Manque d’ambition, « énorme déception », « honte »: l’accord de la COP24 n’est pas à la hauteur des espérances

La COP24, 24e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, s’est refermée ce week-end sur un accord entre les pays. Mais à y regarder de plus près, le texte, qui a pourtant été accouché non sans douleur, n’a rien d’ambitieux et est déjà décrié par les organisations environnementales.

Les scientifiques du GIEC étaient clairs dans leur dernier rapport du mois d’octobre : le monde entier doit faire plus d’efforts pour lutter contre les changements climatiques. Car si l’on continue sur notre lancée, le fameux seuil de 1,5°C, que les États se sont engagés dans l’Accord de Paris à ne pas franchir d’ici la fin du siècle, sera atteint entre 2030 et 2052. Pire, d’ici 2100, la Terre aura pris 3°C de plus. Et les mauvaises nouvelles ne font que s’enchaîner puisque les émissions de CO2 ont encore augmenté cette année par rapport à l’année dernière.

Les 196 pays réunis à la COP24, organisée à Katowice en Pologne du 2 au 14 (voire 15) décembre, n’avaient donc d’autre choix que de se montrer plus ambitieux par rapport à leurs promesses faites en 2015 dans l’Accord de Paris. À l’issue d’âpres négociations, qui ont joué les prolongations jusque samedi soir, les pays sont enfin tombés sur un accord et ont accouché ensemble, vers 22 heures, d’un « rule book ».

Un mode d’emploi, mais qui ne va pas plus loin et pas plus vite

Sur une bonne centaine de pages, ce corpus de règles entend donner vie à l’Accord de Paris sur le climat, à travers une série de mesures et d’outils concrets pour limiter le réchauffement climatique en-deçà de 2°C, et si possible de 1,5°C. En d’autres termes, il s’agit d’une sorte de mode d’emploi qui fixe, pour les deux années à venir, les modalités d’action de chaque pays, ainsi que de suivi des engagements pris, et qui prévoit toutefois une certaine flexibilité pour les pays en voie de développement.

Pour la communauté internationale, le texte est donc un bon compromis qui permettra de réaliser l’Accord de Paris. Le président polonais de la COP24, Michal Kurtyka, s’est immédiatement réjoui de sa signature, qu’il voit comme « un moment historique », et les différentes délégations se sont quittées satisfaites sous les applaudissements. Sauf que le résultat laisse un goût amer en bouche, car on est resté sur les engagements pris jusqu’ici par les États, qui conduisent la planète vers un réchauffement de 3°C, sans aller ni plus loin ni plus vite.

« Contradiction avec les sérieux avertissements du GIEC »

Un manque cruel d’ambition que les organisations environnementales pointent déjà du doigt. Les pays « ont fait des progrès, mais ce que nous avons vu en Pologne c’est un manque fondamental de compréhension de la crise actuelle », déplore à l’AFP Manuel Pulgar-Vidal, du WWF, tout en rappelant que le GIEC donne 12 ans seulement au monde pour réagir.

L’ONG CAN Europe, une coalition de 150 organisations venant de 35 pays européens, regrette pour sa part le manque de volonté dans la lutte climatique ainsi que les « progrès limités » dans le financement prévu à destination des pays en voie de développement. « Les faibles résultats de cette COP sont en contradiction avec les sérieux avertissements du rapport du GIEC et la demande croissante d’action émanant des citoyens », juge son directeur, Wendel Trio, à Belga.

Les États-Unis, notamment, deuxième plus gros pollueur au monde derrière la Chine qui doit bientôt sortir de l’Accord de Paris suite à la décision de Donald Trump, n’ont évidemment fait aucune concession favorable. « Le plus grand pollueur de l’histoire et le plus gros producteur actuel de pétrole dit aux pays en développement « vous avez les mêmes responsabilités que nous », tout en bloquant les progrès sur les nécessaires transferts de technologie et le soutien financier! », dénonce à l’AFP Meena Raman, de l’ONG Third World Network.

La Belgique, « co-responsable du flop climatique »

Même son de cloche chez Greenpeace. « Après une nouvelle année de catastrophes climatiques et à peine deux mois après que les experts climatiques du GIEC aient averti que les 12 prochaines années seraient cruciales pour empêcher l’irréversibilité du réchauffement global, le sommet sur le climat s’avère une énorme déception », a réagi Jennifer Morgan, directrice de Greenpeace International, dans un communiqué. « Ceci est moralement inacceptable. Nous n’avancerons pas sans action politique immédiate », ajoute-t-elle. L’ONG n’hésite pas à parler de « négligence coupable collective » et de « honte flagrante », malgré « quelques progrès partiels en termes de procédure ».

Greenpeace pointe du doigt la Belgique comme « co-responsable du flop climatique », puisque notre pays a manqué vendredi de rejoindre la coalition des pays les plus ambitieux en termes climatiques suite au refus du gouvernement flamand de signer un texte, pourtant non contraignant, voulant accélérer le tempo dans la lutte contre le réchauffement climatique. Sans parler de sa propre ambition nationale, si l’on se souvient du Pacte énergétique, qui a été l’une des pires pierres d’achoppement du gouvernement fédéral.

« La différence entre ce que certains de nos ministres disent devant la caméra et leurs actions est maintenant cruellement visible. Leur comportement irresponsable est un coup dur pour les citoyens belges qui attendent massivement et énergiquement une action climatique de la part de la politique », se désole Juliette Boulet, de Greenpeace Belgique, dans le même communiqué.

Bref, il y a encore de gros efforts à faire et le monde entier a loupé un rendez-vous crucial pour démarrer le chantier.

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