Maintenant stop! La France est championne du monde et il est temps de redevenir copains

La demi-finale qui opposait la France à la Belgique devait être une fête. Mais depuis la défaite des Belges, on assiste à un déferlement d’insultes et de reproches sur les réseaux sociaux entre deux peuples qui se croyaient vieux amis. Il est temps de revenir à la raison, parce que ça en devient tout simplement ridicule.

En dessous de chaque article qui parle de ce fameux France-Belgique, Belges et Français s’étrillent, les insultes volent comme jamais auparavant. Il est reproché aux uns leur sentiment de supériorité. Aux autres leur complexe d’infériorité. À vrai dire, ça ne vole souvent pas plus haut que dans une cour de récréation.

Incompréhensions

Commençons par comprendre les raisons de ce désamour. Souvent moqués (gentiment) par le passé, les Belges gardent une certaine rancœur contre les Français, à qui ils reprochent leur condescendance. Pourtant dans les faits, la France reste la destination de vacances préférée des Belges. Ils s’y sentent bien et nouent souvent de bonnes relations avec leurs hôtes.

Au niveau professionnel aussi, quand un Belge (francophone) réussit en France, il s’agit d’un aboutissement dans sa carrière. Sans se l’avouer, le Belge veut et apprécie être reconnu chez son voisin. La France jouit d’une aura internationale que personne ne peut nier, pas même un Belge.

Du point de vue français, on tombe des nues. De tout temps, maladroitement ou pas, les Français ont toujours apprécié les Belges pour leur autodérision. « Ils ne se prennent pas la tête », entend-on souvent.

Pourtant, c’est tout le contraire qui se produit ces derniers jours. Car la Belgique, à raison, se voyait aller au bout de cette Coupe du monde. On connaît la suite. La Belgique a été la plus belle équipe, la France a été la plus solide. On aurait pu en rester là. Mais les circonstances du match et les interviews des joueurs, visiblement touchés dans leur amour propre, ont fait basculer le tout dans l’irrationnel.

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100% croates

La France accuse maintenant la Belgique d’être mauvaise perdante. Les vannes pleuvent, sur un ton moqueur. Le débat s’envenime. Comment comprendre une telle situation?

C’est simple, les Français, eux, auraient soutenu la Belgique à 100% en cas de qualification pour la finale. Ils sont tombés de haut quand ils se sont rendu compte que presque 100% des Belges soutiendraient les Croates ce dimanche.

De leur point de vue, on peut se sentir légitimement déçu par ces Belges qu’ils voyaient comme de bons camarades. Comme dit plus haut, c’est le cas dans les faits. Mais de vieux démons ont resurgi à la surface durant le tournoi. Ah, cette façon qu’ont les Français à s’attribuer parfois nos mérites. On pense notamment à « Eden Hazard, le plus français des Belges » ou encore à « Henry, l’atout indispensable des Belges ». On ne se refait pas. Certains habitants de notre plat pays ont bouillonné intérieurement, titillés par ce vieux réflexe de leurs voisins.

Et puis quoi? Ça ne part pas d’une mauvaise intention et ça n’enlève absolument rien à leur amitié pour les Belges, qu’elle soit maladroite ou non. Inversement, quand une personne avec qui tu crois entretenir de bons rapports te dit qu’elle veut à tout prix que tu échoues, ça fait mal. Ça aussi on devrait pouvoir le comprendre.

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Tu veux parler foot?

Maintenant qu’ils sont champions du monde, n’est-il pas normal de leur part de chambrer un peu, façon Lucas Hernandez? Bon ok, ce n’est sûrement pas le plus malin de la bande. Mais à ce petit jeu-là, on peut dire que Thibaut Courtois a fait fort en ne reconnaissant aucun mérite à la France qui venait juste de le sortir du tournoi.

Parce qu’on peut parler football si tu veux. Pas du foot qu’on observe passionnément tous les quatre ans, mais du vrai football, du jeu. Il n’existe pas qu’une seule manière de jouer. Dans l’histoire du ballon rond, même récente, très peu de champions du monde l’ont été « avec la manière ». Les plus belles équipes à voir jouer au Mondial 2014 étaient les Pays-Bas et le Brésil. On connaît la suite: l’Allemagne et l’Argentine, plus efficaces, plus fortes, se sont qualifiées pour la finale.

Alors certes, jamais un champion du monde n’a eu si peu la possession de balle que la France, mais l’Italie n’a-t-elle pas glané quatre titres mondiaux de la sorte? Lui en a-t-on fait le reproche? Ne peut-on pas reconnaître un seul mérite à cette France devenue championne du monde pour la deuxième fois de son histoire?

Une organisation parfaite, une efficacité redoutable, façon Atlético Madrid, jamais la France n’a été mise en danger tout au long du tournoi, si ce n’est quelques minutes contre l’Argentine. Oui, elle a perdu du temps en fin de match contre les Belges, oui elle a cassé le jeu, oui Kylian Mbappé en a énervé plus d’uns. C’est ça le foot, même si on peut le regretter. Mais pour cela, peut-être faut-il s’y intéresser davantage que tous les quatre ans.

Maintenant stop. Le monde entier a reconnu que la Belgique développait le plus beau jeu du tournoi. Beaucoup de Français, qui n’osent plus vraiment le dire, continuent à le penser aussi. Pourquoi ne pourrions-nous pas reconnaître à notre tour que la France a été l’équipe la plus forte?

Si le Belge veut se détacher de ce fameux complexe d’infériorité, ça commence par là. Être fair-play dans la victoire comme dans la défaite. Nous aurons une nouvelle chance dans deux ans, à l’Euro. À nous de ne pas le manquer, peu importe le résultat final.

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