Quand la Première ministre néo-zélandaise montre l’exemple à suivre pour sa gestion post-attentat

Un attentat divise toujours une société. Il stigmatise des groupes, chacun reprochant à l’autre de ne pas avoir dénoncé ou de faire preuve d’amalgames. Face à la tragédie, beaucoup de chefs d’État font preuve de fermeté en négligeant l’impact psychologique d’un tel acte sur la population. C’est tout le contraire de Jacinda Ardern, Première ministre néo-zélandaise.

Un attentat fait toujours beaucoup plus de victimes que les victimes directes. On l’a connu aussi en Belgique où la communauté musulmane s’est sentie mise à l’écart, rejetée, pas à sa place, suites aux attentats. Pour preuves, les chiffres communiqués par Le collectif contre l’islamophobie en Belgique et par Unia, le centre interfédéral pour l’égalité des chances: le premier rapporte qu’un acte islamophobe est signalé tous les deux jours chez nous. Le second a recensé 202 actes islamophobes en 2017 contre 261 en 2016, année de l’attentat à Bruxelles. Des chiffres bien en dessous d’une réalité qui ne s’exprime pas toujours par une plainte déposée.

Compassion

Les premiers mots d’un chef d’Etat sont on ne peut plus importants, pour les victimes d’abord, mais également pour renforcer la cohésion d’une population. Et en termes de gestion post-attentat, on peut difficilement faire mieux que la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern.

La réaction de la jeune cheffe de gouvernement de 38 ans fait l’unanimité, suite à l’attentat qui a fait 50 morts le 15 mars dernier. Entre fermeté et compassion. Elle a notamment pris des victimes dans ses bras, voilée de noir, dès le lendemain de l’attaque. Elle a également veillé à ne jamais nommer le tueur par son nom, préférant ceux des victimes et ne voulant pas lui donner trop d’importance.

Jacinda Ardern a aussi proposé des pistes concrètes pour éviter que cela se reproduise, comme le durcissement des lois sur les armes à feu. Les témoignages s’accumulent en Nouvelle-Zélande pour louer les mérites de cette cheffe de gouvernement, la plus jeune depuis 1856. Son discours, profondément humain, a fait le tour du monde. Son calme et sa personnalité humble ont permis de ressouder la population, sans angélisme.

Parcours atypique

Ce n’est pas la première fois que la cheffe des travaillistes se fait remarquer positivement. Elle avait par exemple étonné son monde en emmenant sa petite fille de trois mois à l’Assemblée générale des Nations unies, une première dans un des hémicycles les plus prestigieux du monde.

C’est aussi une ardente défenseure du droit des femmes et de l’égalité de traitement. Plusieurs remarques sexistes à son encontre lui reprochaient d’avoir eu un enfant alors qu’elle était déjà cheffe d’État. Elle n’y voyait aucun problème.

Fille de policier, éduquée dans la tradition mormone, elle a coupé le cordon en raison des positions homophobes de l’Église mormone de Nouvelle-Zélande. Issue d’un quartier pauvre et populaire, cette femme de gauche n’a pas oublié d’où elle vient, malgré sa réussite. Donné perdant à quelques mois des élections de 2017, elle a su redresser le parti travailliste et faire mentir les sondages. Son accession au pouvoir « est déjà entrée dans la légende », écrivait alors la presse. Celle qui était DJ avant d’entrer en politique assure aussi la prospérité de son pays, pas si évident dans cette région très reculée du pacifique, à l’ombre du voisin australien.

Sans défaut?

Unanimité? Non. Au sein même de son propre parti, on lui reproche d’être « presque communiste ». Son programme – réduire les coûts d’accès à l’université, favoriser l’accès aux logements des familles aux revenus faibles, légaliser l’avortement, mais aussi baisser les quotas migratoires – ne fait pas l’unanimité. Il est vrai que la Nouvelle-Zélande, à l’instar de l’Australie, a une politique très dure en termes de gestion migratoire, notamment en raison d’une crise du logement qui affectait les plus précarisés.

Côté opposition, on lui reprochait son manque d’expérience, sa méconnaissance des dossiers, un éditorialiste la qualifiant même de « Sarah Palin » de la Nouvelle-Zélande. Juste « un emballement médiatique », critiquaient alors ses opposants. « Une poussière d’étoile », rien de plus, entendait-on. Elle fait maintenant (presque) l’unanimité dans son pays.

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