Les chiffres qui font débat: la Belgique dépense toujours plus d’argent pour expulser les migrants

Depuis 2014, les renvois de migrants qui arrivent en Belgique vers leur pays d’origine sont restés stables. Et ce alors que le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Theo Francken (N-VA) ne cesse de se vanter de renvoyer les étrangers, n’hésitant même pas à employer le terme « nettoyer » pour féliciter la police de vider le parc Maximilien à Bruxelles. Par contre, le budget global alloué à la politique de rapatriement a bondi de 35 % en trois ans. Et c’est bien trop le flou dans la manière dont les migrants sont traités.

La réforme de l’asile de Theo Francken (N-VA) sera discutée cette après-midi au parlement. L’occasion de remettre en contexte le sujet, chiffres à l’appui. C’est ainsi que Myria, le Centre fédéral Migration, a présenté mercredi au Sénat un rapport sur les expulsions d’étrangers menées par le gouvernement. Les chiffres réels posent une grosse question sur les coûts financiers et humains et sur le respect des droits de l’homme.

D’après Myria, le budget total dédié aux retours forcés a bondi de 35 % depuis 2014, passant de 63 à près de 85 millions d’euros cette année. « C’est le seul budget qui ne connaît pas la crise », dénonce d’ailleurs François De Smet, le directeur du Centre fédéral Migration, dans les colonnes du Soir et du Standaard.

Trop de flou

Le souci, c’est que le nombre de rapatriements de migrants arrivés en Belgique en situation illégale et renvoyés vers leur pays d’origine est, lui, resté stable. Alors que c’est l’une des priorités de la politique migratoire du gouvernement fédéral. Myria a ainsi recensé 11.000 personnes expulsées cette année, dont 4.600 rapatriements effectifs, le reste étant des retours volontaires. Des chiffres dont se félicitait il y a encore peu Theo Francken, alors qu’ils sont sensiblement les mêmes chaque année.

Un autre problème réside dans le coût humain, car les procédures d’éloignement utilisées ne respectent pas toujours les droits des personnes, selon Myria. Comme par exemple, le droit à l’information ou encore à l’assistance juridique. Il y a trop de flou autour des expulsions, notamment au sujet des contrôles. Il y en aurait trop peu, à part ceux de l’inspection générale des polices. Mais là encore, c’est le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration qui bloque, en s’opposant à élargir ces contrôles.

De même, la Belgique n’investit pas assez dans des solutions alternatives à l’enfermement des migrants qui doivent quitter le territoire. Souvent, ils sont trop vite placés dans des centres fermés. Alors que le prix d’une place en centre fermé est facturée 188 euros par jour. Ce qui est énorme.

Theo Francken se fait-il de la pub?

Mais alors pourquoi Theo Francken se vante-t-il de sa politique migratoire sur les réseaux sociaux? Ce matin encore, il a tweeté un article de 7sur7 sur le rapport de Myria, en ne citant bien sûr que l’augmentation du budget sans évoquer les chiffres constants sur les rapatriements.

Pour le directeur de Myria François De Smet, Francken ne se trompe pas dans les faits, mais les enrobe clairement dans sa communication. « Theo Francken assume sa politique et en fait même la publicité sur Twitter (…) On a beau ne pas aimer le personnage, il faut reconnaître qu’il n’y a aucune hypocrisie entre ce qu’il dit, ce qu’il pense et ce qu’il fait. Et ça, c’est nouveau. Ce n’est pas le cas de ses prédécesseurs qui avaient parfois une politique aussi ferme mais qui ne la mettaient pas en avant », expliquait-il sur les ondes de La Première ce matin. En tant qu’homme politique, il veut « montrer qu’il y a un infléchissement entre ce qu’il y avait avant et maintenant ».

Un faux débat?

François De Smet temporise également sur l’éventuel « appel d’air » que craint Francken en construisant des centres d’accueil pour migrants, notamment à Bruxelles. « La crainte de l’appel d’air est l’alpha et l’omega de la politique migration qu’on vit [alors que] je ne vois pas de chiffre qui permet de prouver qu’il y a effectivement appel d’air ». Il y a donc « une part de fantasme et une part de réalité dans cette idée d’appel d’air ». Il ne pense d’ailleurs pas que « les gens vont se bousculer pour être hébergés chez l’habitant ou dans un centre fermé ».

En outre, « il y a bien un lien entre criminalité et trafic d’êtres humains ». On le remarque surtout « depuis la vague migratoire de 2015-2016 ». Mais encore une fois, il faut remettre l’église au milieu du village: « Les premières victimes de ces trafiquants, ce sont les migrants eux-mêmes », rappelle-t-il.

Il semblerait donc que Theo Francken se trompe de débat sur les problèmes migratoires en Belgique.

epa
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