Le fiasco de la bonne gouvernance en Wallonie: la logique partisane l’emporte sur la raison

On mange de la bonne gouvernance à toutes les sauces au Parlement wallon. Mais la digestion ne se passe pas bien: opposition et majorité s’écharpent sur les propositions de chacun. C’est quasi le blocage total. Une seule nouvelle mesure pourrait survivre. La logique partisane l’emporte à l’approche des deux échéances électorales.

Les députés wallons ont du pain sur la planche. En une semaine, ils doivent aborder une quinzaine de textes sur la bonne gouvernance. On ne parle pas ici du décret Gouvernance voté en mars dernier et qui réduit le nombre d’administrateurs des intercommunales ou leurs rémunérations. Un texte qui veut aussi renforcer la transparence même si on peine encore à voir les résultats.

Trois propositions rejetées

Non, il s’agit ici de nouvelles propositions émanant aussi bien du gouvernement que de l’opposition. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils n’arrivent pas à s’entendre. Les propositions du groupe PS ont toutes été rejetées. Elles concernaient le décumul des rémunérations, le décumul de mandats et la parité hommes-femmes.

Pour la première proposition, il s’agit de plafonner les rémunérations d’un élu communal ou du CPAS à 100% de l’indemnité parlementaire. On parle ici des 25% d’élus qui pourront continuer à cumuler entre une fonction de parlementaire et une fonction exécutive locale. Pour l’heure, ce plafond était à 150%, soit une différence de 120.000 euros à 180.000 euros bruts par an. Recalé.

La deuxième proposition du PS visait à étendre le décumul des mandats qu’il exerce en interne à toute la Wallonie: c’est-à-dire l’interdiction de cumuler un mandat de parlementaire avec celui de bourgmestre et d’échevin dans une commune de plus de 50.000 habitants (Charleroi, Liège, Namur, Mons, La Louvière, Tournai, Seraing, Verviers et Mouscron). Recalé.

La troisième vise à établir la parité entre les hommes et les femmes au sein des collèges communaux. Recalé.

Bras de fer

En fait, majorité et opposition se livrent un véritable bras de fer en commission des Pouvoirs locaux. C’est du « donnant-donnant », annonce pourtant Pierre-Yves Dermagne, chef de groupe PS au Parlement wallon. Sauf que personne ne donne vraiment du sien.

Le gouvernement a aussi son lot de projets à formuler mais il requiert une majorité des deux tiers. Rien ne se fera sans l’opposition.

On est mal barré donc. D’autant que pour certaines de ces propositions, c’est déjà foutu. Les prochaines élections régionales ont lieu en mai 2019 et ces dispositions doivent être approuvées au moins un an à l’avance. C’est le cas de la suppression des candidats suppléants et de l’effet dévolutif de la case de tête qui passent à la trappe. Les socialistes n’en veulent pas. Sur le dernier point, ils s’accordent avec Ecolo. Pour eux, supprimer l’effet dévolutif case de tête renforcerait la personnalisation de l’élection et les têtes connues. Le renouvellement politique en prendrait donc un coup.

En fait, seule une mesure devrait passer le printemps: c’est la parité hommes-femmes sur les prochaines listes du scrutin régional. Le mécanisme de la tirette. Le bilan est donc maigre.

Élections

En désespoir de cause, Ecolo, qui n’a pas de droit de vote en commission faute de représenter un groupe parlementaire, y va aussi de ses propositions. Une en particulier sera débattue ce mercredi en plénière, mais on peut déjà dire qu’elle sera rejetée. Il s’agit pourtant d’un débat important qui nous ramène au scrutin de 2014. A l’époque, le Parlement de Wallonie a vécu une crise de trois jours qui a paralysé l’institution. En cause, la composition de la commission des pouvoirs. Elle rendait impossibles les décisions sur les cas litigieux.

En fait, le problème de fond est que le Parlement wallon valide lui-même ses élections. En Europe, c’est le cas seulement dans trois pays: la Belgique, l’Italie et le Luxembourg. La proposition d’Ecolo vise à réformer ce système de contrôle des opérations électorales. Pour qu’un candidat lésé puisse avoir la possibilité de déposer un recours extérieur et indépendant.

Le souci, c’est que cette question doit être portée devant le Parlement fédéral. MR et cdH ont voté contre en commission. La proposition passera donc à la trappe alors que beaucoup d’élus s’accordent sur le fond du problème. Mais la Wallonie attend justement un jugement de la Cour européenne des Droits de l’Homme suite à un recours déposé par le PTB en 2014. Le Parti du travail voulait à l’époque recompter les voix. Le gouvernement wallon ne veut pas se désavouer pour le coup et préfère avoir tort la tête haute.

Au-delà de ces propositions précises, c’est toute la gouvernance qui est en jeu. Un enjeu qui mérite qu’on sorte de la logique partisane. Le problème, c’est que la politique est comme elle est. Les deux élections qui approchent ne sont pas étrangère à cette opposition frontale. Dommage, car la population risque de ne pas comprendre alors que la plupart des mesures partent d’une bonne intention.

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