Un nouveau kazakhgate pour le MR? Voici ce qu’on reproche exactement à Alain Destexhe

Le libéral Alain Destexhe se retrouve empêtré dans une affaire de gros sous. En cause, son ASBL. Elle est censée surveiller les élections en Azerbaïdjan. Le hic, c’est que cette même ASBL est financée par ce même Azerbaïdjan. Autant dire qu’on est pas vraiment ravi au MR, à l’heure de faire la morale aux autres.

Après le kazakhgate d’Armand De Decker, faites place à l’azérigate! Les accusations qui pèsent sur Alain Destexhe sont lourdes et cette possible nouvelle affaire fait grincer quelques dents au sein du MR. En effet, pas toujours évident, dans ces conditions, de paraître crédible en matière de bonne gouvernance.

Trois reproches

Mais que reproche-t-on exactement au sénateur? Trois choses essentiellement. Alain Destexhe et l’ex-député VLD Stef Goris ont créé en 2010 une ASBL, « l’European Academy for Elections Observations », dont le but était de rédiger des rapports sur la situation des scrutins électoraux en Azerbaïdjan. L’Echo révélait hier que le siège de cette ASBL se trouvait au domicile d’Alain Destexhe puis à son bureau, et surtout que les rapports rédigés étaient toujours positifs, contrairement à ceux de l’OSCE. Elise Lucet peut en témoigner: la journaliste de France 2 est maintenant attaquée en justice par l’État azéri qu’elle avait qualifié de « dictature », dans l’un de ses brillants reportages.

Deuxième couac: l’ASBL aurait été financée par des fonds azéris en guise de récompense. Le tout via une organisation de lobbying basée en Allemagne. Selon l’Echo, l’ASBL a reçu ainsi quelque 800.000 dollars entre 2012 et 2014. L’objectif voulu est simple: donner à l’État asiatique la meilleure image possible. En prime, toutes les missions effectuées sur place par Alain Destexhe et son collègue Stef Goris ont été payées par l’Azerbaïdjan, frais d’hôtel et de restaurant compris.

C’est tout? Non. Alain Destexhe est aussi membre du Conseil de l’Europe, ainsi que président de la Commission des droits de l’homme de l’assemblée. Et de quelles matières s’occupe-t-il? Dans le mille Émile: les questions azéries.

L’affaire de trop pour le MR?

Du coup, le chef de la délégation belge au Conseil de l’Europe se demande, légitimement, s’il n’y a pas « un conflit d’intérêts ». Même au sein du MR, on est perplexe: « Alain Destexhe sera convoqué par le Conseil de conciliation et d’arbitrage dans la quinzaine, explique le porte-parole du parti. Nous ne connaissions pas l’existence de cette ASBL, nous allons voir ce qu’il en est. » Des sanctions éventuelles? Il n’en est apparemment pas encore question, d’autant qu’aucune action en justice n’a pour l’instant eu lieu.

Mais les libéraux se seraient bien passés de cette nouvelle accusation sur l’un des leurs. Après Armand De Decker et les hélicos kazakhes, après Serge Kubla et le dossier Duferco, une troisième affaire ferait très mal à l’heure où on affiche sa bonne gouvernance. Le MR est d’autant plus embêté qu’Alain Destexhe n’est plus trop le bienvenu. Ses propos polémiques contre l’Islam et les étrangers lui ont valu d’être exclu de la liste MR pour les prochaines élections communales à Ixelles. On se rappellera aussi de son voyage polémique en Syrie pour rencontrer Bachar al-Assad.

Si on revient plus loin en arrière, on se souvient aussi de son voyage en Corée du Nord, une visite entrée dans la légende en 1998 grâce au reportage de Strip Tease sur la RTBF. En fait, Alain Destexhe dispose d’un « réseau international hyper développé », fait savoir une source en interne au Soir. C’est devenu son exutoire apparemment: « Le parrain des voyages, c’est lui. » Risque-t-il dès lors une exclusion définitive du MR? Rien n’est moins sûr: Alain Destexhe, c’est aussi la garantie de faire des voix.

Réponse de l’accusé

Le principal intéressé se défend en tout cas d’avoir commis une faute à Belga: il aurait « démissionné en 2015 » de cette ASBL « sans y avoir touché de rémunération ». Il affirme également ne jamais avoir été impliqué « dans la gestion de l’ASBL », malgré le fait qu’il l’ait bien fondée. Et sur sa complaisance envers le régime azéri, le sénateur, qui est aussi député bruxellois, balaye les critiques d’un revers de la main. Pour preuve son rapport « très critique sur la situation des droits de l’homme » rédigé pour le Conseil de l’Europe.

Destexhe ne serait pas le seul député impliqué, si on en croit l’Echo de ce mercredi. Trois députés bruxellois (Özkara et Manzoor (PS) et le cdH Mampaka) étaient en Azerbaïdjan en mai dernier à l’invitation des autorités azéries. Officiellement pour « un dialogue interculturel ». Le député d’origine turque Emin Özkara y aurait tenu des propos contre l’Arménie qui est en conflit direct avec l’Azerbaïdjan. Tenir des propos offensants envers l’Arménie rapporte également toujours en Belgique électoralement quand on est d’origine turque.

Le député cdH Mampaka se défend lui d’avoir tenu des propos hostiles. Il assure même avoir payé son billet retour, sans manquer toutefois de glisser un petit tacle à Alain Destexhe: « C’était la seconde fois que je me rendais sur place et je peux vous assurer qu’on a été moins bien traité que quand j’y ai été la première fois avec Alain Destexhe », glisse Mampaka à l’Echo.

Quelque chose nous dit qu’Olivier Chastel, président du MR, ne partira pas en vacances en Asie centrale.

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