Quatrième journée consécutive de protestations massives au Maroc

Hier soir, il y a encore eu de grands rassemblements au Maroc suite à la mort d’un poissonnier. Pour la quatrième journée consécutive, les gens sont descendus dans les rues. Ce sont les plus grosses manifestations depuis le Printemps arabe de 2011.

Dans plusieurs villes du Maroc, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues pour manifester après la mort du poissonnier Mohcin Fikri.

Les protestations n’ont pas seulement eu lieu dans les rues, mais aussi sur les réseaux sociaux où les critiques n’ont pas cessé depuis la mort de Mohcin. La cible de ces critiques? Makhzen, un terme utilisé pour désigner la famille royale marocaine.

Montée de la protestation

Le poissonnier de Al Hoceima, agé de 31 ans, a trouvé la mort dans un camion à ordure vendredi soir. Fikri tentait de récupérer de la marchandises qu’il venait de se voir saisir. Quelqu’un a actionné le mécanisme de la benne et le jeune Marocain a été écrasé.

Les protestations, qui visent principalement l’abus de pouvoir du gouvernement et le traitement injuste réservé aux petites entreprises, ont commencé dans la ville d’Al Hoceima où l’évènement est survenu. Mais très vite, à Nador, Tétouan, Casablanca et à Rabat, les gens sont sortis dans les rues pour protester.

Les grands rassemblement de ce genre sont rares au Maroc. En 2011, les gens sont descendus dans la rue pour exiger des réformes. Suite à quoi, le roi avait cédé une partie de son pouvoir au gouvernement en place. Mais pour empêcher le retour des manifestations, des mesures de sécurité supplémentaires avaient été prises.

Révolution de jasmin

La mort de Fikri et les manifestations qui l’ont suivie présentent des similitudes avec ce qu’il s’est passé en Tunisie en 2011, la Révolution de jasmin. À l’époque des manifestations massives avaient eu lieu après qu’un vendeur de fruits et légumes s’était immolé par le feu. Le vendeur tunisien s’était fait aussi saisir une partie de sa marchandise par la police.

En ce qui concerne le poissonnier marocain, la police aurait saisi des espadons pêchés en dehors de la saison.

epa

Volontaire?

La question est de savoir si le mécanisme du camion poubelle s’est mis en route accidentellement ou si ce geste était volontaire. Les rumeurs disent qu’un officier de police aurait donné l’ordre de faire fonctionner le camion. On ne sait pas si Fikri avait acheté ses 500 kilos d’espadons dans les règles ou pas, une enquête est en cours. Normalement, à cette période de l’année, les espadons ne peuvent pas être pêchés, et c’est pour ça que la cargaison de Fikri aurait été saisie.

Les Marocains tiennent les autorités tout à fait responsables de la mort de Fikri. Selon eux, c’est le triste résultat d’un système de corruption et d’abus de pouvoir sur les petites entreprises comme celle de Fikri. Le chômage est très élevé au Maroc, et souvent les échoppes dans la rue sont le seul moyen pour encore obtenir un maigre revenu. Il s’agit bien souvent de quelques dizaines d’euros qui servent à payer le logement, la nourriture ou l’école pour les enfants.

Fikri prenait soin de 10 membres de sa famille avec son salaire. Avoir un licence pour ce genre de boulot est impayable pour beaucoup de personnes. Et soudoyer un agent pour pouvoir vendre dans la rue, est pour beaucoup le seul moyen de continuer à vendre dans la rue.

Retour au calme

Dans une tentative de calmer les esprits, le roi Mohammed a chargé le ministre de l’Intérieur d’aller rendre visite à la famille du vendeur. Le roi lui-même n’est pas au Maroc, il est en visite d’Etat en Tanzanie.

Les ministères de la Justice et l’Intérieur ont lancé une enquête sur la mort de Fikri. Également pour découvrir comment le mécanisme du camion poubelle a pu se mettre en route alors qu’il était encore à l’intérieur. Les gens qui sont dans la rue sont convaincus que c’était un acte délibéré et demandent justice.

Le Premier ministre Abdelilah Benkirane a appelé ses partisans à ne pas manifester. Ce qui a provoqué l’indignation de beaucoup de Marocains qui considèrent que Benkirane doit se prononcer sur les évènements de vendredi.

Les grandes manifestations comme celles que le Maroc vit maintenant, est un phénomène rare. Le roi Mohammed VI gouverne encore le pays avec une main de fer. En 2011, le Printemps arabe avait aussi un peu commencé au Maroc, mais il avait été vite réprimé par le gouvernement. Des réformes avaient même été mises en oeuvre pour freiner ce genre de rassemblement.

epa
Plus
Lire plus...