Quand Mischaël Modrikamen torpille le projet européen d’extrême droite de Steve Bannon

Steve Bannon, l’ex-conseiller politique de Donald Trump, a annoncé en juillet vouloir créer un nouveau groupe politique au sein du Parlement européen. « The Movement », son petit nom, rassemblerait sous sa bannière un cartel des partis d’extrême droite venus de toute l’Europe. Sauf que ce mouvement ne connait pas un grand succès. Et c’est surtout à cause de la crédibilité de l’homme qui a tendu la main à Bannon en Europe: Mischaël Modrikamen.

Steve Bannon est fasciné par l’Europe, « le centre du soulèvement populiste et nationaliste ». Pour cette figure de l’alt-right américaine, le Brexit préfigurait les élections américaines comme un signe avant-coureur. Il doit maintenant devenir un acte fondateur.

Steve Bannon a justement joué un rôle majeur dans ces élections présidentielles. En tant que directeur de campagne, c’est lui plus que personne qui a conduit Trump à la Maison-Blanche. Il est ensuite devenu son conseiller principal et l’un des plus grands contributeurs des idées de l’ancien magnat de l’immobilier.

Une bromance qui s’est arrêtée au mois d’août de l’année dernière. L’incompatibilité entre Steve Bannon et John Kelly, chef de cabinet de la Maison-Blanche, aura précipité le départ du premier suite aux violences de Charlottesville. Steve Bannon s’est donc replié sur son terrain, celui du site d’extrême droite Breitbart News, une plateforme d’informations qu’il dirigeait avant de devenir directeur de campagne.

Pas pour longtemps. En janvier dernier, ses propos dans le livre à charge de Michael Wolff Fire and Fury font polémique. Bannon y annonce qu’une réunion s’est tenue en juin 2016 entre Trump Jr, Jared Kushner et des interlocuteurs russes. Ces derniers leur promettaient des informations compromettantes sur Hillary Clinton. Une « trahison » et un acte « antipatriotique » pour Bannon. Trump a réagi en martelant que Bannon avait perdu la tête. Breitbart a réagi en faisant démissionner l’ex-conseiller.

« The Movement »

Bannon devait donc rebondir. Et c’est via l’Europe qu’il l’a fait. Son projet est de joindre les forces populistes européennes. Il veut pour cela créer un énorme bloc qui rassemblerait les partis d’extrême droite aux prochaines élections européennes. C’est dans ce but qu’il a créé The Movement.

Pour ce faire, il s’est fait aider par un homme politique belge. Mischaël Modrikamen, ancien avocat des actionnaires de Fortis durant la crise bancaire, qui est maintenant à la tête du Parti Populaire. MM a effectué tous les travaux préparatoires nécessaires à la création du mouvement. Il était présent aux réunions organisées à Londres en présence d’autres figures populistes.

Dans les grandes lignes, le but du mouvement est de recréer l’engouement autour de Donald Trump durant la campagne présidentielle et de le transposer sur un modèle européen. Avec le Brexit comme acte fondateur. Leurs mesures fortes pour l’Europe? Fermer les frontières, lutter pour la souveraineté nationale, contre l’Islam, et favoriser une approche « scientifique » des phénomènes climatiques qu’ils opposent à une vision dogmatique.

MM, snobé

Aux côtés de Steve Bannon et Mischaël Modrikamen, on peut citer aussi Laure Ferrari, une Française, compagne supposée de Nigel Farage, lui-même ancienne figure du parti eurosceptique Ukip. Bannon et Farage garderont contact. Voilà une jolie petite tablée enfin réunie.

Mais c’est bien Mischaël Modrikamen qui jouera le rôle le plus actif. Malgré les mauvais résultats du PP aux élections communales (zéro élu) et son manque de crédibilité, l’ancien avocat semble jouir encore d’un certain crédit auprès de Steve Bannon. Ce qui est loin d’être partagé par tous.

Le PVV, parti d’extrême droite néerlandais dirigé par Geerts Wilders, a annoncé hier qu’il ne coopérerait pas avec Bannon. L’explication est sans appel: « Bannon s’est entouré des mauvaises personnes. Au sein de The Mouvement, il y a des personnes avec qui nous ne voulons absolument pas travailler. C’est pourquoi nous nous distançons explicitement de The Movement« , a déclaré Marcel de Graaff sur NOS, le leader du PVV au Parlement européen.

Par le passé, Modrikamen a également tenté un rapprochement avec le Vlaams Belang. Le parti d’extrême droite flamand fait d’ailleurs partie du même groupe politique européen que le PVV. « Il a fait une série de déclarations politiques que nous ne soutenons absolument pas », a confirmé de Graaff de son côté.

Qui veut de ce mouvement?

Hier, Mischaël Modrikamen a officiellement annoncé la date de lancement du mouvement. Il devrait intervenir en janvier prochain. Le PVV ne sera pas au rendez-vous donc, pas plus que le Vlaams Belang. L’eurodéputé Gerolf Annemans n’a d’ailleurs pas hésité à parler de « Charlatan » ce mardi au micro de la VRT pour qualifier Mischaël Modrikamen. « Il parle en notre nom sans rien connaître. C’est intolérable ».

En fait, tout porte à croire que The Movement a du plomb dans l’aile. Marine Le Pen a répété au début du mois d’octobre que le salut de l’Europe viendrait des Européens eux-mêmes, et certainement pas d’un Américain. En Suède, le parti populiste montant « SD » ne semble pas intéressé non plus. Seul Salvini y a montré un certain intérêt. Tout soutien pour le nouvel homme fort du gouvernement italien est le bienvenu dans une Europe qui ne le voit pas d’un bon œil.

Et puis cela fait deux fois que Modrikamen et Bannon annoncent le lancement de leur mouvement. À la base, The Movement devait sortir de terre en septembre. Maintenant c’est en janvie, mais pour l’heure, The Movement fait du surplace au niveau politique.

Les deux hommes parlent d’ailleurs de moins en moins de ce grand bloc populiste. Bannon préfère partager ses « services » dans un premier temps. Des sondages d’opinion et de l’analyse de données à l’échelon européen principalement. Car si Bannon peut faire gagner des élections au VB et au PVV, ces partis seront bien sûr à l’écoute. Une oreille attentive dont ne bénéficiera jamais Mischaël Modrikamen.

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