Les élections communales, c’est déjà dans six mois. Impossible de ne pas remarquer le désamour des Belges par rapport à la politique et nos mandataires. Spécifiquement chez les jeunes qui votent souvent par obligation. Si leur manque de participation dans la politique s’observe chiffres à l’appui, des initiatives subsistent. Et Make Your Own Choice en fait définitivement partie. Elle veut relever un immense défi: nous permettre de voter de manière informée.
14 octobre 2018. Ça tombe un dimanche. Ce jour-là, des milliers de jeunes vont aller voter pour la première fois. À vrai dire, ils ne savent pas trop ce qu’ils vont faire. Sans doute voter comme papa ou maman, ou au contraire, jouer les rebelles et choisir le camp opposé.
Le désintérêt de la politique chez les jeunes n’est pas neuf mais s’accentue ces dernières années. Les affaires (Publifin, Samusocial, Siamu, Gial…) y sont sans doute pour quelque chose, mais la complexité de nos institutions n’arrange rien. Peu sont capables d’identifier nos différents niveaux de pouvoir ou d’énumérer le nombre de gouvernements qui constituent notre pays. L’abstention est en hausse alors que le vote est obligatoire chez nous. Que ça soit par indifférence, par désamour ou par dégoût, la cassure existe.
Certains avancent même que notre démocratie représentative est en crise. Mais dans l’ombre, des initiatives citoyennes se créent, de nouvelles idées émergent. Pas plus tard qu’il y a deux semaines, on vous parlait de ces quatre initiatives citoyennes qui voulaient faire bouger les choses en matière de bonne gouvernance. Aujourd’hui, on va vous parler d’une plateforme créée par des jeunes pour les jeunes.
Un outil comparatif
C’est le genre d’initiatives qui te redonne foi en la jeunesse. Partant du constat précité, Cédric Hénet, mi-avocat et mi-assistant à l’UCL, réfléchit, cogite. Avec l’aide de son épouse, Maude Lebon, ils dessinent les prémisses de ce que va devenir Make Your Own Choice.
Le report interminable du RER lui a servi de déclic: « Je me suis dit: ‘c’est fou, nous ne disposons pas des informations nécessaires pour apprécier le travail de nos mandataires’. En y réfléchissant plus longuement, j’ai réalisé que la première étape était avant tout d’élire nos mandataires sur base d’un programme concret. Et c’est ensuite sur base de ce programme, qu’on peut en apprécier sa réalisation. »
Aujourd’hui, ils sont dix à collaborer bénévolement au quotidien pour MYOC. Tous viennent de terminer leur études ou les achèvent. Tous savent que l’échéance approche. Il faut que tout soit prêt d’ici les élections communales d’octobre prochain.
Make Your Own Choice, c’est un site web, une plateforme. Il permettra aux citoyens de comparer le programme d’un candidat par rapport à un autre. De voter en connaissance de cause. De partager ses idées ou d’en faire ressortir le meilleur.
Une question subsiste et elle est de taille: comment comptent-ils s’y prendre? Nos 10 jeunes se sont lancé un défi énorme: ils veulent convaincre un maximum de candidats à s’inscrire sur la plateforme. De cette manière, le citoyen, après s’être aussi inscrit, n’aura qu’à entrer son code postal pour découvrir les différentes listes de sa commune. De là, il pourra comparer les candidats. Chacun d’entre eux devra d’ailleurs établir cinq mesures concrètes pour sa commune. Le citoyen aura aussi la possibilité de comparer les programmes du parti ou, s’il n’a vraiment pas d’idée, il pourra faire ses recherches par thématiques (mesures sociales, économiques, écologiques, mobilité…).
Un énorme défi
Il s’agit d’un défi énorme, car en 2012, pas moins de 60.000 candidats s’étaient présentés aux élections. Ça fait beaucoup de monde. D’autant que Cédric et son équipe veulent aussi mettre en place des outils plus ludiques comme de brèves vidéos de présentation. Mais notre interlocuteur en est conscient. Tout a été réfléchi: « Nous tablons dans un premier temps sur 15% d’inscrits. Si on se réfère aux 60.000 candidats de 2012, ça fait quand même 9.000 personnes. »
9.000 candidats à aller chercher, à convaincre qu’il s’agit d’une démarche d’intérêt public. Un service de communication qui coûtera d’ailleurs à chaque candidat la somme de 7,5 euros: « Nous voulions instaurer une certaine viabilité dans ce projet. Si nous voulons porter Make Your Own Choice sur le long terme, nous n’avons pas le choix. Tant d’initiatives ont coulé, car par assez soutenables financièrement ». Même si MYOC compte rester une asbl: « Le but est de réinvestir cet argent dans le projet, en aucun cas ces 7,5 euros ne permettront de payer dix équivalents temps plein. »
La plateforme prévoit aussi de l’interaction. Chaque membre pourra liker et partager du contenu. Il sera même possible de poster des propositions pour ta commune. Bref, un outil ludique, moderne, comparatif et informatif: chaque page de chaque candidat renverra à une courte biographie et aux différents réseaux sociaux.
28 avril
L’objectif est de rendre le site opérationnel pour le 28 avril. Et un maximum de candidats devront être inscrits d’ici le mois de septembre: « Inutile d’embêter le citoyen plus tôt, nous travaillons en coulisses pour que tout soit prêt un mois avant les élections ». Mais des difficultés subsistent. On s’en est bien rendu compte lors de l’assemblée générale de cette initiative citoyenne qui est financée au départ par du crowdfunding: modération, pluralisme, micropartis, listes multiples… autant de débats que de difficultés techniques: nos jeunes citoyens se sont attaqués à du costaud avec les élections communales.
Mais Cédric et son équipe restent plus motivés que jamais. Ils veulent permettre aux jeunes de voter en connaissance de cause. Pour eux, il y a un déficit d’information sur le sujet: « Si tu veux une information complète sur les élections communales, prépare-toi à collectionner les tracts en Belgique ». Il est vrai qu’aucune documentation ne permet d’avoir un regard global sur sa commune. « On est bien loin de la Suisse qui propose des prospectus pour comparer une liste aux autres ».
À cela s’ajoute le manque d’incitant. L’absence de cours de citoyenneté reste un problème dans l’enseignement secondaire en Belgique. Un cours qui pourrait expliquer simplement comment fonctionne une élection ou par exemple montrer l’importance du vote.
Bref, un défi gigantesque pour un enjeu qui l’est tout autant. On souhaite en tout cas bon vent à cette initiative citoyenne, en espérant que les politiques jouent le jeu. C’est aussi dans leur intérêt.