Theo Francken (N-VA) veut annuler la mission de la frégate belge en Méditerranée: voilà pourquoi ce serait un mauvais signal

Ce n’est pas une nouveauté, le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Theo Francken (N-VA), n’est pas un grand défenseur de la cause des réfugiés. Et il en a ajouté une couche de plus ce dimanche. Il a réclamé sur VTM Nieuws d’annuler la mission de la frégate Louise-Marie, qui aide les migrants en mer Méditerranée.

Theo Francken (N-VA) n’en est plus à une déclaration choc près. Après son mini-sondage polémique qui demandait en avril aux Belges qui il fallait secourir en mer, le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration veut, cette fois, annuler la mission de la frégate Louise-Marie en mer Méditerranée. Pour faire court, cela revient à stopper l’aide que la Belgique apporte aux migrants qui tentent de rejoindre l’Europe à la nage.

« Nous ferions mieux de ne plus rien faire. Cela provoque maintenant un appel d’air de migrants illégaux », s’est-il justifié dimanche sur le plateau de VTM Nieuws. Depuis le 18 juin, la frégate belge participe à l’opération européenne Sophia, de lutte contre les trafics d’êtres humains et d’armes en mer Méditerranée. Mais elle remplit surtout une autre mission: venir en aide aux migrants qui fuient la guerre dans leur pays et payent une fortune des passeurs pour traverser la mer en canoë ou en bateau, pour les plus chanceux. Une aventure périlleuse dans laquelle près de 5.000 hommes, femmes et enfants ont péri en 2016, selon les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

« Une honte pour l’Europe »

Fin juin, la frégate est d’ailleurs parvenue à secourir 118 migrants au large des côtes libyennes. Mais c’en est assez pour Theo Francken, qui reconnaît tout de même qu’elle fait « du bon travail ». Le souci, pour lui, c’est que les réfugiés ne devraient plus fouler le sol européen. « Attention, les personnes en danger doivent être sauvées, mais elles ne doivent pas être conduites en Europe », a-t-il ainsi affirmé. Pourquoi? « Cela crée un appel d’air qui n’aura pour conséquence que de faire davantage de morts », s’est-il répété en faisant un drôle de raccourci. Pire encore, « c’est une honte pour l’Europe », a-t-il déploré.

Après avoir accusé, fin mars sur Twitter, l’ONG Médecins Sans Frontières d’encourager le trafic d’êtres humains, l’immigration illégale et de « causer indirectement plus de morts », Theo Francken en remet une couche avec la frégate. Pourtant sa théorie a déjà été démontée par de nombreux professionnels du secteur, qui estiment, au contraire, que le meilleur moyen pour lutter contre la traite d’êtres humains n’est pas de les laisser mourir en mer ou de les renvoyer vers des pays en guerre. Mais plutôt de les secourir et leur permettre d’introduire une demande d’asile, via des voies légales sûres et sans risquer leur vie en mer.

En outre, le secrétaire d’État a aussi tapé sur l’Italie, qui devrait, selon lui, passer de toute urgence un accord avec la Libye et la Tunisie, afin d’y renvoyer les bateaux de migrants. Alors même que la Libye n’est pas considérée comme un pays « sûr » par la Belgique et que les autorités italiennes appellent à l’aide l’Union européenne pour endiguer le flux des migrants venant des côtes africaines.

Pas question, mais…

Mais il ne revient pas à Theo Francken, seul, de décider. De son côté, le ministre de la Défense, Steven Vandeput (N-VA), semble rejoindre le point de vue de Theo Francken. « Si le mandat n’est pas prolongé, cette opération a en effet peu de sens », a ainsi réagi sa porte-parole, Laurence Mortier, au journal De Morgen. Il n’est pour l’instant pas question d’annuler la mission de la frégate, mais il n’est pas non plus question de la faire participer à une nouvelle mission en 2018 dans les conditions actuelles. Autrement dit, sans possibilité d’intervention dans les eaux territoriales libyennes, sa mission ne se déroulant actuellement qu’en haute mer, entre la Sicile et la Libye.

Par contre, les partis flamands ne semblent pas tous d’accord. Veli Yüksel, le député CD&V spécialiste des questions de Défense, s’est dit « surpris » de la position de la N-VA. « Notre participation a toujours été très appréciée par Vandeput. L’opération Sophia est donc efficace. Si nous nous retirons, c’est non seulement une mauvaise nouvelle d’un point de vue humain, mais aussi pour nos partenaires que l’on laisserait tomber », a-t-il répondu, toujours au Morgen.

Jusqu’au 27 juillet

En outre, selon le politologue spécialisé en questions européennes et professeur à l’Université de Gand, Hendrik Vos, « il n’y a pas d’obligation légale ou de la législation européenne » en la matière. La Belgique peut donc décider à sa guise de mettre fin à sa participation. Mais ce ne serait pas très bien vu, puisqu’il s’agit d’un « engagement de personnes et de ressources » basé sur la confiance mutuelle. Et « si la solidarité se perd entre les États membres, c’est un précédent dangereux ». Car, pour le professeur, « si tous les pays se retirent de cette opération, des êtres humains meurent en mer Méditerranée ».

Il reste qu’aucune décision concrète n’a encore été prise. Le porte-parole du Premier ministre Charles Michel (MR) a fait savoir au Morgen que le sujet serait débattu aujourd’hui au Conseil européen. Mais la participation belge à l’opération Sophia est censée expirer le 27 juillet prochain, on devrait donc bientôt être fixé.

epa
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