La planète Mars est devenue le nouvel objectif des organisations spatiales et des passionnés de conquêtes spatiales. Le meilleur exemple est certainement le fondateur de SpaceX, Elon Musk, qui rêve de construire une colonie sur Mars dans les prochaines années. Mais que risquent vraiment les premiers humains à y amarsir ? Mars est bien plus hostile que Musk ne le pense.
‘Mars est un enfer’, affirme Shannon Stirone, journaliste scientifique pour The Atlantic. ‘Mars vous tuera.’ Experte dans le domaine spatiale, elle explique à quel point Mars est invivable. Tout d’abord, Mars n’est pas protégée des radiations du soleil ou des rayons cosmiques galactiques. Ensuite, il n’y a bien sûr pas d’air respirable. Il faudrait sans cesse porter des combinaisons à oxygènes et rationner les ressources. Enfin, bien que Mars nous a toujours été décrite comme une planète de feu, il fait environ -63°C en moyenne à la surface.
Cela signifie qu’un humain arrivant sur mars pourrait soit mourir complètement congelé, étouffé par le manque d’oxygène ou par une baisse de pression atmosphérique qui ferait littéralement bouillir son sang.
Les astronautes qui vivent dans l’espace et notamment dans la station spatiale internationale connaissent bien ces risques. Pour chaque sortie en dehors de la station, ils doivent porter des combinaisons et des bouteilles d’oxygène pour survivre à un environnement aussi hostile.
Et même avec ces combinaisons, être exposé à une si faible pression atmosphérique – environ 600 pascals soit 0,6% de la pression terrestre – peut provoquer de graves maladies: rupture des poumons, gonflement de la peau et des tissus corporels qui peuvent mener à la mort. En outre, la gravité sur la planète rouge est 0,375 fois celle de la Terre. Une personne pesant 80 kg a l’impression sur Mars de n’en peser plus que 30. Bien que cela puisse sembler attrayant, cette faible gravité est susceptible de faire des ravages sur la santé à long terme et peut également avoir des conséquences négatives sur la fertilité des pionniers martiens.
Une colonie sur Mars
Utiliser Mars comme une seconde Terre, où les humains pourraient vivre après avoir détruit leur propre planète est complètement insensé selon Shannon Stirone. ‘Pour que les humains y vivent de quelque manière que ce soit, il faudrait construire des tunnels et vivre sous terre’, explique-t-elle, ajoutant que ce n’est clairement pas séduisant. Il faudrait porter une combinaison spatiale pour chaque sortie, en sachant qu’au moindre problème, on peut mourir en 60 sec dans d’atroces conditions.
Selon Stirone et de nombreux autres scientifiques, il est évident que nous irons sur Mars, mais seulement pour étudier cette planète. Une ou deux stations y seront certainement construites également. Mais envoyer des centaines voire des milliers de personnes habiter sur la planète rouge est un non-sens. Une critique qu’avait aussi relevée Greta Thunberg dans son clip parodiant les désirs de conquêtes d’Elon Musk.
Bébé martien
Créer une colonie sur Mars, cela signifie que nous devrions nous reproduire sur cette planète pour faire perdurer l’espèce humaine. Mais nous n’avons aujourd’hui aucune idée du fonctionnement de la fertilité à une faible gravité. Par exemple, nous ne savons pas comment les spermatozoïdes et les ovules fonctionneront sur Mars. Et si un ovule pouvait être fécondé, comment se dérouleraient les premiers stades de la grossesse ? Quels sont les risques pour la mère et l’enfant ? Nous n’avons pas les réponses à ces questions.
Une gravité plus faible pourrait faire remonter le fœtus qui se calerait donc contre le diaphragme de la mère. Elle aurait alors plus de difficulté à respirer. La gravité peut également perturber ou retarder le processus de grossesse. Sur Terre, les os, les muscles, la circulation et d’autres aspects de la physiologie humaine se développent en agissant contre la gravité, explique Rachael Seidler, spécialiste des effets de la microgravité sur les astronautes.
Le corps humain s’adaptera-t-il à une gravité faible ? Un utérus artificiel peut être une solution, mais il n’a pas encore été inventé et il ne résout pas le problème de la faible gravité. ‘À moins que vous ne mettiez l’utérus artificiel dans une centrifugeuse pour simuler la gravité’, explique Seidler.
Notre cerveau sur Mars
Dans tous les cas, la faible gravité provoquera des problèmes de santé à long terme pour les humains. Les études sur les astronautes qui sont partis en mission ‘zéro gravité’ pendant longtemps montrent des symptômes troublants : perte osseuse et musculaire, problèmes cardiovasculaires, troubles immunitaires et métaboliques, troubles visuels, problèmes d’équilibre et sensorimoteurs, etc. Peut-être après cinq, dix ou vingt ans d’exposition constante à une faible gravité, nous connaitrons certainement les mêmes problèmes, prédit Rachael Seidler.
‘Oui, il y aurait des changements physiologiques et neuronaux sur Mars dus à la gravité partielle’, affirme-t-elle. ‘Mes recherches ont montré, par exemple, un déplacement vers le haut du cerveau dans le crâne. La matière grise augmente dans certaines zones du cerveau et diminue dans d’autres. Il y a aussi des changements structurels dans la substance blanche du cerveau et le fluide se déplace vers le haut de la tête.’
‘Certains de ces effets devraient finir par se stabiliser, et notre système nerveux est très flexible: il peut « apprendre » à contrôler les mouvements en microgravité malgré la modification de l’apport sensoriel. Mais encore une fois, nous ne connaissons pas les limites de notre corps.’ Les astronautes dans l’espace ont déjà montré des pertes de l’équilibre et une diminution des fonctions motrices, mais la recherche suggère qu’ils finissent par s’adapter en microgravité.
Le retour sur Terre
Les astronautes qui reviennent de missions à long terme éprouvent des nausées, des étourdissements et de la faiblesse pendant les premiers jours sur Terre. Certains en souffrent même jusqu’à la fin de leur vie. Les données de la NASA montrent que le temps de récupération des astronautes est proportionnel à la durée de la mission. Plus la mission est longue, plus la récupération est longue.
Dans cette optique, est-ce que les colons sur Mars pourraient revenir facilement sur Terre ? Expanse, la seule série de science-fiction considérée comme réaliste sur notre avenir dans l’espace donne une réponse laconique à cette question : ce sera un retour brutal. Les enfants nés sur Mars – en imaginant que ce soit possible – ne pourraient jamais visiter la planète d’origine de leurs ancêtres.
Terraformation: science-fiction VS réalité
Une autre perspective imaginée est de terraformer Mars. ‘S’attaquer au changement climatique sur Terre peut sembler terriblement difficile, mais c’est du gâteau comparé aux défis de la terraformation de Mars’, a écrit le cosmologiste et astrophysicien Martin Rees dans son dernier livre On the Future: Prospects for Humanity.
La terraformation est le processus de changement conscient de l’atmosphère et du climat d’une autre planète afin qu’elle devienne habitable pour les humains. Pour Mars, cela signifie, entre autres, injecter de l’oxygène et d’autres gaz dans l’atmosphère pour rendre l’air respirable, pour augmenter la température et pour améliorer la pression atmosphérique. Selon certains scientifiques, dont la professeure de sciences planétaires à l’Université Purdue, Briony Horgan, la terraformation de Mars n’aura pas lieu avant des milliers d’années.
Actuellement, la terraformation n’est ni plus ni moins qu’un rêve, dit-elle, qui ‘va bien au-delà de tout type de technologie que nous aurons dans un proche avenir’.
D’abord et avant tout, il y a un problème logistique majeur. Dans un article de 2018 dans Nature, Bruce Jakosky et Christopher Edwards de l’Université du Colorado ont tenté de savoir combien de dioxyde de carbone serait nécessaire pour augmenter la pression atmosphérique sur Mars pour que les Hommes n’aient plus à porter de combinaison. Ils ont conclu qu’il n’y avait pas assez de CO2 sur Mars pour la terraformation et que nous devrions importer les gaz nécessaires.
Dans les faits, la terraformation n’est pas impossible. Mais les technologies requises excluent la possibilité de grandes colonies viables sur Mars. Et même si nous commencions aujourd’hui, il faudrait des centaines voire des milliers d’années pour y arriver.
Elon Musk n’y avait pas pensé
D’ici là, Mars sera un environnement particulièrement hostile pour les pionniers. Selon Horgan, le rayonnement intense est ‘un problème auquel beaucoup de gens, y compris Elon Musk, ne pensent pas clairement’. Vivre sous terre ou dans des bases blindées peut être une option pour s’en protéger un maximum, mais le taux de cancer sera toujours énorme. Selon le degré d’exposition, ce rayonnement, beaucoup plus élevé que nous le soupçonnions, peut entraîner des brûlures, des radiations, des cancers et des maladies cardiovasculaires. ‘Nous pouvons estimer les risques pendant environ un an, mais pas à long terme’, affirme la scientifique.
Dans la station spatiale, les astronautes sont déjà exposés à 200 fois plus de rayons cosmiques que sur Terre. Sur Mars, l’exposition est 700 fois plus importante. Selon le physicien de l’ESA, Marco Durante, un séjour de six mois sur Mars exposerait les astronautes à 60% de la dose limite de rayonnement recommandée pour toute leur carrière. ‘Dans l’état actuel des choses, nous ne pouvons pas aller sur Mars à cause des radiations’, affirme-t-il.
En principe, le problème du rayonnement peut être résolu en construisant des environnements artificiels, des dômes ou des maisons souterraines. Mais cette solution est inhumaine, soutient Horgan. La vie dans une colonie martienne serait misérable. Les astronautes seraient contraints de vivre dans des bases souterraines artificiellement éclairées, ou dans des stations de surface fortement protégées avec très peu d’accès vers l’extérieur. Les expériences sur Terre ont montré qu’une telle vie conduit à des dépressions, de l’ennui, à une diminution des capacités de concentration, à une baisse de la vue et à une pression artérielle élevée.
Un grand pas en arrière pour l’humanité
Un autre problème que les rêveurs comme Elon Musk ont tendance à négliger est la motivation. Si jamais nous parvenons à amener des humains sur Mars, les seuls intéressés seront les riches en manque de sensation forte et les scientifiques obligés d’y aller pour l’étudier. Une migration de masse ne pourra jamais avoir lieu. Pourquoi les gens voudraient-ils vivre sur une planète aussi inhospitalière ? La vie sur Mars sera toujours un grand pas en arrière par rapport à la qualité de vie sur Terre. En extrapolant, certains scientifiques estiment que vouloir procréer sur Mars s’apparente à de la torture.
Un accès limité aux ressources de base, telles que la nourriture et l’eau, pourrait limiter la capacité d’une colonie à croître et à prospérer. ‘Il est possible de trouver des ressources stables pour vivre sur une longue période, mais ce sera difficile’, affirme Briony Horgan. ‘Si nous voulons être près de l’eau, nous devons aller assez loin au nord de la planète. Mais plus on va au nord, plus les conditions à la surface sont rudes. Les hivers seront froids et il y aura moins de soleil.’
Et puis il y a la couche de régolithe, cette partie du sol qui recouvre la planète, remplie produits chimiques perchlorates dangereux, et donc toxique pour les humains. Pour faire pousser des cultures, les colons devront construire des serres hydroponiques souterraines. Cela nécessite un éclairage spécialisé, des plantes génétiquement modifiées spécialement conçues pour Mars et beaucoup d’eau. Ce qui est difficile à trouver sur la planète rouge.
La solution ?
‘Les gens ne réalisent pas à quel point tout cela est compliqué’, explique Horgan. Selon Martin Rees, Mars et d’autres environnements spatiaux sont ‘intrinsèquement hostiles aux humains’. Il ajoute toutefois une nuance : un environnement hostile aux humains d’aujourd’hui. Dans un futur hypothétique, les modifications biologiques et cybernétiques sur les humains les rendront peut-être aptes à aller vivre sur Mars. Nous pourrions donc radicalement adapter la biologie humaine pour équiper les colons martiens pour qu’ils vivent, travaillent et se reproduisent. Cela peut sembler la piste la plus tirée par les cheveux, mais c’est la plus réaliste et réalisable, et ce dans les plus brefs délais.
Notre ADN devrait être modifié pour permettre une vie longue et saine sur Mars. Cela comprend des changements pour améliorer nos capacités musculaire, osseuse et cérébrale. Ces traits pourraient être rendus héréditaires afin que les colons de Mars les transmettent à leurs descendants. Les scientifiques peuvent également utiliser des améliorations cybernétiques, y compris des neurones artificiels ou une peau synthétique adaptée aux rayonnements cosmiques. La nanotechnologie pourrait même éliminer le besoin de respirer et de manger. Ces changements aboutiraient à un tout nouveau type d’humain, construit spécifiquement pour Mars.
Cela causerait énormément de problèmes éthiques. Toutefois, ces questionnements existeront aussi dans le cas où nous sommes condamnés à ne vivre que sur Terre. Ces technologies ont de graves implications existentielles et philosophiques.
Conclusion: nous devons reconnaître et accepter, à la fois psychologiquement et technologiquement, que nous vivrons plus que probablement dans les limites de la Terre. Cette idée suggère également que les civilisations extraterrestres sont dans le même bateau que nous. La propagation de la vie intelligente à travers l’univers aurait n’a pas un avenir tout tracé.