Pressenti pour prendre la place de François Fillon comme candidat des Républicains pour l’élection présidentielle française, Alain Juppé a finalement assuré qu’il ne se sacrifierait pas. Fillon, empêtré dans une affaire judiciaire, n’a quant à lui pas du tout l’intention de renoncer à se présenter. Quitte à faire perdre sa famille politique.
« Je confirme une bonne fois pour toute que je ne serai pas candidat. (…) Je ne veux pas livrer mon honneur et la paix de ma famille aux démolisseurs de réputation »: sans surprise, Alain Juppé a confirmé les rumeurs qui agitaient les médias depuis quelques jours. Non, il ne prendra pas la place de François Fillon comme candidat des Républicains pour l’élection présidentielle, même si beaucoup de membres de son parti lui ont demandé.
Juppé parle de « gâchis »
« Je ne suis pas en mesure aujourd’hui de réaliser le nécessaire rassemblement autour d’un projet fédérateur », estime le maire de Bordeaux, largement battu par Fillon lors de la primaire de la droite et du centre il y a quelques semaines. Juppé ne sera donc pas le plan B des Républicains, alors que son éventuelle candidature aurait été parfaite: selon les sondages, lui passerait au second tour pour affronter Marine Le Pen (FN), contrairement à Fillon.
Sauf qu’il n’a pas reçu à la base le soutien de sa famille politique. Il ne viendra donc pas la sauver. « Je remercie ceux qui après avoir vivement critiqué ma ligne et mon projet trouvent en moi un recours », a d’ailleurs taclé Juppé, qui n’a pas hésité à parler de « gâchis » pour son parti. Pour lui, Fillon avait « un boulevard » qui devait le conduire au poste de Président de la République, mais la justice l’a rattrapé et ses explications n’ont pas convaincu: « Son système de défense fondé sur la dénonciation d’un prétendu complot et d’une volonté d’assassinat politique l’ont conduit dans une impasse ».
"Pour moi, il est trop tard… Il n'est jamais trop tard pour la France" déclare Juppé qui "ne se privera pas d'exprimer son point de vue" pic.twitter.com/PIvQERYihX
— franceinfo (@franceinfo) 6 mars 2017
Fillon s’en fout
Un peu plus tôt dans la matinée, Nicolas Sarkozy, chef de file des Républicains et troisième de la primaire, avait assuré qu’il espérait pouvoir rencontrer Fillon et Juppé pour évoquer « une voie de sortie digne et crédible » à cette situation improbable. Mais avec ce discours de Juppé, cette discussion semble être vouée à l’échec: les Républicains vont devoir faire avec Fillon comme candidat. Car malgré les nombreux défections dans son camp et une popularité en berne dans les sondages, il ne semble pas près de vouloir abandonner. Il l’a de nouveau affirmé à deux reprises, lors d’un discours devant près de 40.000 personnes (et non pas 200.000) puis au JT de France 2 (avec un nouveau bad buzz à la clé)
Mais avec Fillon comme candidat, la droite française semble se diriger tout droit vers une cuisante défaite. Beaucoup l’ont compris et ont demandé à Fillon de renoncer, en vain. Envoyer un autre candidat face à lui, semble exclu pour l’instant. Quel serait le message envoyé aux électeurs de droite et du centre? Emmanuel Macron, ancien ministre de l’Économie de François Hollande, l’a pourtant fait (avec succès, pour l’instant) face à son ancienne famille du PS. Mais si la fracture semble consommée, diviser les votes entre Fillon et un/une éventuel(le) autre candidat(e) finirait de plomber définitivement la droite. Fillon semble donc l’unique possibilité.
Il lui reste un peu plus d’un mois et demi avant le premier tour de l’élection, prévu le 28 avril. D’ici-là, il a rendez-vous avec les juges pour évoquer l’affaire dans laquelle il est empêtré depuis plusieurs semaines et qui pourrit sa campagne. Il pourrait en ressortir blanchi mais aussi mis en examen, ce qui finirait de totalement tuer ce qui lui reste de crédibilité comme candidat. Et si d’aventure il devait finalement renoncer, le mal serait fait, ce serait finalement trop tard et aucun autre candidat ne semble capable d’inverser la tendance et d’éviter que la droite soit éjectée dès le premier tour. Mais cette campagne présidentielle française est tellement surprenante qu’il risque d’y avoir de nouveaux rebondissements. Préparez le pop-corn.