BSF Jour 2: comment peut-on ne pas respecter Booba?

Soirée rap au BSF pour cette deuxième nuit. Columbine met en jambes, Caba et JJ t’installe et Booba te bouscule.

Un festival, d’un jour à l’autre, peut contenir un tout autre genre d’atmosphère. Au Brussels Summer Festival, alors que la veille, c’était la convivialité chaleureuse qui régnait, c’est l’effervescence et l’envie de trépigner qui envahissait la Place des Palais ce 15 août.

Pour cause: ce soir, le Duc de Boulogne allait envahir Bruxelles. Annoncé comme personnage clivant, capable de couper la musique pour demander à un hater de sortir de la fosse, Booba est avant tout l’une des personnalités majeures du rap francophone. Qu’on apprécie ou pas, la longévité de sa carrière et la preuve de son public renouvelé par la jeunesse de l’audience forcent le respect. Même si son concert a eu l’allure d’un soufflé qui retombe un peu trop vite.

Mais avant, c’était Columbine, le duo de rappeur où l’actuel Lorenzo officiait auparavant qui a fait danser une foule d’ados avec entrain et, surtout, Caba et JJ qui étaient chez eux. Enfin.

Columbine, la fièvre adolescente

©Lola d’Estienne d’Orves

Arriver au concert de Columbine, c’est se sentir un peu vieille. Cette phrase étant écrite par quelqu’un qui n’a même pas encore atteint le cap des 25 ans, ça en dit long. Dress-code bob et crop-top, moyenne d’âge de 15 ans et appareils dentaires en perspective: il serait facile de se moquer du public de Columbine.

Sauf qu’aux premières notes, on voit le visage des fans s’éclairer, les cris tonner et la foule s’allumer. Soudain, on se rappelle que nous aussi on a eu 14, 15, 16 ans et qu’on était prêts à vendre un rein pour pouvoir ne serait-ce qu’approcher notre artiste préféré.

Là, le duo composé de Lujipeka, Jésus en pattes d’eph’ rose, et Foda C, énervé juste comme il faut, instaure une ambiance électrique dès les premiers sons. Ils ont effectivement une énergie adolescente qui transpire à travers chacun de leurs morceaux. C’est intense, et c’est une nostalgie frénétique qui s’empare du public. On voit un peu partout quelques parents qui découvrent sans forcément détester. De l’incompréhension se dégage de certains regards, vite dégagé par les sourires qu’on arrache aux spectateurs.

Les musiques s’enchaînent et les chanteurs sautent à chaque bout de la scène. C’est pas grave, leur tube de l’été, arrive à mi-chemin du concert, un peu avant que celle que beaucoup considèrent comme leur chef-d’oeuvre, Les Prélis, ne réconcilie tout le public autour de Columbine.

C’est un concert de private jokes, de complicité avec le public. Les cris perçants de voix pas encore muées déchirent chaque silence. On pogote sec au concert de Columbine. Le show se finit sur un coup de tonnerre. Un simple coucou depuis les backstages relance les cris, puis ils disparaissent. La tempête adolescente a quitté la scène, mais n’est pas encore tout à fait partie du public: pour Caba et JJ, la jeunesse se mêle aux adultes dans une douce odeur de weed.

Lujipeka ©Lola d’Estienne d’Orves
Foda C ©Lola d’Estienne d’Orves
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Mère fatiguée ou appréciation sincère? ©Lola d’Estienne d’Orves
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Caballero et Jeanjass, comme à la maison

©Lola d’Estienne d’Orves

Comment décrire le retour à Bruxelles de Caballero et Jeanjass? Les deux rappeurs ont tellement à offrir à leur public. On ne dirait pas un concert de festival tellement le show est travaillé. La scénographie s’amuse des rappeurs, avec une cabine téléphonique qui sonne à intervalles régulières pour rythmer le concert, la cabine DJ en forme de voiture, et surtout el gordo guapo Caba et le jeune et génial Jeanjass qui tiennent le show de bout en bout: le spectacle est complet.

On veut pas vous spoiler Booba, mais Caba et JJ signent ici la meilleure performance de la soirée sur la Place des Palais. Ils enchaînent les musiques de leur deuxième album avec celles plus récentes. Petite mention à Jeanjass qui en profite pour chanter X-Men, track présente sur Jeannine, en duo avec Lomepal.

Le meilleur pour la fin. C’est facile, oui, mais tellement bon. Caba et JJ font du fan service de qualité, et encore heureux. Car comment ne pas finir un concert sans enchaîner Dégueulasse, Bruxelles Arrive, Sur Mon Nom et Californie, au volant d’une décapotable?

Caballero et Jeanjass, c’est l’amour avant tout. Entre eux, avec le public, avec les techniciens, avec Bruxelles, avec leurs potes auxquels ils enchaînent les références. Merci pour ça.

Spider-caba – ©Lola d’Estienne d’Orves
En flagrant délit de super-pouvoirs – ©Lola d’Estienne d’Orves
« Venez, on fait comme Lomepal à ses concerts » – ©Lola d’Estienne d’Orves
©Lola d’Estienne d’Orves

Mais plus le temps pour l’amour. La tant attendue et tant discutée tête d’affiche de la soirée, voire du festival, débarque dans 40 minutes. B20 arrive avec sa foule de protégés.

Booba, performance brute

Comment peut-on ne pas respecter Booba? Le voir en live, c’est comprendre. La longévité de sa carrière, le charisme, la force, la nonchalance, le succès, le personnage. Booba n’est clairement pas là pour rigoler et le moindre de ses tracks fait passer Sur Mon Nom pour une comptine.

On soupçonne peu le nombre de gens qui connaissent tout le répertoire de B20 sur le bout des doigts. À chaque « La piraterie n’est jamais finie », la foule tremble et la scène aussi. Les basses ont dû déchausser l’une ou l’autre vitre du Palais Royal.

Puis, la foule reprend à l’unisson tout ce qu’il joue. Booba est rôdé et ça se sent. Il marche sur la main stage comme s’il en connaissait chaque recoin. Son flegme, il l’entretient. Il harangue la foule avec des « ça va ou quoi? », lance quelques piques à Kaaris et Damso, encourage les jeunes filles à chanter à l’unisson sur ses titres les plus lovers…

Mais à mi-chemin, quelque chose retombe. Contrairement aux performances précédentes, où on sentait l’envie de faire kiffer autant les adeptes que les néophytes, Booba est là pour ses fans et ne doit rien à personne. On sent bien une baisse d’énergie de certains qui espéraient un show impressionnant. C’est là où le bât blesse. Passés les débuts intimidants, certains semblent lassés sur la Place des Palais pleine à craquer.

Les sons les plus connus tombent, sans temps mort entre les tracks: Scarface repris à l’unisson, Caramel, DKR, Validée… Booba fait le taf, et il le fait bien. Mais justement: il fait le taf. Rien de plus. Vu sa carrure dans le milieu du rap francophone, il peut se le permettre, mais quelque part, on aurait envie de plus.

À la fin du concert, alors qu’il s’en va sans trop dire au revoir, les réactions se mêlent entre fans en extase et les commentaires déçus. On sera prévenus: aller voir Booba en concert, c’est s’attendre à ce que le soufflé retombe à mi-chemin. Au moins, on peut mourir tranquille.

©Lola d’Estienne d’Orves
©Lola d’Estienne d’Orves
©Lola d’Estienne d’Orves

Ah, et si la question se posait: non, pas d’embrouilles au concert. Si bien qu’à la sortie, on a retrouvé des policiers en train de danser au son des baffles des visiteurs.

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