Depuis une demi-année, Blue Origin organise un véritable bashing anti-SpaceX. Et plus particulièrement envers son vaisseau Starship, dont une variante a été choisie par la NASA comme atterrisseur lunaire (HLS) pour le retour de l’Homme sur la Lune. Entre communiqués incendiaires, cadeaux financiers et plaintes officielles, la société de Jeff Bezos pourrait bien finir par obtenir ce qu’elle exige: l’opportunité de construire elle aussi un HLS pour cette prestigieuse mission.
En sélectionnant SpaceX comme seule entreprise mandatée pour construire son atterrisseur lunaire en vue de la mission menant au retour de l’Homme sur la Lune, la NASA a fait naître une très grosse querelle entre Jeff Bezos et Elon Musk (qui, soit dit en passant, ne s’appréciaient déjà pas beaucoup). Alors que tout le monde s’attendait à ce qu’elle désigne deux sociétés, l’agence spatiale américaine n’en a choisi qu’une seule. Une décision surprenante qu’elle a justifiée par des motifs financiers: SpaceX proposait ses services contre 2,9 milliards de dollars, tandis que Blue Origin en réclamait le double.
Depuis avril, Blue Origin et Jeff Bezos multiplient les tentatives pour tenter d’entraver la bonne avancée du duo SpaceX-NASA:
- Blue Origin a porté plainte plusieurs fois contre la décision de la NASA. Elle a été déboutée une première fois, avec Dynetics, auprès du Government Accountability Office (GAO), une agence dépendant du Congrès américain. Mais elle a introduit une nouvelle plainte, devant la Cour des réclamations fédérales des Etats-Unis. Une décision doit tomber avant le 1er novembre. En attendant, SpaceX ne peut pas poursuivre le développement de son HLS. Ce gel embête la NASA, qui y voit là la principale cause du probable report de la mission de retour de l’Homme sur la Lune, normalement programmée pour 2024.
- Blue Origin a publié des communiqués pour saper la réputation de SpaceX. En alertant sur la fusée « immensément complexe et à haut risque » que l’entreprise d’Elon Musk développe pour la NASA. En fustigeant la décision « arbitraire, capricieuse et irrationnelle » de l’agence spatiale américaine. Ou en rappelant qu’Elon Musk – qui s’est moqué des protestations de Jeff Bezos devant les tribunaux – était lui-même un spécialiste du genre.
- En outre, Jeff Bezos a proposé d’offrir 2 milliards de dollars de sa fortune personnelle à la NASA pour qu’elle donne la possibilité à Blue Origin de concevoir elle-aussi un HLS. Une proposition qui vise à réduire l’écart entre les 5,9 milliards réclamés par sa société et les 2,9 demandés par SpaceX.
Le Sénat compte donner (un peu) plus d’argent à la NASA
En attendant le verdict de la Cour des réclamations fédérales, Blue Origin vient de remporter un premier succès dans cette affaire. Cette semaine, le Committee on Appropriations du Sénat, le comité le plus important, a publié un rapport préliminaire sur neuf projets de loi de dotations pour l’exercice 2022. Il y est notamment question du budget de la NASA, rapporte le média spécialisé SpaceNews.
Dans leur rapport, les membres du comité sénatorial indiquent que, selon eux, malgré les lamentations de la NASA, le programme de développement du HLS n’est pas sous-financé. Ils estiment que l’agence spatiale américaine dispose des moyens nécessaires pour inviter deux entreprises à concevoir chacune un atterrisseur lunaire.
Toutefois, le projet de loi mentionné dans le rapport prévoit d’octroyer un budget de 24,83 milliards de dollars à la NASA, soit un peu plus que les 24,8 milliards de dollars demandés par l’agence. Le document comporte également une augmentation de 100 millions de dollars pour le financement du HLS.
Et l’enjoint à choisir une deuxième entreprise
Ce gonflement de 100 millions de dollars supplémentaires n’est peut-être pas aussi élevé que ce qu’espérait la NASA pour financer deux projets de HLS. Malgré tout, et c’est ce qui réjouit Blue Origin, le Sénat l’enjoint à choisir une deuxième entreprise pour développer un atterrisseur lunaire.
« La rhétorique de la NASA consistant à blâmer le Congrès et ce comité pour le manque de ressources nécessaires au soutien de deux équipes HLS sonne faux », indique le rapport. Le comité ajoute que « le fait d’avoir au moins deux équipes fournissant des services en utilisant le Gateway devrait être l’objectif final du programme de développement actuel », faisant référence au Gateway de la NASA, une station spatiale lunaire qu’elle prévoit de construire.
« En utilisant ce financement, la NASA doit assurer la redondance et la concurrence, y compris un soutien robuste pour la recherche, le développement, les tests et l’évaluation pour pas moins de deux équipes HLS », lit-on également dans le rapport.
Si le projet de loi est adopté, la NASA fera donc face à un énorme défi: attribuer un second contrat avec « seulement » 100 millions de dollars en plus à sa disposition. Attendant également la décision de la cour fédérale sur le sujet, Blue Origin recommence à sourire.
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