Réaliser

S’y attendre. Espérer que ça n’arrive pas. Ne pas vouloir y croire.

Quitter Bruxelles pour trois jours. Allumer la radio. Entendre. Ne penser qu’à ça. Plutôt ne pas pouvoir penser à autre chose.

Retour sur Bruxelles, deux jours plus tard. Rentrer. Un voyage en train interminable. Lent. Le train est pourtant parti à l’heure. Il arrive à l’heure. Débarquement sur le quai. Retour à la maison.

Sortir. Devoir se rendre à un rendez-vous. Opter pour un petit sac, sans poches. Embarquement dans un pré-métro. Le premier choc a lieu en sous-sol. Les stations traversées tous les jours sont plongées dans le noir. Seul éclairage, la lueur faible des panneaux publicitaires et des distributeurs, suspendus dans le temps, oubliés là. Sentir les larmes perler au coin des yeux. Des quais déserts, des stations fantômes. Frissonner. Une première station, une seconde, une autre encore.

Arriver à la Gare du Midi. Annonce du chauffeur : « Mesdames et Messieurs, je voudrais vous demander une minute de silence pour les victimes des attaques de mardi ».

Silence.

Assister à une récupération religieuse. « N’oubliez pas qu’après la mort, le Seigneur… ». Ne plus écouter. Ne pas vouloir écouter.

Prendre sa correspondance. Un premier contrôle. Ouvrir sa veste. Ouvrir son sac. Ne pas pouvoir le vider. Un second contrôle. Un autre encore. Entrer dans une rame de métro. Passage inévitable par la Gare Centrale. Du kaki partout. Trop de kaki. Déboutonner sa veste et ouvrir son sac devient déjà un automatisme. Ne pas laisser ces gestes anodins devenir quotidiens. Normaux. Continuer le trajet en bus. Arriver à son rendez-vous.

Repartir. Trajet presque identique. Schuman. Passagers à la mine grave. Le bus démarre. Regard dans le vide. Réaliser, trop tard, son itinéraire. Rue de la Loi. Devant Maelbeek, détourner le regard, humide.

Rentrer, enfin. Ne penser qu’à ça. Plutôt ne pas pouvoir penser à autre chose.

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