ATTENTION, GROS GROS TABOU EN PERSPECTIVE. Ok, nous, les femmes, avons l’habitude d’en entendre des vertes et des pas mûres sur à peu près TOUT ce qui concerne nos choix, même les plus intimes. Mais, depuis que je suis mère, et au gré de mes lectures et scrollings sur les réseaux sociaux, j’ai pris en pleine tronche un tabou bien de chez nous: celui de l’allaitement prolongé (ou non écourté). Une femme qui allaite, ça dérange, mais une femme qui allaite « tard »… ça dérange énormément!
Fais le test, demande aux gens qui sont à côté de toi, tout de suite là maintenant, ce qu’ils pensent d’une maman qui allaite son enfant de 2 ans. Tu risques d’entendre: « moi ‘j’trouve ça beau/normal/pas choquant » (ça, c’est ta copine jeune maman…), mais aussi et surtout: « moi je trouve ça dégueu », « moi je trouve que l’allaitement c’est bien, mais à un moment faut couper le cordon »… On en passe et des meilleures.
Tu l’allaites encooooore!
C’est en tombant sur un post Facebook que j’ai eu envie d’écrire ce billet. Il s’agissait d’un post en réaction à Super Nanny, elle-même réagissant à l’allaitement d’une enfant de 3 ans. Au-delà de la réaction un tantinet choquée de la célèbre nounou (sans doute pour la caméra…), les commentaires sous le post étaient pour certains d’une violence inouïe. Ok, vous me direz comme d’hab’ sur les réseaux sociaux. Mais quand même.
Avant d’être maman, je crois que je pensais à peu près comme tout le monde que l’allaitement c’est bien, que chacune fait ce qu’elle veut/peut (en l’occurence, allaiter ou non), mais qu’à « un moment donné, faut savoir couper le cordon ». Puis, je suis devenue mère. J’ai allaité sans faire aucun plan, tout est venu naturellement. Au début, RAS. J’allaitais mon nouveau-né, quoi de plus normal? Mais, une fois que j’ai dépassé les 6 mois d’allaitement, j’ai commencé à sentir le vent tourner… et à entendre des « tu l’allaites encooooore! » d’abord étonnés, puis carrément choqués. Pourtant, mon bébé n’avait pas 5 ans, mais 9 mois, 10 mois, un an. C’était pour moi encore un bébé, mon bébé, et je ne voyais pas le problème. Ou en tout cas pas de quoi en faire un fromage (au lait de vache hein). Mais pour les autres, il avait des dents, était sur le point de marcher et limite de se prendre un appart’ visiblement… je pensais alors à ces femmes comme ma belle-soeur, qui a allaité son aîné jusqu’à 2 ans et demi: qu’est-ce qu’elle avait dû en entendre, elle!!!
« Allaiter un enfant tard, c’est de l’inceste »
Je me souviens de quelques échanges, par-ci par là. Je me souviens d’une personne de ma famille me disant que les femmes qui allaitent leurs enfants très tard, c’est normal (et donc acceptable) dans certaines cultures, mais que, chez les femmes comme moi (= blanches, occidentales, qui ont accès à l’eau courante, au lait en poudre, et au micro-ondes en gros…), c’était limite malsain, obscène et… INCESTUEUX. Ah ouais, carrément!!! « Incestueux »! Le mot était lâché…
Je me suis demandé pourquoi. Pourquoi c’était ok pour une femme d’une contrée lointaine, d’une culture lointaine, mais pas pour nous femmes blanches occidentales des pays « riches ». Pourtant, dans certains pays comme le Danemark ou la Norvège (eh ouais, les pays nordiques, toujours…), la grande majorité des bébés allaités le sont encore après l’âge d’un an. Mais chez nous, ça pose problème. Les femmes elles-mêmes, pour beaucoup déjà mamans, disent qu’allaiter un enfant si tard c’est « malsain », « choquant », « incestueux », que les mères qui font ça sont folles et qu’il faut qu’elles se fassent soigner. Quant à l’enfant… il sera forcément bon pour le psy, avec des gros problèmes d’acquisition de l’autonomie.
Il semble donc que, dans l’imaginaire collectif, même quand c’est un enfant – et non un homme adulte – qu’on voit pendu au sein, on ait encore du mal à se détacher de la vision sexuelle et érotique de la poitrine des femmes, et qu’on en oublie sa fonction nourricière. Nourrir un enfant de 3 mois avec ses seins, ok, mais un enfant de 3 ans… OH-MY-GOD. Est-ce qu’à un moment donné le nichon de maman ne devrait pas redevenir celui du papa-mari-compagnon, et donc, celui d’une société toute entière qui sexualise systématiquement le corps des femmes?
Gros tabou
On l’a bien compris, l’allaitement dérange. C’est déjà tout un pataquès quand une star poste une photo d’elle allaitant (même discrètement) son bambin; et on ne compte plus les posts Facebook, Instagram, Twitter de femmes racontant leurs déboires d’allaitement en public.
Mais s’il est parfois déjà compliqué pour les femmes de nourrir leur tout petit bébé, quid des bébés plus grands? Faut-il (encore plus) se cacher pour donner le sein à son bambin d’un an ou deux?
Qu’on veuille le voir ou non, qu’on trouve ça choquant ou non, il faut se rendre à l’évidence: l’allaitement long existe AUSSI chez nous, petites occidentales. Et j’ai même un scoop: il n’est pas si rare. Je me suis aperçue au fil de mes lectures, rencontres et recherches, qu’en réalité, beaucoup de femmes allaitaient leurs enfants largement au-delà de ce qui est socialement acceptable. On ne dispose pas de chiffres précis du nombre de ces mamans allaitantes « tardives », mais ce qui est certain, c’est que c’est bien plus courant qu’on ne le pense. Surtout depuis quelques années où l’allaitement revient en force.
Oh puis j’ai un deuxième scoop: NON, les mamans qui allaitent longtemps leurs bambins ne sont pas toutes des hippies maternantes qui vivent dans une yourte. Elles peuvent être exactement comme cette femme en couverture du Time, ci-dessus… Si si! (La preuve: moi).
Alors peu importe qu’on soit choqué ou non, l’allaitement prolongé existe depuis la nuit des temps (après tout, le sevrage naturel aurait lieu entre 2 et 6 ans, ouais ouais…), et il existe encore. Envers et contre tout. Malgré les airs surpris, malgré les réflexions, malgré les mines choquées, malgré les « keuwouahhhh??? », malgré les recommandations des médecins, des pédo-psys, des psys, des copines et des belles-mères…
Alors, comme dirait Super Nanny qui, semblerait-il, ne dit pas que des conneries:
« Il n’y a pas de durée minimum pour allaiter, ni d’âge précis pour arrêter. Cela ne concerne que vous et votre bébé. »
… Comme pour tout le reste, en fait. Alors, et si on nous foutait un peu la paix?