« Les fossoyeurs de la Belgique » : pourquoi la dernière crise politique a duré si longtemps

Pourquoi a-t-il fallu dix mois à Alexander De Croo pour devenir enfin premier ministre du gouvernement Vivaldi ? Qu’est-ce qui planait au-dessus de sa tête ? Et jusqu’où Bart De Wever et Paul Magnette sont-ils allés exactement pour conclure leur « grand accord » pour la Belgique ? 

‘Les fossoyeurs de la Belgique’ offre un aperçu unique de la salle des machines de la politique belge. À partir de dizaines de conversations, le journaliste Wouter Verschelden raconte l’histoire d’une crise profonde qui a duré pas moins de 662 jours : de la chute du gouvernement Michel I au jour où le gouvernement De Croo I est devenu un fait.

Des conversations confidentielles entre les présidents de partis et le roi, des accords secrets préparés dans des appartements bruxellois, des serments coûteux et un boulevard de promesses non tenues : c’est le récit d’une période turbulente faite de détails étonnants, de gouvernements minoritaires en pleine pandémie et de trahisons.

Comment en est-on arrivé là, et que va-t’il se passer pour le futur de ce pays complexe, composé de Flamands et de francophones, au cœur de l’Europe ?

Le livre est disponible sur https://ruedelaloi.businessam.be, bol.com et dans les grandes librairies.

Wouter Verschelden (41 ans) est journaliste à la rue de la Loi pour Newsweek. Il a étudié le journalisme à la Columbia School of Journalism de New York et a travaillé pour De Standaard, De Morgen et la VRT. Verschelden est également enseignant à l’UCL. Auparavant, il a conçu la série de fiction satirique « De Zestien » et, en tant que co-auteur, a également écrit les livres « Het Merk België », « Stop de Persen » et « De Zestien is voor u ». 


Extrait

Cet extrait décrit comment Sophie Wilmès (MR) deviendra premier ministre de Belgique en octobre 2019, presque à l’improviste.

Le premier ministre sortant, Charles Michel, ne l’entend pas de cette oreille. Il a sa propre candidate en tête, dès octobre : la ministre du Budget Sophie Wilmès. Jusqu’à présent, elle n’a pas fait grande impression rue de la Loi : le Budget est fait par le premier ministre lui-même, et ses vice-premiers ministres. Cependant, Wilmès possède une caractéristique qu’aucun autre ministre MR ne possède à l’époque : elle parle un néerlandais plus que correct. Pour un premier ministre belge, c’est le minimum : être bilingue. Michel n’a rien à envier à Reynders en termes de tactique politique, et soudain le nom de Wilmès comme nouveau premier ministre est mentionné dans la presse. Mais le CD&V et l’Open Vld entrent alors en action : cela ne se passera pas comme ça.

Au sein de l’Open Vld, le choix de Rutten de ne pas rejoindre le gouvernement flamand est toujours en suspens. La présidente a fait tout son possible pour dissiper l’impression qu’elle se présenterait au poste de premier ministre : elle a néanmoins fait circuler l’idée que le parti choisirait à nouveau Alexander De Croo comme vice-premier ministre pour la prochaine coalition. En principe, De Croo est également éligible à la succession de Michel. Mais l’Open Vld pèse moins que le CD&V. Et c’est justement parce que la question est si sensible chez les libéraux flamands que De Croo dit ne pas désirer le poste de Michel. En effet, il s’agit d’un mandat temporaire, d’un gouvernement en affaires courantes et qui n’a même pas de majorité. Mais Geens au Seize ? Il n’est vraiment pas fan de cette idée non plus : le ministre de la Justice et le vice-premier ministre libéral n’ont pas ce qu’on peut appeler des relations très cordiales.

Au CD&V, quelqu’un est encore plus radical. Pour Kris Peeters, c’est un véritable cauchemar : vice-premier ministre, d’accord, mais Geens va-t-il maintenant obtenir le poste que son parti lui a refusé il y a cinq ans ? Même depuis sa nouvelle fonction de député européen, il fait tout ce qu’il peut pour éviter ce scénario : il décide de semer les graines du doute dans ses propres rangs. Car, ce qui est important, tant pour les chrétiens-démocrates flamands que pour
les libéraux, c’est qu’une fois que vous êtes au Seize, en tant que premier ministre, même intérimaire, vous portez le manteau d’homme d’État. Il devient alors particulièrement facile, lorsqu’un énième appel à un gouvernement d’urgence est lancé, d’en construire un autour du premier ministre et de la coalition en place. Et presque inévitablement, ce serait un scénario sans la N-VA, mais avec le CD&V et l’Open Vld. Michel, après avoir envoyé sa torpille à Bourgeois et Demotte, vise presque ouvertement cela aussi. Bien que Geens, à cette époque, se prononce ostensiblement en faveur d’une coalition Bourguignonne, et ne veut rien savoir du gouvernement Arc-en-ciel, cela n’aide pas sa cause sur le plan interne. Un dîner entre Hilde Crevits et Gwendolyn Rutten à la même époque scelle son destin. Crevits lâche le morceau : « Geens n’est pas un choix évident, car il n’y a pas la base d’un soutien au sein du parti ».

Un samedi, fin octobre, Michel convoque un kern. Les vice-premiers et le premier ministre se réunissent pendant des heures et des heures. Geens ne cède pas si facilement. Mais les libéraux lui font comprendre : son parti ne le soutient
pas pleinement. Au bout du compte, Geens doit se contenter d’un lot de consolation : il reprend en plus les Affaires européennes.

Michel triomphe : c’est « sa » Sophie Wilmès qui siègera au Seize. Un domino tombe, sans importance à ce moment-là. Mais les conséquences seront majeures dans la suite de l’histoire, lorsque le poste de premier ministre deviendra une pierre angulaire de ces négociations.

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