« On nous refait le coup du CETA »: le parlement wallon vote en faveur de l’accord entre le Panama et la Belgique

Il était presque minuit hier quand la majorité au parlement wallon a voté favorablement l’accord d’investissement entre le Panama et la Belgique. L’opposition voulait reporter le vote, car des zones d’ombres persistaient. Notamment par rapport à ces fameux tribunaux qui permettent aux grandes entreprises de contester une décision prise par un pouvoir public. Le parallèle avec le vote du CETA est évident.

À une quinzaine de jours des vacances parlementaires et alors que tout le monde a les yeux rivés sur la Coupe du Monde, un enjeu de taille s’est joué hier au parlement de Wallonie. Là aussi, il est question d’un Panama-Belgique. Mais l’issue pourrait être moins heureuse.

Il était passé 23h30 hier soir, quand la majorité MR-cdH a voté en faveur d’un décret portant assentiment à l’accord entre l’Union économique belgo-luxembourgeoise (UELB) et la République du Panama. Sauf qu‘à l’instar du CETA, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, l’opposition se pose encore pas mal de questions sur ce nouvel accord commercial.

Un petit air de CETA

Encore une fois, ce qui pose problème c’est le mécanisme d’arbitrage privé (ISDS) qui permet aux multinationales de contester une décision des pouvoirs publics si elle va à l’encontre de ses intérêts. Comme pour L’Investment Court System du CETA (ICS), la crainte est de donner un trop grand pouvoir de contrainte au secteur privé. Le danger est également de voir nos normes protectrices en termes d’environnement, de santé ou de droit du travail passer à la trappe. Dans le cadre du CETA, la Belgique attend encore un avis de la Cour de Justice européenne alors que la Flandre a déjà ratifié le traité commercial et que le fédéral devrait en faire de même.

Ici encore, l’opposition juge que la majorité a agi dans la précipitation: « On nous refait le coup du
CETA, on nous demande de voter sur base d’éléments nouveaux sans avoir le temps d’en analyser la portée. Où est l’urgence de voter aujourd’hui sur le traité BEL-PAN ? Pourquoi ne pas attendre la preuve des avancées avant de voter? », s’insurge Hélène Ryckmans, députée Ecolo. C’est pourquoi avec le PS, les Verts ont demandé un report du vote. Ils n’ont pas été entendus.

La députée poursuit dans des propos récoltés par Belga: « Non seulement ce texte ne respecte pas les balises fixées par le Parlement de Wallonie dans le cadre du débat sur le Ceta, mais il ne respecte même pas les engagements pris par la coalition MR-cdH dans sa propre résolution du 28 février 2018. En s’associant avec le MR, le cdH était déjà revenu sur sa propre position concernant le CETA, il y a deux ans. Et maintenant, tant MR que cdH reviennent sur leurs propres positions d’il y a à peine quatre mois ».

« Sans précédent »

Pour se défendre, le cdH a parlé d’une note dans laquelle le gouvernement wallon s’engage à respecter de nouvelles balises pour les signatures des futurs traités commerciaux. Du côté d’Ecolo comme du PS, personne n’a pris connaissance de cette note, si bien que Stéphane Hazée (Ecolo) tout comme Pierre-Yves Dermagne (PS) se demandent si elle a un jour existé. « C’est sans précédent », ont fustigé les deux chefs de groupe.

La société civile et l’ONG CNCD-11.11.11 mettent elles aussi en garde contre la signature de ce genre de traités. L’ONG parle même de « traité antidémocratique ».

Colombie, Pérou et Equateur

Dans la foulée, le parlement wallon a approuvé l’accord entre L’UE et la Colombie, le Pérou et l’Équateur. Là aussi, l’opposition ne s’est dit pas rassurée: Ce traité, en vigueur depuis 2013, « se base sur des études d’impact dépassées et ne prend pas en compte les enjeux du développement durable », s’insurge Hélène Ryckmans, « il ne prévoit ainsi aucun mécanisme de contrôle ou de caractère contraignant pour garantir le respect de normes environnementales et sociales », a-t-elle ajouté.

La majorité lui rétorque que c’est un traité purement commercial: « Il ne faut pas tout mélanger et ne pas mettre tous les traités dans le même sac: la majeure partie de ce qui inquiétait dans les négociations relatives au CETA ne se retrouve pas dans cet accord avec les pays andins, qui contient aussi des avancées non-négligeables ».

Derrière ces agitations parlementaires se joue un énorme enjeu. Il s’agit de la dérégulation de nos normes. Qui veut d’un libre-échange débridé sans règles protectrices? L’UE et la Belgique souhaitent pouvoir avancer seules, sans qu’une petite région comme la Wallonie vienne lui mettre des bâtons dans les roues.

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