Plus de chiffres dans le rouge et un joli budget tout beau tout propre. Pour les quatre partenaires du gouvernement Michel, c’était depuis le début un gros objectif, un symbole de rupture avec le passé. Mais bon, tout indique que l’équilibre budgétaire est encore un gros bazar dont il va falloir s’occuper (ou pas). Un tour d’horizon des différents partis a montré qu’aucun partenaire de la coalition n’y était vraiment attaché… Seulement: qui sera le premier à le dire tout haut? Au CD&V, à la N-VA et à l’Open Vld, personne encore…
« Ce n’est pas la première chose qu’on va résoudre, ce fameux ‘équilibre’. Ha, non, ça, on n’est pas si fou quand même. Mais ok, tout le monde sait que ce n’est pas le meilleur moment pour épargner à fond, maintenant que l’économie tourne de nouveau. Seulement, tout le monde se rejète la balle et personne ne veut l’avouer. Attendez qu’ils se rassemblent tous dans leur château et qu’ils réalisent ça tout à coup », a dit un vieux de la vieille du parti chrétien flamand en riant.
Ça définit plus ou moins l’ambiance qu’il règne Rue de la Loi pour le moment. La coalition suédoise, le premier gouvernement de centre droit (dont on se souvient encore…) est aujourd’hui face à un tournant décisif. Encore deux bonnes années à tirer et on le sait, le parcours jusqu’ici n’a pas toujours été au top du top. Entre les problèmes qu’a rencontré la réforme économique et les petites querelles de cabinet, ça n’a pas toujours été la joie!
Mais bon, en fin de compte, au bout du tunnel, on dirait qu’il y a quand même bien de la lumière. Parce que niveau économique, c’est pas mal. Il y a même vraiment de l’emploi maintenant, et ça, c’est ce que le gouvernement avait toujours promis. Bon, le seul inconvénient, c’est quand même l’inflation, causée en grande partie par le gouvernement lui-même quand il a tout d’un coup décidé d’augmenter la TVA sur l’électricité.
Trois axes pour le Premier: les chiffres, la réforme socio-économique et l’impôt sur les sociétés
Les négociations budgétaires, qui ont commencé pour les quatre partis du gouvernement, sont vraiment cruciales: comment vont-ils s’entendre et mener tout ça à bien? Parce que les choix qu’ils vont faire prochainement vont être essentiel dans le rapport final de ce gouvernement. La semaine dernière, le Premier ministre a pris ses principaux ministres en quatre yeux, et vendredi tout le monde était déjà au boulot et bossait sur les chiffres.
Le Premier travaille donc sur trois grands axes: les chiffres, la réforme socio-économique et la réforme de l’impôt sur les sociétés. Ces thèmes sont traités chacun séparément. Une grosse séance plénière n’a pas encore été prévue, mais ça, ça vient toujours quand Charles Michel sentira que tout le monde est prêt. La semaine dernière c’était plutôt une semaine très technique. Mais il y a un bon esprit et une bonne attitude dans le travail. « Tout le monde est revenu relativement frais de vacances. Pas non plus de dispute pendant les semaines d’été cette fois-ci. La dernière conférence de presse conjointe qui a eu lieu au Val Duchesse, où tout le monde avait dépeint la bonne gouvernance, était la meilleure manière de clôturer les choses », a déclaré une source gouvernementale.
L’équilibre du budget, c’est vraiment le gros point noir de ces négociations: le gouvernement y tient, mais bon on verra avec quel timing? Dans les plans, 2018 a toujours été un objectif. Mais si le gouvernement veut se tenir à ce délais-là, va falloir qu’il se bouge à fond: 2,4 millard l’année prochaine, plus de 8 millards s’il veut être dans le vert pour 2018. Et il y a en fait deux options pour atteindre ces chiffres: de grosses économies et/ou des taxes supplémentaires. Et les deux auront un impact négatif sur la croissance économique et sur la création d’emplois. Donc, jusqu’où ira-t-on, ça c’est la question.
Pour la N-VA: une croissance économique, une baisse des impôts et un budget à l’équilibre, ce n’est pas possible
Tout le monde a les yeux rivés sur le plus gros parti de la coalition, la N-VA. Ce parti qui a toujours dit qu’il voulait mettre de l’ordre dans le pays. Un budget à l’équilibre, c’est super important autant au niveau de la communication qu’au niveau symbolique. Seulement la N-VA est aussi en train de gérer, enfin, est surtout très impliquée dans la crise migratoire avec Theo Francken (N-VA), dans la sécurité, avec Jan Jambon (N-VA) et aussi au niveau de l’armée avec Steven Vandeput (N-VA). Surtout que la crise migratoire et la terrorisme ont occasionné des coûts qui n’étaient pas prévus. Et tous les trois ne sont en tout cas pas prêts à fermer le robinet pour les matières qui les concernent.
Pour la N-VA trois choses sont interdépendantes: garder une croissance économique, avoir les impôts sous contrôle et avoir le budget en équilibre. « Notre analyse est que ces trois choses sont réalisables d’ici 2018. Et s’il faut en laisser tomber une, ce sera d’office la troisième » dixit un membre haut placé du parti. « Monsieur tout le monde est bien plus préoccupé par son travail ou par les impôts qu’il devra payer plutôt que par un concept abstrait qu’est ‘l’équilibre budgétaire’ « .
Seulement, tout le monde sait très bien que communiquer et mettre ça sur le tapis, c’est toujours quelque chose de crucial. Parce que rappelons-nous que par le passé, la N-VA est souvent sortie à ce sujet. Les comptes qui « tombent juste », étaient vraiment essentiels pour elle. Surtout qu’à l’époque, Johan Van Overtveldt (N-VA), quand il était encore rédacteur en chef du Trends, avait défoncé le gouvernement précédent et il pourrait recevoir un retour de flamme plutôt douloureux. Il faudra donc que la N-VA réfléchisse bien pour gérer tout ça.
Et ce dernier aspect, énoncé pour la N-VA, vaut aussi pour le CD&V. Au sein du parti chrétien, on se sent responsable de l’équilibre budgétaire depuis la campagne électorale de 2014. Lors des derniers contrôles budgétaires, ça a toujours été comme ça: la N-VA veut faire plus d’économies et le CV&V met des nouvelles taxes sur la table. La N-VA a sa fameuse « liste blanche » sur laquelle il y aurait plein d’économies potentielles à réaliser (même si personne au sein de la coalition n’a jamais vraiment vu cette liste) et le CD&V a aussi sa propre liste avec son stock de taxes éventuelles.
La baisse de l’impôt sur les sociétés, ça va d’office arriver. Mais qu’est-ce que le CD&V voudra à la place?
Bon, la question devait être abordée de toute façon: la baisse de l’impôt sur les sociétés, ça devait arriver. Le Premier ministre lui-même considère ce volet comme un des trois piliers des négociations, mais qu’est-ce que le CD&V met sur la table à la place? « De nouveau des bêtises comme l’augmentation de la TVA sur l’électricité, ça on ne va quand même pas le faire cette fois si? », c’est ce qu’on pense côté Open Vld. Du côté des libéraux flamands, on ne va pas entendre de si tôt qu’ils laisseront tomber l’équilibre. « La dette reste énorme et les taux d’intérêt son historiquement bas. Mais dès que ces taux grimperont de nouveau, et que la dette suivra, alors il y aura un problème. Nous avons besoin de tout prendre en compte, tout comme le vieillissement », explique haut membre du parti libérale flamand.
« L’idée de devoir ‘choisir’ entre ce trio d’équilibre, de croissance économique et plus d’impôts, c’est un non-sens économique. SI la croissance est de 2 %, alors il n’y a plus de problème pour les deux autres domaines. Seulement, ce n’est pas comme ça que ça se passe. Il faut travailler dans la réalité dans laquelle nous vivons. »
La famille libérale, est celle qui est la moins catégorique, quand on parle d’équilibre. Le MR ne semble ne pas avoir envie de se réveiller, équilibre ou pas. Sophie Wilmès (MR), ministre du Budget, avait en juin dernier déclaré sur le plateau de Décodeurs (RTBF) que repousser le retour à l’équilibre budgétaire était « techniquement possible ». Pourtant cette date de 2018, est une date convenue par et avec l’Europe. l’Open Vld communique différemment. Entre « la liste blanche de potentielles économies de la N-VA » et les « nouvelles taxes du CD&V », l’Open Vld veut surtout des « réformes ».
Le calme avant la tempête?
Pour le moment, les relations sont encore plutôt calmes entre les différents partenaires de la coalition. Le week-end dernier, il n’y a pas eu un mot de travers par rapport au budget dans les différentes interviews. C’est peut-être le calme avant la tempête… Mais résoudre cette histoire de budget à l’équilibre, ce sera surtout une épreuve en termes de communication pour chaque parti. Peut-être que c’est pour ça que tout a l’air calme pour le moment au sein du gouvernement? Ou c’est peut-être parce que c’est vraiment le calme avant la tempête?