Une étude le démontre: les contrôles dans les transports en commun nous rendent malhonnêtes

Effet indésirable des mesures de dissuasion, les descentes de contrôleurs dans les transports en commun incitent les voyageurs, même ceux dûment munis d’un ticket ou d’un abonnement, à se comporter de manière malhonnête une fois arrivés à destination, conclut une étude récemment parue dans The Economic Journal.

‘Au lieu d’avoir un effet éducatif dans tous les contextes, l’exposition aux pratiques de dissuasion a accru le comportement contraire à l’éthique des fraudeurs mais aussi, de manière frappante, des non-fraudeurs’, expliquent les économistes du Groupe d’analyse et de théorie économique Lyon St-Etienne (GATE-LSE) et de l’Université Ca’ Foscari de Venise. C’est l’étonnante conclusion de leur étude conjointe dernièrement publiée dans la revue scientifique réputée The Economic Journal.

Pour évaluer l’impact des mesures dissuasives au-delà de leur champ d’application immédiat, les auteurs ont élaboré une quasi-expérience (expérience sans attribution aléatoire de groupes/contrôles) à grande échelle dans les transports publics de Lyon.

Par binôme, un chercheur et un acteur professionnel prenaient le bus ou le tram en pleine semaine, en dehors des heures de pointe. Ils observaient alors les passagers qui validaient ou non leur titre de transport, dans des circonstances où la validation du ticket était obligatoire et où une descente de contrôleurs avait lieu ou non. Ils descendaient ensuite au même arrêt qu’une personne ciblée et, une fois en rue, l’interpelaient en lui tendant un billet de 5 euros prétendument tombé au sol.

Poussés à la faute ?

Autrement dit, l’étude a identifié des fraudeurs et des non-fraudeurs prenant le bus ou le tram qui ont été ou non exposés à l’inspection de leurs tickets. Par la suite, ‘l’honnêteté intrinsèque’ de ces personnes était mesurée dans un nouveau contexte indépendant où elles avaient la possibilité de détourner de l’argent.

Au total, 708 passagers ont été testés. Et les résultats sont interpellants.

Près d’un tiers des passagers (32%), qui étaient pourtant en règle, ont revendiqué la propriété du billet de banque. La proportion a même augmenté à 51% si une équipe de contrôleurs avait préalablement inspecté le bus.

Cette étude est la première à montrer que le contrôle en public peut affecter l’honnêteté des usagers dans leur vie de tous les jours. D’ailleurs, parmi les ‘fraudeurs’, c’est-à-dire ceux qui n’avaient pas de titre validé, 53% ont réclamé l’argent. Ce pourcentage a encore augmenté, à 67%, pour ceux qui avaient subi ou assisté à une inspection.

Vision globale d’une politique

Cela signifie que les inspections peuvent influencer notre perception de la malhonnêteté dans la société. Plus les contrôleurs sont présents, plus les passagers ont le sentiment que des personnes malhonnêtes sont également présentes autour d’eux.

Les auteurs de l’étude émettent l’hypothèse d’un effet de contagion ou d’entraînement. Selon eux, dans ces circonstances précises, nous cherchons en quelque sorte à nous conformer à une projection de malhonnêteté dominante.

Les économistes ne recommandent évidemment pas de supprimer purement et simplement les inspections. Leur étude soutient en revanche que le fait de sanctionner en public n’est pas optimal pour décourager un comportement malhonnête.

Mais surtout, les auteurs invitent à adopter une vision plus large lors de l’évaluation de l’efficacité d’une politique.

‘Une perspective de bien-être social demande de s’assurer que, dans l’ensemble, les effets positifs d’une politique ne sont pas annulés par les retombées dans des contextes au-delà de la cible directe’, ponctue le trio d’économistes.

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