mots – qui se retrouve, par envie d’enfin trouver la place qui lui conviendra, à entraîner sa famille (et Enrico Macias) dans le business de cannabis.

Avec Igor Gotesman aux commandes, il était difficile de savoir à quoi s’attendre. Mais malgré quelques défauts, Family Business est une réussite, une pierre d’angle, et mérite qu’on s’y attarde.

Igor Gotesman, l’atout de Family Business

Igor Gotesman – (Photo by Stephane Cardinale – Corbis/Corbis via Getty Images)

En termes d’histoire, on retrouve des schémas déjà usés par Igor Gotesman dans son film Five: un rapport père-fils houleux, une famille qui se mélange entre liens génétiques et amicaux, et un basculement dans un univers de drogues par une bande qui n’avait clairement rien à foutre là en premier lieu.

Mais plus que le scénario, c’est le ton qui est intéressant chez Igor Gotesman: porté par de très bons acteurs, avec notamment Pierre Niney et François Civil dans son film Five, et ici Gérard Darmon et Jonathan Cohen, on se donne aussi ici les moyens de son humour.

Le défaut de la comédie française, c’est de ne pas laisser des enjeux s’installer entre deux rires. Rien n’est grave, une vanne en entraîne une autre, et si on fait de l’humour, on ne fait que ça. Si on fait du drame, on ne fera que ça aussi. En témoigne le changement de ton de Kaamelott, dont le seul échec aura été de ne pas réussir à jongler de manière fluide entre drame et comédie. À l’image de Bref, Family Business arrive à concilier les deux, sans tomber dans le pathos dans les moments sombres, et en réussissant à déclencher des sourires plusieurs fois par épisode.

Un casting qui croit en ce qu’il fait

Les acteurs croient en ce qu’ils racontent, même couverts de ridicule et dans la situation la plus improbable. On aurait pu s’attendre à un Jonathan Cohen trop cabotin, une redite de Serge le Mytho qui n’aurait pas matché ici, mais non: il est sincère, et prouve que son jeu ne se résume pas à parler en verlan en charmant l’audience du Burger Quizz.

Le reste du casting est à la hauteur. Gérard Darmon est parfait dans son rôle de père juif qui a du mal à se laisser aller depuis que sa femme est décédée. Sa performance, à la fois drôle et touchante, lui ressemble, et c’est sans surprise que son personnage porte le même prénom que lui.

https://www.instagram.com/p/Bxwsr1Eiil2/?utm_source=ig_web_copy_link

Julia Piaton, qui figurait justement au casting de Qu’est-ce Qu’on A Fait Au Bon Dieu, incarne la soeur lesbienne de Jonathan Cohen avec également, beaucoup de justesse. Quant à Liliane Rovere, la mamie à la main verte qui se retrouve à échanger les bonzaïs pour les plants de weed, rien à dire. Comme dans son rôle das Dix Pour Cent (une autre fantastique série française), son jeu fonctionne à merveille.

L’alchimie de toute cette bande est elle aussi impressionnante. Sans ses acteurs, Family Business ne serait sans doute pas la série qui annonce un renouveau de la comédie française. Une comédie qui se prend au sérieux, même dans les situations les plus grotesques, qui raconte une histoire et se focalise sur les relations entre les personnages plutôt que de désamorcer la moindre embrouille avec un éclat de rire.

Une sensation de « trop peu » au dernier épisode

On passe un bon moment devant Family Business, même si une sensation de « trop peu » se dégage lorsque le générique du sixième – et dernier – épisode de trente minutes s’enclenche. On peut lui trouver d’autres défauts, comme un début un peu lent – qui permet néanmoins de bien installer les différents enjeux , et une multiplicité des fils rouges qui ne sont pas tous entièrement exploités. Mais on a hâte de savoir si, oui ou non, une deuxième saison sera à nouveau produite par Netflix. En priant pour que ce soit oui.

Petits points bonus: Louise Coldefy, qui incarne la fille « un peu » tarée du ministre de la santé, et qui arrive à manier un personnage insupportable qui devient vite indispensable. La BO également, composée par Paul-Marie Barbier (Caravan Palace) et Julien Grunberg, est excellente. Enfin, les apparitions de Valérie Damidot et Enrico Macias dans leurs propres rôles sont délicieuses.

Foncez fumer Family Business. Histoire qu’enfin, on se décide à produire des bonnes séries francophones comiques, qui ne soient pas l’exception mais la règle.

Plus
Lire plus...