Vers une légalisation complète du cannabis en Belgique: quel parti est pour, quel parti est contre?

En matière de cannabis, pas toujours simple d’y voir clair en Belgique. Est-il légal d’en consommer, d’en cultiver, voire d’en acheter? On va faire le point sur la législation. En coulisses, chaque parti prend position. Si Écolo et le PS sont favorables à une légalisation complète du cannabis, ce n’est pas le cas de tous les autres partis.

« Le cannabis, c’est légal en Belgique? ». « Non, il est juste toléré! ». Peut-être t’est-il déjà arrivé d’avoir ce genre de discussions entre potes. Et c’est vrai qu’on n’y voit pas toujours clair en termes de légalisation du cannabis dans notre pays. Faisons donc d’abord le point sur la législation.

La loi est claire: la détention, la vente et la culture de cannabis sont interdites en Belgique. Un temps « toléré pénalement », le gouvernement Michel a finalement décidé d’appliquer la tolérance zéro vis-à-vis du cannabis, jusqu’à sa consommation. Une tolérance zéro qui était déjà appliquée par Bart De Wever à Anvers d’ailleurs.

Consommation et détention en hausse

La Belgique semble donc prendre le chemin inverse de la tendance mondiale, qui va vers plus de tolérance vis-à-vis du cannabis. Une partie de la communauté scientifique est aussi montée au créneau pour défendre sa légalisation. Outre la volonté de remplir les poches de l’État, leur proposition se base sur un constat: la consommation et la détention de cannabis ne baisse pas. Malgré la politique répressive.

La consommation est plus forte que jamais: près de 15 % des Wallons et 22 % des Bruxellois de 15 à 64 ans ont déjà consommé du cannabis au cours de leur vie, selon la dernière enquête de l’institut de la santé publique (2013). On monte même à 32 et 34% pour les 15-24 ans, et certaines études parlent de deux tiers.

Il en est de même pour la détention: « Nous constatons bien plus de détention de cannabis qu’il y a dix ans, presque du simple au double », remarque le commissaire Michel Bruneau, du service central drogues de la police fédérale (DJSOC) », au Vif/l’Express en décembre dernier.

Le Vif/l’Express

Foutoir dans la législation

Cela fait donc des centaines de milliers de personnes qui ont enfreint la loi de 1921, toujours d’application.

Cette loi fera toutefois l’objet d’une tentative de modification au début des années 2000. « L’idée était de maintenir symboliquement l’interdit pénal, mais celui-ci ne serait plus appliqué sur le terrain », explique Christine Guillain, pénaliste à l’Université Saint-Louis toujours au Vif. En d’autres mots, ça veut dire que cette nouvelle loi prévoyait que le policier qui constatait l’infraction ne dresserait plus de PV nominatif. Ce qui aurait empêché le Parquet d’agir. « Il s’agissait donc d’une dépénalisation de facto », explique Christine Guillain. Cette loi, refusée par la Cour d’arbitrage, s’est transformée en une directive beaucoup moins ambitieuse avec un retour au PV nominatif (en plus d’une tolérance de 3 grammes et d’un plant à domicile). C’était en 2005 sous Verhofstadt II. Elle s’accompagne d’une autre directive signée en 2003 qui différencie la gravité du cannabis vis-à-vis des autres drogues.

Depuis? Plus rien. C’est sur ce demi-pas en avant que s’est greffée la récente position du gouvernement Michel et l’application de la tolérance zéro sur le terrain selon la commune où tu te trouves.

Ecolo et PS: pour

Face à ce retour en arrière, les partis traditionnels prennent position. À commencer par Écolo et le PS. Pour les verts, c’est assez simple: ils veulent réglementer la production, la vente et l’usage du cannabis. Muriel Gerkens, députée fédérale à la Chambre, a d’ailleurs déposé en mars dernier une proposition de loi en ce sens. « Bien loin d’en faire une quelconque promotion, le but recherché est de mieux contrôler sa distribution et de sa production pour ne pas laisser ce marché aux mains d’une criminalité mafieuse ».

L’objectif premier de cette proposition serait de protéger la santé des consommateurs. « Nous constatons que les produits vendus en Belgique ont un taux de THC (tétrahydrocannabinol) trop important et que certains plants contiennent des substances toxiques », détaille la députée dans La Libre. Concrètement, Écolo veut mettre à disposition des lieux de vente, contrôlés, et avec du personnel formé.

Ecolo

Pour le PS, c’est Elio Di Rupo qui montait en personne au créneau. C’était également en mars dernier et voici ce qu’il déclarait dans La DH: « La politique menée actuellement en matière de cannabis est profondément insatisfaisante ». Comme pour Benoît Hamon en France, le chef du PS belge se montre également favorable à l’appropriation de la vente du cannabis par les pouvoirs publics: « Comme Benoît, je propose que ce soient les pouvoirs publics qui régulent et réglementent la production et la vente de cannabis. Des experts de l’Europe entière […] nous pressent de prendre des mesures en faveur d’une régulation en matière de cannabis, comme nous l’avons fait pour le tabac ou l’alcool. »

On notera que le PTB et DéFi sont globalement pour une dépénalisation, avec un contrôle sur la vente et la consommation.

MR et CDH: contre

Ce n’est pas du tout le point de vue du MR, tu l’auras compris. Il rejette la dépénalisation « en raison des risques élevés et des effets négatifs pour le consommateur, notamment en ce qui concerne l’assuétude et les comportements à risque. Mais également en raison de la banalisation induite par cette mesure. »

La position officielle du MR est claire et fait écho à la décision du gouvernement fédéral en matière de tolérance: « le gouvernement fédéral Michel Ier a souligné, via l’accord de gouvernement, qu’il avait la ferme intention de mettre fin à cette tolérance pour le cannabis qui existe depuis 2003 en stipulant que la consommation et la détention de drogues dites douces seront donc poursuivies autant chez les mineurs d’âge que chez les plus de 18 ans ».

On n’était pas de cet avis du côté des jeunes MR. Autre détail amusant noté par le Vif: une proposition de loi datant de 2000 suggérait de dépénaliser la détention de cannabis en dessous de… 15 grammes. Et devine de qui vient cette proposition? D’Olivier Chastel et Daniel Bacquelaine, respectivement chef du MR et ministre des Pensions aujourd’hui.

Pour le CDH, pas de quiproquo: ils sont « opposés à la dépénalisation et la légalisation des drogues ». Le parti humaniste veut mettre le paquet sur la prévention. Notamment par la réalisation de campagnes destinées aux jeunes, et ce le plus tôt possible. Le CDH craint pour la santé des concitoyens en cas de dépénalisation complète.

Le débat doit être (re)lancé

Comme vu plus haut dans les chiffres, le cannabis s’est pourtant déjà banalisé. Sa consommation et sa détention augmentent également. En conséquence, il semble que les politiques répressives ou des demi-mesures soient un échec cuisant. Et on passera ici les problèmes de surpopulation carcérale (un tiers des détenus sont liés à des dossiers drogues).

La législation sur le cannabis en Belgique, c’est aussi cette fâcheuse impression que la loi n’est pas la même pour tous. Ou en tout cas, qu’elle n’est pas appliquée de la même manière sur tout le territoire. Il s’agit pourtant à la base d’une loi fédérale. Mais c’est à chaque zone de police de la faire appliquer en fonction des directives. Et finalement au juge de donner ou pas une sanction.

Bref, si ce débat est avant tout idéologique et touche à la morale, il doit être mis sur la table, ne fût-ce que pour y voir un peu plus clair dans la législation. Et pour peut-être, par la suite, accompagner la tendance mondiale comme c’est le cas aux États-Unis, au Canada et même au Portugal. Les dérives en moins.

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