Pourquoi la mort de George Michael n’est pas vraiment une surprise

La fameuse « malédiction » de 2016: plusieurs icônes de la musique nous ont quittées cette année. Le weekend dernier, George Michael a suivi la longue liste des artistes décédés en 2016. Mais ça n’a rien à voir avec une quelconque malédiction. Il n’y a aucune raison d’affirmer ça. La véritable malédiction, c’est de refuser d’affronter la réalité.

Lorsque trois jours à peine après la mort de Prince, la presse écrivait qu’il était gravement accro aux calmants et que cette addiction avait provoqué sa mort, nous avons reçu un torrent de critiques. Son corps était à peine froid, que tout était déjà écrit sur les causes de sa mort. Un manque de respect selon certains.

Mais en fait ça n’a rien à voir avec le respect. C’était juste un fait, un fait qui en dit long sur notre société. Parce que le genre de médicament dont Prince abusait et le fait de le prendre à de telles doses, est un réel problème aux Etats-Unis. Un problème qui a causé la mort de 35.000 personnes cette année.

Prince est mort d’une prise courante et excessive de Percocet, un analgésique contenant du paracetamol et de l’oxycodone. L’oxycodone est un puissant anesthésiant, qui est préparé à base de thébaïne. Il s’agit d’un opioïde semi-synthétique car il est fabriqué à base de substances opiacées naturelles.

Drogués

On parle en fait ici d’un des médicaments les plus addictif qui soit. Selon la quantité, l’oxycodone est deux fois plus puissant que la morphine. Et que ça soit par voie orale, nasale ou rectale, il est mieux absorbé par le corps. Ca n’agit pas uniquement sur la douleur somatique (organisme) mais aussi sur la douleur neurophatique (nerfs) et viscérale.

Parce qu’il est particulièrement analgésique, causant une euphorie et agissant comme anti-dépresseur, c’est la nouvelle star montante des médicaments. Il est produit par une société pharmaceutique cotée en bourse, soutenue par le gouvernement. Cela en fait le choix favori de millions de personnes qui dans le même temps ne se considèrent pas pour ce qu’ils sont: des drogués.

Mais le phénomène est en marche. L’oxycodone est d’ailleurs le même anti-douleur qui a été fatal à Michael Jackson. Une addiction qui aura duré quinze ans dans son cas.

Prince, qui était réputé pour avoir une hygiene de vie impeccable, était aussi secrètement un oxy-junkie, ce qui n’enlève rien à son héritage musical ou à son talent indéniable. Cependant, ne pas voir cette réalité, la dissimuler ou la minimiser est simplement irresponsable.

Lemmy

La « malédiction » de l’année 2016 a en fait commencé le 28 décembre dernier en 2015 quand Lemmy, le leader de Motörhead, est décédé. De nouveau, il n’y a pas de secret: l’homme est mort relativement jeune car l’alcool et la drogue ont fait largement partie de sa vie. Dans le cas de Lemmy, c’était même sa marque de fabrique. C’était supposé être « rock & roll ». Il est peut-être temps de jeter un coup d’oeil sur notre société et à la façon dont on traite les gens avec une addiction. Spécialement à cette période de l’année.

En Janvier, David Bowie, la légende de la musique britannique, est mort des suites d’un cancer, très peu de temps après la mort de Glen Frey des Eagles. Le mois dernier, c’était au tour du chanteur canadien Leornard Cohen. Tous les trois étaient déjà malades depuis un petit temps. Et dans ces trois cas – désolé, ça parait dur – il n’y avait rien d’anormal statistiquement. Les gens tombent malades et meurent. Les rockstars ne dérogent pas à la règle. Ce n’est pas une malédiction, mais simplement la vie.

Famille

Et maintenant nous devons dire « goodbye » à George Michael. Un artiste talentueux, une personne qui a partagé sa fortune et qui a aidé à faire de ce monde, un monde meilleur. Surtout pour ceux qui ont tendance à être discriminés à cause de leur sexualité.

George Michael avait tout juste 53 ans. Cela va encore en heurter certains, mais la vérité c’est qu’il y a une raison évidente à sa mort et cela n’a rien à voir avec la chance ou une quelconque malédiction.

George Michael était un drogué sans espoir. Et ça allait de pire en pire, au grand désespoir de sa famille. Ils l’ont d’ailleurs convaincu d’aller suivre un traitement à la Kusnacht Practice en Suisse. George Michael a passé près d’un an là bas, dans un des centres de réhabilitation les plus exclusifs au monde à 250.000 euros le mois.

Vu que le monde est ainsi fait aujourd’hui, personne n’était au courant de cette situation. Officiellement selon son manager, George Michael, « passait du temps en Europe pour un break prolongé ».

Mais l’histoire qui nous explique comment sa famille a fait pour le convaincre d’intégrer le Kusnacht Practice parle d’elle-même: les membres de sa famille l’ont fait chanter et l’ont mis au pied du mur à moment donné. Ils ont décidé de faire fuiter dans la presse sa supposée addiction au crack, à la cocaïne, au GHB et à l’héroïne.

Accidents sur accidents

Cela peut paraître froid et dur mais – et encore une fois, c’est pour cette raison que cette partie de l’histoire doit être révélée – c’est la réalité. Qu’est-ce qui peut pousser des membres de notre propre famille à agir ainsi? Sans doute l’envie désespérée de vouloir sauver quelqu’un de son addiction.

La réaction de George Michael et de son entourage a ensuite été typique: toute cette histoire a été inventée et George n’avait plus de problèmes de drogue. Il s’agissait juste pour sa famille d’attirer l’attention (et l’argent) avec une histoire juteuse pour les médias.

Certains diront que George Michael était le premier responsable de sa situation, c’était son choix et sa prise de drogue ne regardait finalement que lui. Seulement, c’est faux. En mai 2004, il a envoyé sa BMW dans les barrières de sécurité, sur une route en travaux dans un quartier de Londres. La BMW était sinistrée mais, heureusement, personne ne travaillait ce jour là.

En février 2006, il a été controlé derrière son volant complètement défoncé à Londres encore. Deux mois plus tard, il a embouti trois voitures avec sa Mercedes. Encore une fois, sans conséquence désastreuse. En mai de la même année, il s’est endormi au volant et a terminé sa course contre poteau.

En octobre 2006, il s’est à nouveau endormi derrière le volant à un carrefour. Cette fois-là, il a été condamné car une analyse de son sang révélait la présence de drogue. Il a dû rendre son permis pendant deux ans.

Echec et mat

Il reprenait à peine la route qu’en août 2009 il a été contrôlé sous influence sur l’A34 à Reading. Un an plus tard, il a conduit sa voiture complètement défoncé jusque dans la vitrine d’un magasin à Londres. Il a été condamné à huit semaines de prison et à un retrait de permis de cinq ans. Il est sorti après quatre semaines.

En mai 2013, George Michael a carrément sauté de sa Range Rover conduite par son chauffeur. La voiture roulait accessoirement à 100 km/h sur la M1, la route la plus fréquentée au Royaume-Uni. Il a dû être emmené à l’hôpital en hélicoptère.

C’est un miracle que personne d’autre n’ait été blessé ou pire. On peut se demander aussi comment vous et moi aurions été traités dans ce genre de situation. En plus, nous n’avons pas la possibilité de nous offrir les avocats qui ont aidé George Michael à s’en sortir à chaque fois ou presque.

Encore une fois, tout ceci n’a rien à voir avec son héritage musical. Mais ce même héritage ne doit pas être un prétexte pour cacher certaines choses sous le paillasson. Nous sommes tous responsables de nos actes. Peu importe le talent qu’on a. Maintenant, nous avons perdu quelqu’un qui partageait tant de choses avec sa musique. Mais comprendre pourquoi nous l’avons perdu peut permettre de sauver des vies. Ne pas le réaliser, ce serait ça la véritable « malédiction ».

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