La N-VA, le CD&V et l’Open VLD campent sur leur position: il n’y aura pas de loi climat

Sans surprise, le débat en commission n’aura pas permis de faire bouger les lignes. En gros, trois partis flamands, pragmatiques, s’opposent aux partis francophones, idéologiques, sur la loi climat. Si rien ne bouge d’ici jeudi, jour du vote en séance plénière, il n’y aura pas de loi climat via une révision de la constitution. Et sans doute pas de loi climat du tout. 

Les premiers accusent les autres d’opportunisme politique, de vouloir faire passer une loi symbolique pour calmer les foules. Ces derniers accusent les premiers d’immobilisme face à une situation urgente. En commission ce mardi, chacun est venu défendre sa position, arguments à la clé, pour ne pas être celui qui sera « du mauvais côté de l’histoire » aux yeux de l’opinion publique.

Mais davantage que le fond, c’est la forme de cette loi spéciale qui a accaparé les débats. Les partis francophones, soutenus par Groen et le sp.a, veulent réviser l’article 7bis de la Constitution. Car pour mettre en oeuvre une loi spéciale, elle doit pouvoir s’appuyer sur une base constitutionnelle. C’est ce qu’a notamment plaidé Francis Delpérée (cdH), député à la Chambre, mais aussi constitutionnaliste réputé.

Constitution Vs Coopération

Le MR a une position un peu différente. Les libéraux ne veulent pas être le seul parti à dire non du côté francophone, ce qui serait assez mal perçu par la population à quelques semaines des élections. David Clarinval, chef de groupe MR à la Chambre, a expliqué que son parti ne voulait pas être « bloquant ». Du coup, revirement de situation: le MR a finalement accepté de discuter de la révision de l’article 7bis. Mais son option privilégiée reste un accord de coopération entre les Régions, compétentes en matière climatique, et le fédéral. « Cela fonctionne, regardez le PNEC (pacte climatique) ou le RER », explique le député libéral.

« J’étais encore à l’école primaire qu’on me parlait déjà du RER », lui rétorque Kristof Calvo, chef de groupe Groen. « Il s’agit d’une ancienne méthode obsolète et inefficace », poursuit-il. Il est vrai que les derniers accords climatiques (PNEC) ont eux aussi mis un certain temps à sortir de terre, plusieurs années même. Le CD&V et l’Open VLD veulent néanmoins privilégier la voie de la coopération, comme le MR.

En fait, les deux partis flamands voient dans cette tentative de modifier la constitution une possible réfédéralisation de l’Etat, ce qu’ils veulent à tout prix éviter, tout comme la N-VA. Les Régions sont compétentes en matière climatique, inscrire des objectifs précis les rendrait donc plus dépendantes, alors qu’ils considèrent les entités fédérées (Flandre, Wallonie, Bruxelles) comme le nouveau centre de décision politique. Ces objectifs pourraient aussi prendre en défaut l’État belge qui pourrait faire l’objet de plaintes de la part de la société civile ou associative par exemple. Avec un coût exorbitant à la clé. Une sorte de « gouvernement des juges » qui donnent des boutons à la N-VA.

Oui, mais non

Pas de surprise au moment du vote en commission. Ici, seule une majorité simple suffisait. Du coup, avec 9 voix « pour » 8 voix « contre » et aucune abstention, la commission s’est dite favorable à une révision de l’article 7bis de la Constitution.

Ce sera une tout autre histoire ce jeudi en séance plénière. Car cette fois, il faudra une majorité des deux tiers, ainsi qu’une majorité simple dans chaque groupe linguistique, et ce dans les deux assemblées (Sénat et Chambre). Aucune chance que le CD&V, l’Open VLD et encore moins la N-VA changent de position.

Morte et enterrée, la loi climat? Inscrire la loi via un accord de coopération refera surface. Mais Ecolo/Groen ont déjà fait savoir qu’ils ne voulaient pas de ce plan B. Si les écologistes annoncent, à qui veut l’entendre, qu’ils ont encore deux jours pour rallier le CD&V et l’Open VLD à leur cause, « d’écrire l’histoire », tout porte à croire que chacun campera sur ses positions. Il n’y aura pas de loi climat. Le reste n’est qu’agitation politique.

Qui a tort?

C’est la question à mille euros. Il est vrai que cette loi climat est votée dans la précipitation, qu’elle est symbolique, imposée par l’émotion, influencée par par la rue, sans mesures précises et dont le coût n’est pas objectivé. Le Conseil d’État a lui-même fait part de quelques objections d’ordre juridique. Les critiques qui sont adressées à la loi climat sont donc pour bonne part légitimes.

Chacun défend ses intérêts. De l’industrie pétrochimique du bassin d’Anvers à la défédéralisation. Les principaux partis flamands ne veulent pas perdre de pouvoir de décision sur une thématique qui les préoccupe, quoi qu’on en dise. Le MR se serait bien rangé de leur côté, car il veut du concret plutôt qu’une mesure symbolique faite à la va-vite. Mais un « non » à la loi climat est désormais inaudible du côté francophone. Les libéraux, isolés, n’ont donc pas eu d’autre choix que d’opérer un changement stratégique et d’accepter la révision de la constitution, dans un premier temps. Ils ne prennent toutefois pas beaucoup de risques puisque cette loi climat, comme expliqué, a très peu de chances d’aboutir.

Dans les faits, beaucoup d’arguments plaident en faveur des trois partis flamands. Mais la Belgique a tellement traîné en matière climatique – sans compter le fiasco de la COP24 – qu’il fallait bouger, même si on est dans l’ordre du symbole. Car une société, pour avancer, a aussi besoin de symboles et pas toujours de pragmatisme.

Quelle stratégie sera la gagnante? Il faudra attendre le soir du 26 mai, jour d’élections, pour le savoir.

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