« Voter femmes » ce 26 mai, seule solution pour garantir l’égalité dans la politique belge?

Ce dimanche 26 mai, certains appellent à réfléchir son vote en fonction de la proportionnalité de genre, et d’ainsi « voter femmes ». Une demande qui n’est pas nouvelle, et qui repose sur une question qui mérite d’être posée: la politique en Belgique est-elle toujours une affaire d’hommes?

On va pas vous faire un récap’ des bourdes sexistes de cette campagne. Entre les jeunes cdH du Brabant Wallon qui ont mis une femme en laisse pour dénoncer l’abandon des animaux de compagnie, le récent visuel des listes Destexhe qui vendent leur féminisme à coups de potentielles élues en bikini; une tendance machiste se dégage de cette campagne électorale. Cependant, un vent de féminisme s’insère aussi dans les revendications, à la fois du côté des politiques mais aussi des électeurs.

Où sont les femmes dans la politique belge?

Déjà dans les années 70, alors que la parité et le principe de « tirette » n’étaient pas encore instaurés dans les listes électorales, on appelait à Voter Femme. À raison: à l’époque, moins de 10% des assemblées étaient constituées de personnes de genre féminin.

Aujourd’hui, certains tentent de relancer le mouvement, qui, additionné aux mesures paritaires entrées dans la constitution depuis 2002 et le système de tirette de 2018, pourraient permettre une meilleure égalité au sein des gouvernements belges.

#JeVoteFemme, #IkStemVrouw, #VotezFemmes2019 annoncent fièrement les militants. Une posture encouragée par l’affiche du grand débat des présidents d’hier, qui manquait en figures féminines. Effectivement, aucune femme présidente de parti n’était invitée. En même temps, seul Ecolo propose une co-présidente féminine en la personne de Zakia Khattabi – qui était pourtant invitée. Une omniprésence masculine qui n’a pas manqué de faire tiquer certains militants et candidats.

Le débat sur la parité est donc relancé. Apparente sur les listes, elle a bien du mal à se faire une place au sein des différentes assemblées. Pour prendre l’exemple des européennes, en 2014 c’étaient 29% des parlementaires belges qui étaient des femmes, malgré des listes paritaires. Mais au-delà du système de tirette, il y a aussi la question des visages représentants, têtes de liste comme présidents de partis. C’est entre-autre là que réside le problème, qui est bel et bien pointé par l’affiche du grand débat.

La politique, (toujours et encore) une affaire d’hommes?

Dans une étude datant de 2017 sur la parité en Belgique, Anna Safuta, alors chargée d’études et d’analyses auprès de l’ASBL Femmes Prévoyantes Socialistes, pointait que si les femmes ne subissent pas le biais des électeurs vis à vis de leurs compétences, elles avaient tendance à récolter moins de votes à cause des stéréotypes de genre. De fait, « les femmes ne sont pas vues comme moins compétentes en matière de budget par exemple, mais on s’attend à ce qu’elles exercent leurs fonctions avec plus de douceur et d’empathie ».

La politique, pourtant, dans l’imaginaire commun, ne laisse pas de place à la douceur et l’empathie. Tout est affaire de dureté, de poigne et de main ferme, des traits habituellement considérés comme masculins. Aucune surprise alors, quand on voit les places décisionnaires occupées principalement par des hommes. On pourrait aussi se poser la question de « pourquoi les femmes ne s’imposent-elles pas à ces places »?

Dans la même étude citée précédemment, Anna Safuta apportait quelques réponses à cette question, via des témoignages et statistiques. Non seulement les femmes sont moins élues, mais sont moins bien accueillies. On revient toujours aux mêmes biais qu’on retrouve dans la société, comme les remarques sur l’habillement dont parlait alors Joëlle Milquet (ex-présidente du cdH): « il y a un machisme dans la génération actuelle. On parle du look des femmes politiques, alors qu’on ne fait jamais de remarque physique sur un homme. C’est humiliant, dégradant. » Quand on n’est pas bien accueillies, on a du mal à s’imposer. CQFD.

La déflagration #MeToo, encore et toujours

On y revient à chaque fois qu’on parle de changements de mentalité, et pourtant difficile de l’éviter. Est-ce que post #MeToo, cette déclaration de Joëlle Milquet datant de 2017 est toujours valable? On peut assumer que certaines nouvelles têtes et positionnements marquent un changement dans la vision de la politique. Parmi les plus marquantes, l’arrivée de Béa Ercolini aux listes cdH, fondatrice de Touche Pas À Ma Pote, est une nouveauté. La position féministe assumée de Zakia Khattabi est également un marqueur: féminisme n’est plus un gros mot en politique.

D’ailleurs, plusieurs ont même décidé de dénoncer les abus de cyberharcèlement sexiste qu’elles subissaient durant la campagne. Les jeunes femmes politiques belges se voient confrontées à des menaces de mort, de viol… C’est ainsi que cinq d’entre elles décidaient d’ouvrir la parole dans un dossier pour La Libre il y a quelques jours.

Mais il y a la communication, les annonces, les nouvelles têtes, les dénonciations puis il y a les faits – ou plutôt les résultats à venir. Pour réussir à pousser plus de femmes en politique, encore faut-il voter pour elles. D’où #VotezFemmes2019.

#JeVoteFemme, une position controversée

Bien sûr, cette tendance ne porte pas forcément un consensus. On vote pour une personne et pas pour son genre, nous glisse-t-on dans l’oreille. Certaines femmes sont pires que certains hommes. Effectivement.

Mais ce serait nier le fait que nous sommes tous soumis à un univers – attention, gros mot en arrivage – patriarcal. Le fait de « Voter Femmes » ne vient pas forcément à l’esprit naturellement. Réfléchir à son vote avec un biais de genre, et choisir de voter pour une femme au lieu d’un homme, qui soit tout aussi compétente pour un poste législatif, régional ou européen, c’est faire le choix politique de donner plus de pouvoir aux femmes, pour atteindre l’égalité.

Parmi les arguments de ceux qui appellent à faire ce choix dans son vote, il y a plusieurs points: les basiques, avec la proportionnalité – la Belgique étant composée à 51% de femmes, il serait normal d’avoir 50% dans les élus – et la représentativité – l’identité des élus devrait refléter l’identité des représentés.

Il y a aussi les idéologiques: une femme élue devrait apporter des intérêts plus spécifiques à la cause féminine – comme le congé maternité ou le droit à l’avortement par exemple – et une différence de compétences entre hommes et femmes – argument dangereux cependant, qui réduirait les femmes à des compétences familiales ou éducationnelles. Enfin, l’argument d’entraînement: voir plus de femmes en politique encourageraient d’autres à se lancer.

Voter Femmes, c’est accepter de réfléchir son choix de vote avec toutes ces données en tête. Cela demande une remise en question, et libre à chacun de la concrétiser et de décider si, oui ou non, elle vaut la peine d’être menée jusqu’au bout.

Dans un article pour Le Vif L’Express, la journaliste Mélanie Geelkens annonçait que « les élections du 26 mai ne concrétiseront pas le miracle égalitaire. » Ce 20 mai, le CFFB (Conseil des Femmes Francophones de Belgique), publiait un rapport encourageant une législature 2019-2024 égalitaire, avant d’ajouter qu’aucun parti n’était féministe dans des déclarations faites à la DH. Si l’on ne peut se fier aux partis, peut-être que c’est effectivement aux électeurs d’encourager le vote féminin.

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