Vivaqua, un énième scandale politico-financier: si tu n’as rien suivi, on t’explique tout en quelques mots simples

Un nouveau scandale financier a frappé de plein fouet le monde politique à Bruxelles (again and again). Après le Samusocial, ce sont les rémunérations des quatre administrateurs du Conseil de gérance de Vivaqua qui posent cette fois question. En 2016, chacun a gagné plus de 56.000 euros brut, sans compter les jetons de présence et la voiture de société. Si tu n’as rien suivi à cette nouvelle affaire, on t’explique.

C’était vendredi soir, et tu avais autre chose à faire que de lire une énième affaire qui concerne un organisme public dans lequel des élus politiques ont profité de leur position pour s’en mettre plein les poches. Trop compliqué, trop technique et surtout du « déjà-vu ». On te comprend. Mais tu verras que cette histoire n’est finalement pas qu’un charabia politico-financier. On t’explique tout en détails.

Rémunérations juteuses, avantages extralégaux, jetons de présence, gestion peu transparente… Après l’ISPPC de Charleroi, Publifin à Liège et le Samusocial de Bruxelles, il s’agit d’une autre affaire dans le même style qui touche une fois de plus la capitale. En 2016, quatre administrateurs de Vivaqua (la société de production et de distribution d’eau basée à Bruxelles) ont empoché chacun 56.546 euros bruts.

À cette coquette somme, il faut ajouter 714 euros de jeton de présence par réunion ainsi qu’une voiture de société. Ce qui donne à peu près 65.000 euros bruts pour chacun. Ce sont les montants révélés par le site Bruzz vendredi, qui précise que l’assemblée générale de l’intercommunale du 1er juin dernier a décidé de les maintenir à niveau, malgré la crise de gouvernance qui ébranle actuellement le monde politique. Voilà pourquoi ce nouveau scandale est particulièrement mal venu.

Vivaqua, c’est quoi?

Avant d’entrer dans les détails et rebondissements de cette nouvelle affaire, expliquons d’abord ce qu’est Vivaqua. Peut-être as-tu déjà vu passer dans la rue l’une de ces camionnettes blanches au logo vert foncé? Car c’est généralement cette entreprise que tu appelles lorsque tu constates un problème avec ton compteur d’eau, par exemple.

Au départ, lorsqu’elle a été créée en 1891, Vivaqua alimentait seulement les Bruxellois en eau potable. Aujourd’hui, elle approvisionne toute la Région de Bruxelles-Capitale et également une partie des Régions flamande et wallonne. Chaque jour, elle fournit environ 370.230 m³ d’eau potable à 2,25 millions d’habitants, selon son site internet.

C’est donc l’une des principales entreprises de production et distribution d’eau potable en Belgique. Elle s’occupe des installations de captage et de traitement de l’eau, du transport, du stockage, de la surveillance de la qualité de l’eau et de l’assainissement des eaux usées. Mais aussi de l’installation de stations d’épuration, des facturations de consommation, ou encore des relevés de compteurs de ses clients.

Basée à Bruxelles, c’est une intercommunale 100 % publique, gérée par 38 villes et communes (les 19 communes bruxelloises, plus 15 communes flamandes, plus 4 communes wallonnes). Son Conseil d’administration est composé de 25 représentants des communes. Et à côté, il y a encore le Conseil de gérance, constitué du président, du vice-président et des administrateurs.

Vivaqua

Round 2 pour Yvan Mayeur

Et devine qui est à la tête du Conseil d’administration de Vivaqua? Yvan Mayeur. Tiens, tiens, gênant. Après avoir fait la une dans l’affaire sur les rémunérations indécentes des administrateurs politiques du Samusocial, c’est un nouveau coup dur pour lui. Il a d’ailleurs laissé des plumes dans ce scandale, puisqu’il a dû démissionner de son poste de bourgmestre de la Ville de Bruxelles.

Mais on t’a parlé plus haut de quatre administrateurs qui touchent près de 65.000 euros par an. À côté d’Yvan Mayeur, il y a également Jacques Oberwoits. Chef de groupe MR au conseil communal de Bruxelles et conseiller de police, il combine par ailleurs 10 mandats rémunérés sur 13. Déjà épinglé pour ses nombreux mandats au sein de la ville et dans les intercommunales rattachées, Oberwoits aurait touché, en tout en 2016, près de 120.000 euros brut, selon le cadastre publié récemment par le nouveau bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Philippe Close (PS).

Ensuite, il s’agit de Cathy Marcus, l’échevine PS aux Affaires sociales de la commune de Saint-Gilles, qui cumule, elle, 11 mandats, selon Cumuleo. Et le dernier est Oscar Dubru, conseiller communal MR de la commune d’Anderlecht, qui ne cumule lui (que) 8 mandats, selon Cumuleo.

Tous les quatre ont été rémunérés en tant que membres du Conseil de gérance de Vivaqua. Mais pour ce qui est de la justification de ces sommes au regard du travail qu’ils remplissaient, c’est la zone d’ombre encore à éclaircir.

Réactions d’Ecolo, de DéFI, du MR et du CD&V

Peu après cette révélation, Ecolo a réagi samedi par la voie de communiqué, en appelant « une nouvelle fois à faire toute la clarté sur les rémunérations directes et indirectes des intercommunales, et singulièrement de Vivaqua ». Le député écologiste bruxellois, Arnaud Pinxteren, a d’ailleurs déposé une interpellation parlementaire pour que « toute rémunération soit déterminée sur base d’une objectivation des responsabilités, des compétences et de la charge de travail ». Pour les verts dans l’opposition, il est grand temps d’enclencher une réforme en profondeur des intercommunales « en vue d’interdire les rémunérations forfaitaires et d’harmoniser les rémunérations des mandataires publics », ajoute le député écologiste bruxellois Arnaud Pinxteren cité par la Dernière Heure.

Même son de cloche du côté du MR. Vincent De Wolf, chef de groupe MR au Parlement bruxellois, a ainsi rappelé que plusieurs propositions des libéraux en faveur d’une meilleure gouvernance ont été déposées en février dernier et attendent depuis plus de quatre mois d’être débattues et votées. Celles-ci visent notamment à ce que tous les salaires, jetons de présences et autres indemnités alloués au sein des intercommunales et autres structures publiques soient obligatoirement encadrés par la Région de Bruxelles-Capitale. En outre, le texte prévoit aussi que les montants perçus ne puissent être supérieurs aux plafonds arrêtés par le Gouvernement bruxellois sur base de critères objectifs.

De son côté, Fabian Maingain, député régional bruxellois et chef de groupe DéFI à la Ville de Bruxelles, regrette que le cadastre des mandats rémunérés qui dépendent de la Ville de Bruxelles ne mentionne « étrangement pas » les mandats dans les intercommunales. « Cette semaine encore, je demandais au futur bourgmestre que le cadastre soit revu et complété précisément sur ces structures », a-t-il ainsi réagi au Soir.

Enfin, le CD&V a lui aussi réagi. Bianca Debaets, la Secrétaire d’État bruxelloise (CD&V), qui est également conseillère communale dans l’opposition à la Ville de Bruxelles, a proposé samedi de placer les intercommunales bruxelloises, Vivaqua compris, sous gestion de la Région. Comme c’est le cas en Flandre. Cela entraînerait que l’Inspection des Finances et qu’un commissaire du gouvernement puissent superviser et contrôler leur gestion. Les rémunérations des administrateurs seraient également plafonnées et les réunions et autres activités plus transparentes.

Ce serait aussi une manière de renforcer la Région, par rapport aux autres communes, dans la gestion des intercommunales. Une évolution que le CD&V et les autres partis flamands souhaite, mais auxquels les partis francophones sont réticents. Le MR a d’ailleurs déjà marqué son désaccord.

Mais il faudra bien un jour trouver une solution qui goupille les revendications des uns et des autres pour laver la politique wallonne et bruxelloise. Sans quoi, la confiance du citoyen sera définitivement rompue.

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