Qui savait quoi quand? Comment El Bakraoui a-t-il pu rentrer librement de Turquie en Belgique?

Comment Ibrahim El Bakraoui, un des auteurs des attentats de Bruxelles, a-t-il pu rester libre alors qu’il avait violé les conditions de sa libération conditionnelle? Ce vendredi, les commissions Justice, Intérieur et Affaires étrangères ont tenu une réunion conjointe pour tenter de répondre à ces questions. Au menu, toute la chronologie liée aux frères El Bakraoui. Mais aussi un Jan Jambon (N-VA) qui explique être responsable mais pas coupable et un Koen Geens (CD&V) qui estime que les « choses ne sont pas si négatives ».

Cette semaine, on a découvert qu’Ibrahim El Bakraoui, le terroriste qui s’est fait exploser à l’aéroport de Bruxelles, avait été arrêté à la frontière syro-turque par la Turquie. Il a ensuite été renvoyé aux Pays-Bas par avion. Il a également fait de la prison entre 2010 et 2014 en Belgique pour des faits criminels. Il a obtenu une libération conditionnelle qu’il a violée mais n’est pas retourné en prison. Comment est-ce possible?

Koen Geens (CD&V) pour la Justice, Jan Jambon (N-VA) pour l’Intérieur et Didier Reynders (MR) pour les Affaires étrangères se sont exprimés lors d’une réunion conjointe ce vendredi début d’après-midi et ont tenté d’apporter des éléments de réponse.

Jan Jambon a pris la parole en premier. Il a retracé toute la chronologie de l’arrestation d’Ibrahim El Bakraoui à son renvoi aux Pays-Bas.

Ligne du temps depuis son arrestation en Turquie

Le 11 juin: El Bakraoui est arrêté à la frontière syro-turque

Le 26 juin: l’officier de liaison belge en Turquie est informé par la police turque de cette arrestation.

Le 29 juin: l’officier de liaison envoie l’information de l’arrestation au service de la police judiciaire qui s’occupe de la grande criminalité. Ce service fait savoir à l’officier de liaison qu’Ibrahim El Bakraoui a un passé judiciaire et demande le motif de son arrestation.

Le 14 juillet à 10h14: la Turquie envoie une note à l’ambassade belge pour l’informer qu’El Bakraoui va être mis dans un avion en direction des Pays-Bas. La Belgique reçoit également un fax plus tard qui confirme le renvoi par avion. Mais toujours pas de nouvelles à propos du motif de l’arrestation. Le lendemain, l’officier de liaison est informé qu’Ibrahim El Bakraoui aurait peut-être été arrêté pour une affaire en rapport avec le terrorisme. S’il veut en savoir plus, il doit rentrer une demande écrite.

Le 20 juillet: l’officier envoie une demande écrite. Quatre réunions vont avoir lieu dans les mois qui suivent mais aucune nouvelle information.

Une note électronique: inhabituel

Le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders (MR) commence par rappeler le contexte difficile dans lequel se déroulent les relations avec la Turquie. Il explique qu’une note électronique a été envoyée le 14 juillet par la Turquie à la Belgique et aux Pays-Bas pour dire qu’Ibrahim El Bakraoui avait été renvoyé. Mais le motif de ce renvoi n’est pas indiqué.

Normalement lorsque ce genre d’affaire se produit les pays se préviennent de manière directe et non à travers le site qui ne permet pas de voir l’urgence d’un message ni s’il a été lu.

« L’information a donc été communiquée de manière tout à fait inhabituelle » déclare Didier Reynders. Il ajoute que « notre ambassade n’a pas de connaissance d’un 2ème renvoi d’Ibrahim El Bakraoui en août 2015 » comme stipulé par la Turquie.

Il rappelle également que l’officier de liaison dépend du ministre de l’Intérieur.

Epa

L’officier de liaison, responsable?

Entre le 26 juin et le 20 juillet, l’officier n’a donc pas bougé le petit doigt. Pour Jan Jambon (N-VA), le fautif apparaît alors clairement: c’est l’officier de liaison. « Quelqu’un a été négligent, et n’a pas été suffisamment engagé dans un dossier où l’on sent qu’il s’agit de terrorisme. » déclare le ministre. Et cet officier dépend bien de l’Intérieur. C’est pour cette raison qu’il a présenté sa démission. « Je dois assumer mes responsabilités politiques mais ce n’est pas de la culpabilité » déclare Jan Jambon.

Il annonce proposer prochainement un projet de loi visant à instaurer une banque de données des combattants terroristes avec le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V). « Je ne me prononcerai pas sur tout ce qui est sorti dans la presse » prévient-il. Il attend les résultats de l’enquête du comité P. Mais en ce qui concerne la communication avec la Turquie des questions se posent.

Epa

Tous les deux ont violé leur liberté conditionnelle

Le ministre de la Justice Koen Geens (CDV&V) retrace l’histoire des frères El Bakraoui.

Ibrahim El Bakraoui a été condamné à 10 ans de prison. Il a introduit trois demandes de sortie et la 3ème a été acceptée par le tribunal d’application des peines à condition qu’il cherche un emploi et qu’il suive un accompagnement psychologique. Il a bien collaboré mais depuis le 19 mai 2015, l’assistant de la justice ne l’a plus vu. Des courriers ont été envoyés pour fixer des rendez-vous mais ils sont restés sans réponse. Le 21 août 2015, le tribunal d’application des peines est revenu sur sa libération conditionnelle et il a été signalé quelques jours plus tard en vue de procéder à son arrestation.

Khalid a lui aussi été placé en liberté conditionnelle par le tribunal de l’application des peines. Il avait purgé plus de 4/5 de sa peine. Une des conditions du tribunal était l’interdiction de contact avec ses anciens condisciples. Et il a été arrêté le 13 mai 2015 en compagnie d’un de ses anciens camarades pour circulation à contre-sens. Le procureur de Mons l’a arrêté mais le tribunal d’application des peines l’a relâché 3 jours plus tard car il respectait toutes les autres conditions. Depuis le 17 décembre 2015, il ne s’est plus présenté auprès de l’assistant de justice. La décision de libération conditionnelle a pris fin le 18 février 2016. Il est alors signalé sur le territoire en vue de son arrestation.

« Si tout le monde avait été parfait, un certain nombre de choses aurait pu être évitées »

Un mandat d’arrêt international visant Ibrahim El Bakraoui a été lancé en décembre 2015. Il n’avait plus été vu depuis le 19 mai 2015. « Nous avions la preuve que son frère était lié aux attentats de Paris et il aurait pu nous mener à lui » explique le ministre de la Justice.

Mais Geens considère que  » le signalement de ces messieurs s’est fait de manière ordonnée ». Il ajoute même que le comportement des autorités belges est « apprécié par de nombreux collègues et même envié ». Mais il ajoute tout de même que « si tout le monde avait été parfait, un certain nombre de choses aurait pu être évitées ».

Capture d’écran-RTBF
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