Après avoir inondé les réseaux sociaux américains de mèmes politiques en 2016, les trolls russes cherchent cette fois à déstabiliser les élections américaines de mi-mandat… avec des débats sur les vaccins.
Selon Facebook, l’ingérence des trolls russes dans la campagne présidentielle américaine de 2016 est ce qui aurait favorisé l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis. En propageant des mèmes à caractère politique mais totalement biaisés, ainsi qu’une masse énorme d’articles de type « fake news », les trolls seraient parvenus à fausser le débat et induire les électeurs en erreur.
Deux ans plus tard, les États-Unis sont en affaire pour les élections de mi-mandat. Une grosse partie des membres du Congrès doit se faire réélire le 6 novembre prochain et de ce renouvellement peut dépendre la puissance décisionnelle du président en personne. C’est le moment qu’a choisi une bande de trolls russes pour à nouveau semer la discorde. Comment? En créant l’illusion que Twitter est enflammé par des débats sur les vaccins.
How are non-vaccinated kids a threat to vaccinated ones if vaccines work? ?
— #BeSiRiUS (@Sirius13lack) 18 août 2018
Faux débats, la nouvelle fake news?
Ce sont des chercheurs de l’Université George Washington, à Washington DC, qui ont découvert cette nouvelle forme d’ingérence trollesque. En essayant d’améliorer la communication des travailleurs de la santé publique sur les réseaux sociaux, les chercheurs ont découvert que des trolls et des bots faussaient le débat en ligne. Ces derniers parvenaient à instiller des idéologies antivax et ébranler le consensus sur la sûreté des vaccins.
« Ces trolls semblent utiliser la vaccination comme un enjeu, favorisant la discorde dans la société américaine », a déclaré au Guardian Mark Dredze, membre de l’équipe de chercheurs et professeur d’informatique. « En jouant des deux côtés, ils érodent la confiance du public dans la vaccination, nous exposant tous au risque de maladies infectieuses. Les virus ne respectent pas les frontières nationales. »
Internet Research Agency (IRA)
Les comptes concernés par l’étude semblent être liés à l’Internet Research Agency, l’agence de propagande dépendante du gouvernement russe. Selon les chercheurs, ils tweeteraient sur la question des vaccins 22 fois plus qu’un utilisateur normal de Twitter. L’étude observe également que le nombre de tweets pro-vaccins et anti-vaccins est plus ou moins équivalent.
« Ils ne semblent pas avoir un programme particulier concernant les vaccins – ils semblent plutôt vouloir stimuler les deux côtés du débat », explique David Broniatowski, professeur adjoint d’ingénierie à l’Université George Washington et auteur principal de l’étude, à Buzzfeed. « Cela concorde avec cette idée de répandre la discorde. »
If vaccines really work then why are unvaccinated kids a threat to kids who are vaccinated? Aren’t the vaccines protecting them ? It is it making them weaker? https://t.co/1AHExwVnFL
— P∆UL ΞTIΞNNΞ?? (@PaulEtienne) 18 août 2018
Quand la santé devient une arme
L’étude, publiée dans le American Journal of Public Health, porte un nom bien explicite: « Communication sur la santé armée: des bots de Twitter et des trolls russes amplifient le débat sur les vaccins ». Pour la réaliser, les chercheurs ont analysé 1,7 million de tweets publiés entre juillet 2014 et septembre 2017.
La publication de cette étude fait un triste écho à l’une des plus importantes épidémies de rougeole que l’Europe a connu depuis des décennies. Au cours des six premiers mois de 2018, 41.000 cas de rougeole ont été déclaré sur le continent et 37 personnes ont déjà perdu la vie. C’est plus que pour l’ensemble de l’année 2017 et ce serait en partie attribuable à la chute des taux de vaccination. En Belgique, un individu sur 10 douterait de l’efficacité des vaccins. Parallèlement, aux États-Unis, le taux d’enfants ne recevant pas de vaccins pour des raisons non médicales ne fait qu’augmenter.
Jouer sur la crédulité des individus concernant les questions de santé est devenu la nouvelle arme des trolls du gouvernement russe. Et c’est plutôt inquiétant. Même si les grands gestionnaires de réseaux sociaux, comme Facebook et Twitter, ont annoncé récemment prendre des mesures contre la désinformation et les fakes news, il semble que le problème ne soit pas prêt de s’arrêter.