Patrick Dupriez (Ecolo): « Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles »

« Tout ça pour ça »: Patrick Dupriez fait avec nous le bilan d’une année politique mouvementée. Crise de la gouvernance, changement de majorité en Wallonie, sortie du nucléaire… nous sommes revenus sur les grand thèmes qui ont marqué 2017. Avec de l’actualité chaude aussi, notamment la gestion de la politique migratoire par Theo Francken que le coprésident d’Ecolo qualifie « d’indécente et inefficace ». Le pire pour lui? Ceux qui ne réagissent pas: le MR d’abord, et la masse silencieuse qui s’en accommode.

Patrick Dupriez, si vous deviez définir cette année politique en une expression?

Si je dois choisir une expression, je dirais: « tout ça pour ça ». C’était une année très agitée politiquement, au niveau belge francophone, comme au niveau international. Mais dans beaucoup de cas, on peut s’interroger sur ce qui a résulté de cette agitation. Beaucoup d’énergie politique, beaucoup de débats, beaucoup de tension voire de combats entre acteurs politiques.

Et finalement pour quel résultat par rapport à la qualité de vie des hommes et des femmes de ce pays, par rapport à l’avenir des politiques internationales, aux grands enjeux qu’on a à relever ensemble? Le bilan ne me paraît pas spécialement réjouissant même si un peu partout sur le terrain, il y a des choses positives qui émergent.

Trop de guéguerres politiciennes?

Énormément. On l’a vu, singulièrement en Wallonie et à Bruxelles, avec cette crise de l’été où les gouvernements tombent ou ne tombent pas suite à de grandes discussions, sans qu’on ne sache très bien sur base de quel enjeu la crise a été déclenchée. Et puis il y a un nouveau gouvernement qui s’installe en Wallonie, mais en fait, on peine vraiment à voir quelle est la différence fondamentale entre les politiques qui sont menées aujourd’hui par rapport à celles qui étaient menées avant.

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Dans les affaires Publifin et du Samusocial: au-delà des fautes personnelles, n’est-ce pas la remise en cause de tout un système?

On ne peut pas considérer que ces affaires soient simplement le résultat de fautes personnelles de l’un ou l’autre individu. Bien sûr qu’il y a des gens qui se comportent de façon inadmissible, qui font des erreurs, qui parfois commettent des délits totalement inacceptables. Mais si cela a été rendu possible dans les deux cas, c’est parce qu’il y avait un système. Et ce système, ce n’est même pas qu’il dysfonctionne, c’est justement qu’il fonctionne comme ça. Il fonctionne par un système de répartition du pouvoir où on achète un peu le silence des uns en donnant des rétributions, des avantages qui sont totalement excessifs. Et cette façon d’exercer le pouvoir est un problème parce qu’elle détourne l’ensemble des institutions de l’intérêt général.

Dans Publifin, c’était évident. Quelques personnes avaient un pouvoir absolu pour créer des sociétés, toute une nébuleuse dans l’opacité, et finalement, il n’y a plus de contrôle. Et donc au-delà de ce que chacun fait ou ne fait pas, il y a vraiment un enjeu démocratique qui est important.

Particulièrement en vue des élections qui arrivent…

Partout où on se trouve dans les institutions publiques, dans le fonctionnement de la démocratie, il faut des contre-pouvoirs. Il y a des gens qui ont des responsabilités, qui les exercent plus ou moins bien, mais il faut à chaque fois qu’il y ait ce qu’on appelle une opposition, des gens qui sont prêts à mettre le doigt là où ça fait mal, pas parce qu’il faut toujours être négatifs, mais parce que ce contrôle est important pour éviter les dérives ou le fonctionnement d’un système comme celui de Publifin ou du Samusocial.

Mais pour l’heure, c’est toute la classe politique qui est pointée du doigt, comment sortir de cette impasse?

Ça accroît la méfiance des citoyens à l’égard de la politique, c’est clair, mais aussi la défiance. On entend de plus en plus de citoyens qui ne croient plus que l’action politique peut changer les choses. C’est très inquiétant. Alors pas pour nous, même si c’est parfois désagréable pour celles et ceux qui s’engagent avec générosité, avec un idéal, etc. Mais c’est surtout inquiétant pour la démocratie. Car si nous ne croyons plus, et j’y inclus les citoyens, que l’on puisse changer les choses, que l’on puisse améliorer les choses en s’engageant, en exerçant des responsabilités dans tel ou tel espace, un conseil communal, un parlement, un conseil d’administration, si on n’y croit plus, comment est-ce qu’on fait?

Bien sûr, chacun peut agir individuellement, mais il y a aussi des défis qu’on doit relever ensemble. Et pour qu’on puisse le faire, il faut de la confiance. Et donc des scandales comme les affaires Publifin et le Samusocial, c’est à la fois bien et sain au sens où on va modifier les choses, parce qu’on a révélé des dysfonctionnements majeurs, mais c’est aussi désastreux par rapport à la confiance que nous pouvons avoir vis-à-vis du monde politique de manière générale.

Avec une responsabilité particulière pour le Parti socialiste?

Oui, mais pas exclusive. Oui parce que le Parti socialiste est dominant en Wallonie, à Bruxelles aussi, et depuis longtemps. Et donc, je répète, si on veut éviter des dérives et des scandales, il faut un contre-pouvoir. Quand on a un parti extrêmement dominant, il se comporte en dominant, il se comporte en plaçant ses gens, en attribuant des fonctions, des mandats, parfois aussi des emplois pour des raisons qui sont aristocratiques, politicienne et pas en fonction des compétences…

… mais pour service rendu

Pour service rendu, et ça, c’est le dysfonctionnement du système ou plutôt c’est le fonctionnement du système qui aboutit à du pire. Le Parti socialiste est le champion de cette manière de fonctionner dans notre région (Wallonie, ndlr). Mais il est le champion d’abord parce qu’il est le plus fort. Parce que quand on regarde le MR et le cdH, les deux autres partis traditionnels, ils ne se comportent pas vraiment différemment. Ils ont simplement un peu moins l’occasion d’occuper l’espace politique. Et donc c’est vraiment cette manière de faire de la politique, cette manière d’exercer le pouvoir qu’il faut changer.

Ces deux affaires ont mené à un changement de majorité en Wallonie, pourquoi Ecolo a décidé de ne pas y aller?

Vous dites que les deux affaires ont mené à un changement de majorité. Est-ce que c’est vraiment ça? Bon, à un moment, le cdH a dit: ‘on veut changer’. Je crois plutôt que c’est un enjeu du cdH lui-même qui a fait qu’il y ait eu du changement. Le cdH est un parti vieillissant, un parti qui peine aujourd’hui à voir quel est son avenir et qui s’est dit: ‘Il faut qu’on change quelque chose pour sauver notre peau’. Parce qu’au final, dans l’affaire Publifin par exemple, le cdH est aussi impliqué que le PS. Alors moi, je n’ai pas envie de dire ‘tous pourris’ ou quoi que ce soit du genre, mais en tout cas, je ne suis pas convaincu que ce qui s’est passé, ce changement de gouvernement, ça soit la réponse au scandale Publifin.

Mais donc on nous a dit: il y a tellement de scandales que l’on doit changer la manière de faire de la politique, changer la gouvernance, remettre de l’étique… Nous sommes prêts évidement et on le fait sans arrêt. Alors on a commencé à négocier en disant ok, à un an des prochaines élections, avec un pouvoir limité – puisqu’Ecolo aujourd’hui c’est seulement quatre députés au Parlement de Wallonie, il faut se rendre compte de ça – on a dit: ‘C’est pas grave, on veut bien continuer, mais nous n’entrerons dans un gouvernement que si, vraiment, il y a un accord fort pour dire on change les pratiques politiques, on refonde la démocratie pour créer plus de confiance et plus d’efficacité’. Au final, nous n’avons pas obtenu ce changement de système auquel nous aspirions et nous avons dit: ‘Écoutez, dans ces conditions-là, faites votre gouvernement maintenant, nous, on attendra les prochaines élections en espérant les gagner et avoir un meilleur rapport de force pour changer les choses’.

Ce nouveau gouvernement ne jure que par la transparence pourtant, à tort?

Il y a des avancées. Il faut les saluer. Dont par exemple le fait que le nouveau gouvernement ait annoncé que tous les subsides accordés, toutes les aides à l’emploi, seront transparents. C’est une bonne nouvelle (…). Maintenant, ce qui fonde l’action politique d’un gouvernement, ce n’est pas seulement de régler le fonctionnement du moteur, mais c’est quel horizon. Où va-t-on? Il faut que la voiture fonctionne, mais il faut aussi définir la destination. Et là pour l’instant, transparence ou pas transparence, par rapport aux grands enjeux de notre région, c’est la continuité. On a de grands discours sur le changement climatique, mais pas de décisions qui nous permettent de penser que la Wallonie va dans une autre direction. On a de grands discours sur le redéploiement économique, mais en fait, on n’a pas l’impression qu’il y a quoi que ce soit qui ait changé par rapport à avant.

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Au niveau fédéral, un grand dossier a marqué cette année: c’est la gestion de la politique migratoire de Theo Francken. Comment la qualifieriez-vous?

Alors je vais d’abord préciser: par Theo Francken ET l’ensemble du gouvernement. Theo Francken est le champion de la petite phrase, il est très médiatisé pour son action, mais peut-être aussi pour sa communication qui a des effets délétères en termes d’image politique. Mais c’est l’ensemble du gouvernement qui endosse une politique que je qualifierais d’indécente et inefficace.

Indécente parce qu’elle méprise la personne humaine. Quand on a ici, à Bruxelles, des hommes, des femmes et des enfants qui dorment dans la rue, dans un parc, en plein hiver, et que ce sont des citoyens qui s’occupent de les héberger, mais que le gouvernement dit: « Non, ils sont illégaux, donc on peut les laisser dans le froid ». Quand on a un gouvernement qui considère que la fermeture des frontières est la seule réponse aux flux migratoires, alors qu’on les laisse en fait aux mains des passeurs, des gens qui en font un business, de ceux qui gagnent du pognon en faisait courir des risques à ces personnes (…), eh bien c’est un gouvernement qui, en plus de mépriser la personne humaine, met en place une politique inefficace (…). Ça ne marche pas. Jamais ces politiques n’ont enrayé ces flux migratoires. Parce que les gens qui fuient les guerres, dont nous sommes parfois coresponsables, les gens qui fuient la sécheresse et les changements climatiques, dont nous sommes aussi coresponsables, ils cherchent un avenir meilleur et ils vont arriver. Ils vont de toute façon arriver, quels que soient les barbelés que l’on met.

Mais quelles sont les solutions alors?

Il faut des politiques qui permettent aux gens de se déplacer dans de bonnes conditions, dans les deux sens, mais de façon organisée. Sinon ceux qui ont le pouvoir, ce sont les criminels.

Mais comment éviter un nouveau Calais en Belgique? Un argument que Theo Francken utilise souvent…

Comme souvent, il agite des slogans qui sont très peu étayés par les faits. Il parle des migrants. De façon générale. Sans se rappeler que ce sont d’abord des femmes, des enfants et des hommes, et que chacun d’entre eux est dans une situation différente. Alors oui, il y a un tas de gens qui veulent aller en Angleterre parce que c’est ce qu’on leur a vendu quand ils ont quitté leur pays. On leur a dit: ‘En Angleterre vous aurez une vie meilleure, allez-y », donc ils partent, mais ils ne savent rien de rien bien souvent. Ils ne savent pas comment ça se passe, ils ne connaissent pas leur droit. Donc la première chose à faire quand des gens arrivent ici, c’est de les informer. D’abord leur donner un toit, et puis de les informer: voilà vos droits, voilà vos possibilités, voilà ce à quoi vous n’aurez jamais droit, ici ou ailleurs.

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Comment pouvez-vous faire des choix quand vous avez traversé pendant des semaines des situations terribles, parfois en fuyant la guerre, la torture, etc. et que vous n’avez aucune information et que vous dormez dans un parc? Accueillons les gens convenablement, expliquons-leur, et après on verra. On voit que quand ce travail est fait, et des ONG le font, certains disent ‘ok, je vais continuer mon rêve d’Angleterre’, d’autres demandent l’asile ici, et d’autres encore acceptent l’idée qu’en fait, il n’y a pas vraiment d’avenir ici et sont prêts à retourner chez eux. Mais pour ça, il faut accueillir pour ce qu’ils sont, et ce gouvernement ne le fait pas.

Alors au sujet de Calais. La situation qu’on a aujourd’hui au parc Maximilien est un tout petit Calais. Mais c’est simplement parce que le gouvernement ne prend pas ses responsabilités. Qui peut croire qu’un pays comme la Belgique, un pays riche, a un problème à accueillir dignement 200 à 300 personnes? C’est parce qu’il n’y a pas de structure d’accueil correcte que l’on se retrouve dans une situation pareille avec des gens qui campent dans un parc.

Avec une plateforme citoyenne qui se substitue à l’État…

En effet, là il y a des citoyens qui se substituent à l’État, ce qui est à la fois extraordinaire de générosité et de sens de la solidarité, et en même tant effrayant de se dire qu’un État comme la Belgique n’est pas capable d’exercer une de ses missions fondamentales et que ce sont des citoyens qui doivent suppléer un gouvernement.

Avec le recul, est-ce que la caricature de Theo Francken en uniforme nazi réalisée par Ecolo J était pertinente?

Deux choses: d’abord c’est toujours très délicat de faire des caricatures qui font référence à la Deuxième Guerre mondiale, c’est très chargé de plein de choses (…). C’est très délicat pour des tas de personnes qui ont connu la guerre et qui peuvent se sentir mal en voyant cette caricature, en disant qu’on exagère, etc.

En même temps, je pense qu’Ecolo J a raison. Il y a aujourd’hui une dérive dans le discours, et parfois dans l’action, de Theo Francken et d’autres, en Belgique et dans d’autres pays, qui chemine vers le fascisme. Je ne dis pas vers la Shoah, les massacres ou vers la guerre, mais vers le fascisme compris comme déni, comme indifférence à la personne humaine, dès qu’elle est considérée comme étrangère, migrante, musulmane. C’est extrêmement dangereux, car le fascisme, il n’arrive pas en un jour, paf, comme ça, d’un jour à l’autre. La guerre, elle n’arrive pas un jour, pouf, ça commence. C’est cette lente érosion des valeurs qui fait que, progressivement, on enlève aux gens leur humanité, et ça commence aujourd’hui avec ce qu’il se passe. Un jour on se réveille en se retournant en arrière et on se dit, comme ça a été le cas en 45, ‘bon sang, comment avons-nous laissé faire ça?’. Il y a toujours cette phrase de Max Frisch: « Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles ». Et donc à un moment donné, ce sont nos pantoufles bien à l’aise, qui regardent tout doucement les choses empirer. Donc voilà, Francken n’est par l’armée allemande de 40, mais son discours prépare ce type de pensée et ça, c’est très inquiétant.

EPA

Restons sur le gouvernement fédéral. Souvent, il se félicite de ses réformes économiques. Mais est-ce que les jeunes ne sont pas les oubliés dans cette histoire?

Je trouve ça très inquiétant. On a un peu l’impression d’une génération sacrifiée. Alors, elle est sacrifiée d’abord parce qu’il y a une précarisation des jeunes: le nombre d’étudiants inscrits au CPAS, le nombre de jeunes au CPAS sans emploi, parfois sans rien, parfois des jeunes qui avaient quitté leur famille pour revenir chez leurs parents vu les difficultés d’accès au marché du travail, c’est en soi extrêmement inquiétant et difficile à vivre pour de nombreux jeunes.

Au-delà régression sociale, il y a aussi un vide de sens. Qui peut croire aujourd’hui que demain va être meilleur? Beaucoup de jeunes ont cette impression que demain sera pire qu’aujourd’hui, que l’on est confronté à de grands défis de justice sociale, mais aussi de justice environnementale, de problématiques de climat, de biodiversité, qui ne sont pas pris en compte. Et ces jeunes se rendent mieux compte que leurs aînés qu’il s’agit du défi de ce siècle. Comment va-t-on continuer à vivre correctement sur cette planète alors que ce défi n’est pas pris en compte par la politique? Ce sont les jeunes d’aujourd’hui qui vont payer les pots cassés d’hier.

Donc aujourd’hui, le message qui est donné aux jeunes, c’est souvent ‘attendez de voir, débrouillez-vous’ et puis vous allez devoir subir le reste. C’est désastreux parce que c’est tout le contraire qu’il faudrait faire. Ce monde, le monde du XXIe siècle, c’est vous, les jeunes, qui allez devoir l’inventer, avec vos valeurs, votre culture, avec votre créativité, avec un potentiel qui est là. Et donc, déployez-les! Il y a des choses concrètes à mettre en place par rapport à ça et si je dois en retenir une qui fait le lien entre les politiques sociales et les jeunes, et que nous avons déposé cette année-ci, c’est l’idée qu’il faut permettre aux jeunes d’essayer. Aujourd’hui, c’est dur de trouver un boulot. Et si on en trouve un, on s’y accroche, parce que si on le quitte on a droit à rien. Nous pensons qu’un jeune qui a un boulot, si à un moment donné ça ne va pas, qu’il ne trouve pas de sens, que les conditions sont mauvaises ou simplement qu’il a envie de faire autre chose, eh bien il doit avoir la possibilité de dire ‘j’arrête’, tout en conservant son droit au chômage. Il sera remplacé par quelqu’un d’autre, donc ça ne coûtera pas plus cher à la société, mais il va pouvoir rebondir et faire autre chose.

Sur les questions environnementales, tout le monde semble reprendre les idées d’Ecolo à son compte. Est-ce que le parti Ecolo a encore un sens finalement?

Plus que jamais. Alors il y a un côté positif de voir qu’aujourd’hui, dans tous les partis, et plus largement dans la société, il y a enfin une vraie prise de conscience de l’enjeu écologique et du fait que les grandes questions politiques de ce siècle seront de toute manière liées à l’écologie, au lien entre les activités humaines et la planète et la nature. Donc c’est bien que la prise de conscience progresse. C’est vrai que l »on voit aussi tous les partis mettre une petite gommette verte, on rebaptise le socialisme écosocialisme, très bien. On a un ministre libéral qui dit ‘je suis environnementaliste’, très bien. On a le cdH dont on a l’impression que le programme politique est un copié-collé du nôtre, fort bien. Mais on parlait au début de l’interview de confiance des citoyens à l’égard des politiques. Tout ça fait pire que mieux si toutes les intentions ne sont pas suivies d’actes. Or aujourd’hui, on reste profondément dans l’incohérence. Il y a de grands discours sur le changement climatique, et puis la réalité.

La réalité, c’est qu’il y a moins d’argent pour les trains, moins d’argent pour les bus, qu’on subventionne les embouteillages, qu’on est prêt en Wallonie à investir sur de nouveaux tronçons autoroutiers. Eh les gars, il y a un problème de cohérence! L’environnement ce n’est pas seulement discourir et mettre des étiquettes. C’est à un moment agir et oser faire des choix qui ne sont pas toujours faciles parce qu’on va devoir changer notre société en profondeur. Ça veut dire qu’on ne va pas traiter l’environnement à côté, mais que l’on doit intégrer la question écologique dans toutes les politiques, avec bien en tête l’idée que le monde dans 20 ans, celui des jeunes, sera très différent de celui d’aujourd’hui. Donc ajouter un chapitre ‘environnement’ a un programme politique, ça ne changera rien. Il est temps de passer du discours aux actes.

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Avec un dossier brûlant en fin d’année, celui de la sortie du nucléaire d’ici 2025…

Ce qui est certain, c’est que plus on attend, plus c’est difficile. On voit que la Belgique a voté une loi de la sortie du nucléaire en 2003. On est en 2017. Depuis 2003, on a attendu, on a hésité, on est revenu en arrière, on a dit ‘oui peut-être qu’on va le faire, peut-être qu’on va prolonger les centrales’. Mais en fait, si on ne prend pas de décision claire, les investisseurs alternatifs, ceux qui sont prêts à investir dans les énergies renouvelables, ils attendent. Puisque le signal politique n’est pas assez clair.

Donc il faut décider vite pour que ça soit possible. Et c’est possible, ça on le sait que c’est possible. Elia, qui est la société qui gère le réseau électrique belge, a sorti tout récemment une étude, très détaillée, très chiffrées qui dit voilà ‘il y a plusieurs scénarios, mais on peut sortir du nucléaire’. Mais pour qu’on puisse le faire, il faut très très vite le confirmer, et commencer les investissements dans l’énergie alternative, et donc de nouveau c’est une question de choix politique. Qui fâche-t-on? Qui sont les lobbies derrière la N-VA ou certains au MR qui disent ‘non, non, il faut continuer avec le nucléaire’? En fait, ça rapporte beaucoup d’argent à des grosses sociétés le nucléaire. Voilà la vérité.

C’est aussi une vision du monde, ce n’est pas seulement: ‘comment produisons-nous l’énergie’, c’est une vision du monde par rapport à l’économie. Veut-on que quelques très grosses sociétés produisent l’essentiel de l’électricité ou est-ce qu’on veut un monde où plein de petits acteurs, de PME, de coopératives, de citoyens, produisent aussi de l’énergie et participent au développement économique? Tout en gardant les revenus sur notre territoire. Ce sont deux visions politiques différentes, mais ce qui est certain, c’est que certaines personnes, à la N-VA sûrement et au MR peut-être, se disent que si on retarde la sortie du nucléaire, ça sera devenu impossible de sortir du nucléaire, on sera obligé de prolonger.

Une contre-critique, émise par Charles Michel, pointait le manque de prévision au moment du dossier sur les panneaux photovoltaïques. Une critique récurrente contre Ecolo…

C’est à chaque fois ce que tout le monde ressort parce que les adversaires d’Ecolo savent que ça nous fait mal. De façon injuste d’ailleurs, parce qu’il faut toujours le rappeler, on avait un système de soutien au renouvelable qui était maîtrisé, qui anticipait correctement les choses pour développer la filière. Mais à un moment donné, certains, en l’occurrence dans un gouvernement sans Ecolo, ont dit ‘ah, nous allons faire du marketing, et booster le soutien au photovoltaïque » (…). Cela a mené à ce que cela coûte très cher à la société, en faveur de ceux qui avaient décidé d’installer des panneaux.

C’était une mauvaise gestion, qui n’est pas écologiste, mais que l’on nous a attribuée. Il ne faut plus faire ça. Il faut évidemment soutenir les choses de façon cohérente. Mais rappelons-nous que par kilowattheure, quand on est dans le renouvelable, on a quatre fois plus d’emplois créés, que quand on est dans le fossile, le pétrole, le charbon ou le nucléaire. Donc même quand parfois ça coûte un peu plus cher à l’investissement, c’est beaucoup plus intéressant pour notre économie, beaucoup plus intéressant pour notre environnement, et à terme, dans dix ou quinze ans, quand l’investissement est amorti, c’est gratos le soleil, c’est gratos le vent, c’est gratuit la biomasse ou la géothermie! Donc il faut oser investir aujourd’hui pour avoir vraiment une société beaucoup plus autonome demain.

2018 et 2019, sont deux années électorales, quels sont les objectifs d’Ecolo?

Je souhaite d’abord que soit l’occasion de vrais moments démocratiques. Ça veut dire des débats démocratiques. Quelle société veut-on? Quel choix fait-on? Comment on avance dans cette direction? Mais aussi de la participation. Si on veut, en 2018, des communes qui avancent, eh bien il faut des citoyens qui s’engagent. Des hommes et des femmes qui disent ‘je suis prêt à y aller’. Avec Ecolo, dans le meilleur des cas, mais aussi avec d’autres, sur des listes d’autres partis, sur des listes citoyennes (…). ‘Je ne vais pas seulement râler contre tous ces politiciens qui ne font pas correctement le travail, je vais y aller’, on a besoin de citoyens qui s’engagent et de mandataires qui se renouvellent. On a besoin de jeunes qui s’engagent. De femmes qui s’engagent davantage, des gens de toutes origines. Et qu’à un moment donné, le bourgmestre qui est là depuis 45 ans, bon sang, qu’il soit bon ou mauvais, qu’il laisse la place aux autres.

Après, c’est vrai que j’aimerais qu’il y ait plus d’élus écologistes, dans les communes et dans les futurs gouvernements, parce qu’il est temps de passer du discours aux actes. Pour plus de justice sociale et pour réconcilier nos activités avec la nature.

Avec une alliance de la gauche avec le PS et le PTB?

À cette heure-ci, toutes les alliances sont possibles. On nous pose toujours la question, mais la question c’est: est-il possible d’avoir une alliance politique sur les enjeux écologistes qui sont au cœur du XXIe siècle? Donc moi, je suis toujours embêté qu’on me demande à chaque fois la même chose. Moi je préfère dire à d’autres partis, en tant que coprésident d’Ecolo: ‘Est-ce que vous êtes prêts à faire des alliances, des compromis avec les écologistes, pour amener la société vers plus de respect de l’environnement et plus de justice sociale?’. Et donc le pivot pour moi, le cœur de l’action politique, ça doit être l’écologie politique. Et on verra bien qui est prêt à nous rejoindre là dessus.

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