8 arguments à sortir à ceux qui critiquent les marches pour le climat

Cette semaine, des étudiants sont sortis dans la rue pour le troisième jeudi consécutif afin de solliciter une politique climatique plus ambitieuse. Ils estiment que la Belgique et les autres pays n’en font pas assez pour réduire les émissions de CO2. Tant que les étudiants n’obtiendront aucun engagement de la part des politiciens, disent-ils, ils répéteront les actions dans les prochaines semaines. Précisons que tout cela se passe dans une atmosphère détendue et non violente que les adultes ne peuvent apparemment pas se permettre lorsqu’ils se rendent à Bruxelles pour exprimer leurs griefs. Ces jeunes ont raison et voici pourquoi.

1. C’est pire que tu ne le penses

Ne te laisse pas avoir par les politiciens qui déclarent que le réchauffement ne dépasserait pas les 1,5 ou 2 degrés. Même si nous arrêtions d’émettre des gaz à effet de serre en arrêtant d’utiliser des combustibles fossiles avant la moitié de ce siècle, les températures augmenteront en moyenne de 2,9 degrés d’ici 2150. Et c’est le scénario le plus optimiste, car si nous atteignons les objectifs que l’UE s’est fixée, le réchauffement atteindra plutôt les 3,4 degrés. Ces objectifs, qui visent actuellement une réduction des gaz à effet de serre d’ici 2030, se sont déjà révélés irréalisables. Mais le scénario le plus important et, malheureusement, le plus probable, est celui dans lequel nous ne changeons rien. Avec l’augmentation actuelle de l’utilisation de combustibles fossiles et une transition trop faible vers les énergies durables, nous risquons sur le long terme de connaître un réchauffement de 4,9 degrés.

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2. Ce qui est à venir (à moins que ce ne soit déjà arrivé)

Restons-en à 4 degrés, car de toute façon, à 4,9 degrés, c’en est fait de l’humanité. Quatre degrés, ça ne paraît pas être grand-chose, mais les conséquences sont énormes. C’est une perspective d’avenir désastreuse. Dans un tel scénario, les grandes villes situées le long des côtes deviennent inhabitables, ce qui obligerait des centaines de millions de réfugiés climatiques à migrer.

C’est également un scénario dans lequel les glaciers et la glace des pôles commencent à fondre très rapidement, augmentant le niveau de la mer de plus de 50 mètres. Le rythme est effrayant: compte un mètre tous les 20 ans.

Le nombre de feux de forêt augmente considérablement, y compris dans nos régions, car le climat serait alors très similaire à celui de Marrakech, par exemple. Les vagues de chaleur, avec des températures avoisinant les 45 degrés, sont les nouvelles normes saisonnières.

Avec un réchauffement de quatre degrés, des pays comme l’Espagne et l’Italie deviennent en grande partie inhabitables, ce qui crée un nouveau flux de réfugiés en direction de la Scandinavie et des pays baltes par exemple. Quatre degrés, c’est ce qu’on appelle un scénario climatique instable. Le pergélisol (ou permafrost), en dégelant, libère plus de 500 milliards de tonnes de CO2 dans notre atmosphère. Cela s’est déjà produit dans le passé et a complètement changé notre planète.

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3. Il y a 55 millions d’années

En cas de fonte du permafrost, il n’y aura plus de glace aux pôles, les forêts tropicales auront été brûlées et transformées en désert, les Alpes ressembleront à présent à l’Atlas. Nous approchons d’une situation que la Terre a déjà connue il y a 55 millions d’années, à l’époque de l’Éocène.

En 20.000 ans à peine, la température moyenne aura alors atteint 7 degrés aux latitudes les plus élevées. C’est l’un des dérèglements climatiques les plus violents de l’histoire géologique. Le changement climatique a ainsi provoqué une extinction de masse. Son nom, la Grande Coupure, en dit long.

L’explication admise communément est la suivante: en raison du réchauffement progressif du Paléocène supérieur, la température de l’eau de mer a dépassé une certaine valeur critique, entraînant la dissolution d’hydrates de gaz sur le plancher océanique et libérant de grandes quantités de méthane dans l’atmosphère.

Le méthane étant un très puissant gaz à effet de serre (vingt fois plus efficace que le dioxyde de carbone), cela aurait soudainement accéléré le réchauffement climatique. A noter, ce réchauffement progressif qui a sévi au Paléocène supérieur s’est avéré 30 fois plus lent que ce que nous traversons actuellement.

La plupart des modélisations du réchauffement climatique actuel ne tient pas compte des rejets d’hydrates de gaz comme facteur de renforcement. Mais une chose est certaine, si cela se produit, la terre deviendra non viable pour l’homme, un point c’est tout.

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4. Plus de raison d’espérer alors ?

Si nous investissons dans des solutions rentables, c’est parce que l’on y croit, non? L’humain est ainsi fait qu’il est de par nature optimiste. Il préfère croire à la prévision qui lui dit que tout ira bien plutôt qu’à celle qui dit le contraire. Car, et c’est logique, il est plus facile de la sorte d’affronter la réalité. Si neufs médecins découvrent que je souffre d’une maladie incurable, je ferais plus confiance au dixième qui m’indiquera le contraire. Mais cet optimisme n’en reste pas moins irrationnel et il ne me guérira pas.

Même chose avec le dérèglement climatique. Le pronostic des spécialistes ne ment pas: notre sécurité alimentaire sera affectée, les zones à risque de sécheresse, d’inondations, de phénomènes météorologiques extrêmes et de feux de forêt se multiplieront dans le monde. Les scientifiques parlent en plus d’un Mass Extinction Event dans lequel d’innombrables espèces d’animaux disparaîtront chaque année.

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5. Mais on y travaille quand même? C’est la ministre Schauvliege qui l’a dit

La ministre flamande de l’Environnement, de la Nature et de l’Agriculture, Joke Schauvliege, est « extrêmement reconnaissante » envers ces jeunes qui marchent pour le climat, car « ils contribuent à accroître le soutien social » autour des questions climatiques. C’est ce qu’elle a déclaré la semaine passé durant l’émission « De Ochtend » sur Radio 1. « Je me sens soutenue à mener une politique environnementale plus engagée ». La ministre souligne que le gouvernement flamand a effectivement pris de nombreuses mesures et qu’il est sur la bonne voie pour atteindre les objectifs européens.

Schauvliege, excusez notre langage, raconte de la merde. Nous ne sommes pas du tout sur la bonne voie et sommes encore loin des objectifs climatiques définis dans le cadre de la stratégie Europe 2020. Les émissions de gaz à effet de serre ont à peine été réduites de 7,2% dans notre pays, selon les chiffres les plus récents, par rapport à l’année de référence 1990. À peine la moitié de ce qui est nécessaire pour atteindre dans moins de deux ans un objectif européen. Un objectif qui conduira de toute façon à un réchauffement de près de trois degrés.

Qui plus est, la part des énergies renouvelables n’atteint pas l’objectif des 13%. Bien que cette part ait plus que doublé entre 2008 et 2016, la Belgique stagne à 8,7%. En termes d’efficacité énergétique, pratiquement aucun progrès n’a été réalisé. Le lundi 4 février, nous aurons utilisé toute l’énergie renouvelable que nous produisons dans notre pays en une année. À partir du 4 février, nous serons donc contraints d’utiliser l’énergie « grise » issue des centrales nucléaires, du gaz, du charbon ou du pétrole.

Quiconque aurait l’impression que nous progressons et que, grâce à l’évolution de la technologie, nous évoluons vers un avenir et une énergie propre, est carrément à côté de la plaque. Car, en réalité, c’est tout le contraire que nous faisons. Et ce, malgré le consensus scientifique indiquant que l’humanité court à sa perte. Les beaux discours des politiciens ne sont que poudre aux yeux.

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6. T’exagères, non?

Bon, voici les faits. La production de pétrole a dépassé la barre des cent millions de barils il y a quelques mois pour la première fois de l’histoire. C’est le double d’il y a 50 ans. Selon les prévisions de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), d’ici 2040, au moins 112 millions de barils de pétrole seront encore extraits par jour. Plus de 112 millions, pas moins.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) dévoile un pronostic encore plus déconcertant: il n’y aurait aucune raison que cette augmentation ne cesse au cours des 20 prochaines années et elle prévoit même qu’à l’horizon 2050, 125 millions de barils de pétrole seront encore pompés quotidiennement.

Il en va de même pour le charbon. Bien que dans les pays de l’OCDE (les 31 pays les plus prospères), l’utilisation du charbon devrait diminuer d’un tiers d’ici 2040, elle augmentera de 20% dans le reste du monde. Cinq fois plus de charbon sera utilisé par les économies émergentes que par les pays occidentaux. Autrement dit, nous allons brûler de plus en plus de charbons dans le monde, jamais moins.

Les plus récentes, et très optimistes, prévisions quant à la reconversion en voitures et camions électriques voient 720 millions de véhicules électriques circuler sur les routes à travers le monde d’ici 2040. Mais il faut que tu saches que dans ce scénario, nous comptons tout de même 2,4 milliards de véhicules actifs dans le monde, soit une augmentation de 1,3 milliard par rapport à aujourd’hui. Des scénarios plus réalistes ne montrent « que » 320 millions de voitures électriques. Ou encore: le nombre de véhicules émettant du CO2 augmentera d’au moins 600 millions, voire d’un milliard.

Aussi, nous ne voyagerons pas moins par avion. La meilleure hypothèse prédit une augmentation moyenne de 2,2% par an de la consommation de carburant d’avion. Les investissements dans l’extraction de pétrole dans les sables bitumineux canadiens, la forme d’extraction de pétrole la plus polluante au monde, ont doublé au cours de la dernière année. Les banques américaines, en particulier, injectent massivement de l’argent dans les combustibles fossiles depuis que Trump a annoncé leur retrait de l’Accord de Paris sur le climat. JPMorgan Chase, par exemple, a quadruplé sa participation dans l’extraction de pétrole à partir de sables bitumineux et a même été jusqu’à investir 5 milliards d’euros dans ce secteur. Cette même banque a multiplié par 21 son financement de l’extraction du charbon au cours de cette même période.

Les banques du monde entier ont augmenté leurs investissements dans le charbon de 6% au cours de la dernière année. On ne devrait pas vraiment dire ‘du monde entier’, en fait, car les plus grandes banques chinoises et les plus grandes banques européennes ont réduit leurs investissements.

La part des énergies propres et durables en 2040 sera de 20%, dans le meilleur des cas. La part des énergies renouvelables dans l’UE est actuellement « déjà » d’environ 17%. Dans notre pays, ce n’est même pas la moitié. Et, cerise sur le gâteau, ce sont les poêles à bois et à pellets qui constituent les plus grandes sources d’énergie renouvelable en Flandre. Non, non, pas les panneaux solaires, ni les éoliennes. En 2016, un peu plus de 22% de l’énergie renouvelable provenait de la combustion du bois, la source la plus polluante de toutes.

Hein ? Et ouais ! En brûlant pendant deux heures, la cheminée émet autant de CO2 qu’un camion roulant de Bruxelles à Paris. Et avec l’équivalent de l’émission d’un poêle à pellets actif pendant 30 heures, tu te rends en voiture quelque part près de la frontière espagnole. Mais l’Europe les considère comme une source d’énergie renouvelable. Les gouvernements peuvent donc les inclure dans leurs objectifs d’énergie verte. Note que le poêle à bois d’un ménage émet trois fois plus de poussière fine qu’une centrale au charbon. Un feu de cheminée, 30 fois plus.

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7. Go North: là où se trouve une volonté existe un chemin

Avec un soupçon de courage politique et une réflexion à long terme, on pourrait déjà parcourir un bon bout de chemin. En Suède, ils perçoivent une taxe sur le CO2 depuis 28 ans maintenant. La construction de 34 centrales à biomasse a été ainsi financée, entre autres. Les déchets fournissent donc de la chaleur à plus d’un million de ménages. Les eaux usées sont également réutilisées dans de plus en plus d’endroits. Le biogaz avec lequel ils cuisinent provient de leurs propres égouts. Lorsque la taxe sur le CO2 a été introduite, les opposants se sont écriés que la croissance économique s’essoufflerait. Le contraire s’est produit: depuis cette introduction, la croissance est de 80%. De plus, les entreprises à l’origine des centrales à biomasse rencontrent un énorme succès: les Suédois les construisent maintenant dans le monde entier. C’est donc tout à fait possible. Conjuguer croissance économique et prospérité à la réduction des émissions de GES, c’est désormais plus qu’une simple expérience.

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8. Mais pourquoi les politiques n’en foutent pas une?

Il y a en fait quatre raisons à cela. Pour commencer, la plupart des politiciens n’ont aucune idée de la gravité de la situation climatique, et encore moins des efforts à fournir pour surveiller de près la recherche scientifique sur le dérèglement climatique.

Deuxièmement, les politiciens ne profiteraient pas vraiment d’une réflexion à long terme – ils ne seraient pas réélus, et surtout pas en prenant des mesures drastiques. Notre système démocratique est construit de façon à punir les politiciens qui veulent radicalement changer les choses.

La troisième raison est aussi liée au fait de vouloir limiter le risque de perdre des votes. Notre électorat
vieillit et cela se traduit de plus en plus par une impasse politique et économique. Plus les gens sont âgés, moins ils comprennent le dérèglement climatique, moin ils s’en soucient et plus ils ont tendance à le nier. C’est une donné récurrente des études sur le sujet. Plus les gens sont âgés, moins ils sont prêts à sacrifier leur confort matérialiste ou à changer leurs habitudes.

Autrement dit: les vieux ont la thune et ils sont nombreux. Et c’est là qu’est le problème. C’est ce qui a notamment mené au Brexit et à l’élection de Trump. Mais cela explique aussi pourquoi, sans obstacles majeurs, des décisions politiques affectant les jeunes sont prises, comme une réduction des avantages sociaux et des allocations de chômage pour les diplômés et l’abolition de la déductibilité des prêts hypothécaires pour les personnes qui souhaitent construire une maison.

La dernière raison est que notre climat ne pourra être sauvé que par une approche globalisée. Nous ne réussirons qu’à condition d’abandonner cette mentalité égoïste. « Chaque pays, chacun pour soi ». Actuellement, en politique, c’est le nationalisme et le localisme qui scorent. Et c’est ce que prêchent de plus en plus les partis de droite. Ce qui leur fait gagner des voix. Les partisans de la droite nationaliste représentent le plus nombreux négationnistes du climat, comme l’indique cette étude. Le Centre d’études sur le déni du changement climatique (Ceforced), a également constaté que la croissance du nationalisme de droite en Europe a contribué à l’augmentation du nombre de personnes qui nient la véracité du dérèglement climatique. Il existe en effet un lien entre conservatisme, xénophobie et déni des changements climatiques.

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