Pourquoi la N-VA choisit une ligne dure quant au terrorisme et à la politique d’asile: « ce sont des moments cruciaux pour nous »

N-VA fait du forcing, au milieu de l’été. Pas sur les dossiers socio-économiques, mais bien du côté le plus « dur » du travail de la coalition: le terrorisme et la politique d’asile. Au sein du parti, un sentiment domine: l’idée qu’une approche soft de ces questions se paie cash. Et ça, la N-VA veut l’éviter à tout prix. Les partenaires de la coalition réagissent avec nervosité et CD&V comme Open Vld ont fait entendre leurs voix ce weekend. Côté francophone, c’est le calme plat. 

C’est les vacances mais pas pour ceux de la N-VA: leur président, Bart De Wever, est revenu à la charge le weekend dernier avec son ancienne proposition du « Patriot act »: plus de pouvoir aux autorités locales et aux bourgmestres, et à la Sûreté de l’état, afin de pouvoir rassembler de l’information et, surtout, lutter contre le terrorisme.

Le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Theo Francken (N-VA), vient de sortir les chiffres du nombre de criminels étrangers qu’il renvoie dans son propre pays: ce serait une année record. De plus en plus, les non-Belges ne purgent pas leur peine dans les prisons belges. La nouvelle n’a pas fait la Une de tous les journaux mais elle charrie bien le même message: la N-VA met en lumière sa ligne dure.

Ce qui a bien marché: la petite proposition de Van Peel

La parlementaire N-VA Valerie Van Peel a aussi apporté sa petite pierre à l’édifice – et a même atteint aux premières pages des journaux – avec une vieille proposition qui resurgit de temps à autre: le secret professionnel des employés des CPAS, syndicats, assurances maladie, ministères pourrait être levé en cas de suspicion de terrorisme. Cela deviendrait donc obligatoire, pour tous ces gens, dans leur fonction, de signaler toute suspicion de terrorisme. Les CPAS de Bruxelles ont régulièrement fait usage du secret professionnel pour, entre autres, ne pas partager d’informations avec le parquet fédéral.

Plus tôt, De Wever avait lancé toute une polémique autour d’Angela Merkel, la chancelière allemande, qui avait répété son « Wir Schaffen das ». Pour De Wever, Merkel, avec sa politique d’ouverture, a sa part de responsabilité dans la crise d’asile européenne.

C’est enfin l’été, et les partis de la coalition pourraient avoir envie de profiter de leurs vacances. Pour la première fois, ils pourraient même le faire avec un sentiment de conscience en paix: point de vue économique, les chiffres sont positifs à très positifs, pour la première fois depuis longtemps. Le chômage diminue, l’économie croît, les effets du Brexit restent limités. Le contrôle budgétaire et l’équilibre du budget à l’horizon 2018 restent lourds, mais atteignables.

epa

« Des moments cruciaux pour la N-VA »

Et tout de même, on est nerveux à la N-VA. L’offensive est lancée. C’est clair: la vague migratoire, en combinaison avec le sentiment d’insécurité que nourrit Daech, voilà une menace (électorale) de taille pour la N-VA. « Ce sont des moments cruciaux pour nous », dit un gros bonnet du parti. Dans ses tripes, la N-VA se dit que le Flamand moyen regarde avec des grands yeux la crise d’asile, se pose des grandes questions sur ces nouveaux arrivants et en deviendrait bien un peu nerveux.

Avoir une réponse trop soft, maintenant, cela ne ferait qu’augmenter la casse et perdre un peu plus de terrain face au Vlaams Belang. Au niveau de la menace terroriste, la N-VA veut absolument rester offensif. Cette approche de law and order peut aussi faire gagner des voix au centre, elle est en convaincue. Parce qu’il ne s’agit pas seulement de voix à droite: les électeurs les plus mesurés ont eux aussi le sentiment de vivre une époque d’incertitude.

Quoi qu’il en soit, ça ne plaît pas aux partenaires de la coalition CD&V et Open Vld. Le CD&V compte bien continuer à défendre une ligne à la Angela Merkel: une société ouverte qui accueille les gens qui en ont besoin. Mais le conflit au sujet de Merkel entre le CD&V et la N-VA, c’est exactement ce que De Wever et Co veulent: ils ne croient pas qu’il y ait des voix à gagner avec cette politique de « bras ouverts » vis-à-vis des demandeurs d’asile. Plus le CD&V défend Merkel, au mieux pour la N-VA. Voilà en tous cas sa position.

Côté francophone, cela reste plutôt calme. Le MR, seul parti francophone de la coalition, attend de voir les textes qui seront déposés en commission terrorisme pour en débattre concrètement. Et en attendant, il souligne que, après tout, les mesures existantes – implémentées aux deux tiers – sont déjà une forme de ‘Patriot Act’.

Du côté de l’opposition, John Crombez, le président du sp.a, a descendu sur RTL la proposition de De Wever: pour lui, le parti ne fait là que communiquer, et pas de la politique réelle.

Open Vld: « Après le Patriot Act, il y a eu le Freedom Act »

L’Open Vld a aussi achoppé sur le « Patriot Act » de De Wever. Celui-ci veut, pour lui-même aussi, comme bourgmestre d’Anvers, plus de pouvoir: de l’écoute téléphonique, des détentions préventives etc. Ce pouvoir pourrait être donné via un Patriot Act aux autorités locales. Avec plus de vingt mesures contre la terreur, le gouvernement n’est pas resté passif sur ce plan. Mais donc De Wever veut encore plus: après l’été, il compte bien appuyer sur le champignon.

La présidente de l’Open Vld, Gwendolyn Rutten, ne pouvait rien faire d’autre que réagir. La sémantique a ici un rôle. Le nom seul de la loi, celui des mesures que George W. Bush a adopté après le 11 septembre et qui a mené à toutes sortes d’abus et d’atteintes à la vie privée par la NSA, ça fait tiquer les libéraux.

Ce n’est pas par hasard que les États-Unis, plus récemment, ont introduit un « Freedom Act », pour réparer les dégâts du Patriot Act. « Une démocratie doit se tenir sur ses gardes, mais avec du respect pour la liberté et sans se renier. Celui qui propose de devoir choisir entre la sécurité ou la liberté, crée un faux dilemme. Une démocratie ne choisit pas l’un ou l’autre. Nous pouvons et nous voulons les deux. »

vrt

Geens: un post de blog pendant l’été

Au CD&V, le ministre de la Justice Koen Geens a pris de l’avance. Dans un post de blog, d’une plume académique, il donne son idée d’un tel Patriot Act. « Précisément parce que la justice est une question d’équilibre, un « ars aequi et boni », qui ne supporte aucun extrémisme, et pas non plus dans le combat du mal, il semble préférable d’éviter l’exagération et la polémique. Sous le slogan d’écouter les peurs des gens, on pourrait sans le vouloir attiser ces peurs. Si la peur est, pour la population, concrète et compréhensible, elle reste pour les membres du gouvernement une mauvaise conseillère. »

Au MR, « les 30 mesures anti-terrorisme et anti-radicalisme sont déjà en elles-mêmes une forme de  » ‘Patriot Act’ « 

Du côté du MR, on n’est pas opposé à débattre de nouvelles mesures, nous a-t-on précisé. Cependant, Denis Ducarme souligne que les trente mesures anti-terrorisme et anti-radicalisme sont déjà en elles-mêmes une forme de ‘Patriot Act’, et que deux tiers d’entre elles ont déjà été implémentées. Et le seul parti francophone de la majorité attend de voir en Commission terrorisme les textes qui pourraient être déposés afin d’en débattre concrètement.

Automne chaud garanti

Provisoirement, il n’y a encore rien de concret sur la table: le gouvernement est en vacances. L’été passé, c’est le CD&V qui s’agitait autour de la fiscalité et des défis socio-économiques. Mais cet été, il est question d’asile et de terrorisme: De Wever et Co comptent bien ne pas perdre cette guerre de la perception.

Tactiquement, ils ont une certitude au sein du gouvernement: le MR de Charles Michel est plutôt chatouilleux sur ces deux points. Seulement, là où il s’alignait sur l’approche la plus douce du CD&V, il s’adosse complètement à la politique de terrorisme et d’asile de la N-VA. Encore une raison pour les nationalistes flamands de chercher un peu moins le compromis. C’est un été chaud qui s’annonce et un automne intéressant du point de vue politique.

epa
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