Depuis une bonne dizaine de jours, les Roumains descendent par dizaines de milliers dans les rues des grandes villes du pays. Cela n’était plus arrivé depuis la chute du régime communiste en 1989. Et la situation devient plus intenable jour après jour. Mais pourquoi manifestent-ils? Ces quelques lignes t’aideront à y voir plus clair.
Si tu ouvres Google Maps, tu t’aperçois que la capitale roumaine, Bucarest, ne se trouve qu’à 2.200 kilomètres de Bruxelles. Autrement dit, un peu moins de trois heures d’avion. Ce pays européen est tout près de chez toi, mais tu n’as probablement aucune idée de ce qui s’y passe actuellement alors que c’est le gros bordel.
« Voleurs! Voleurs! ». C’est aujourd’hui le 14ème jour que les Roumains descendent dans les rues et hurlent le même slogan. Ils sont, chaque jour, des dizaines de milliers à braver le froid, vaille que vaille. Les médias locaux estiment d’ailleurs qu’ils étaient jusqu’à un demi million à participer dimanche à la marche de Bucarest. Et ils étaient plus ou moins 20.000 dans d’autres grandes villes. Un record.
Des rassemblements de soutien prennent également place ailleurs: en Bulgarie, en Moldavie, en Albanie et même en Europe. Les voix grondent de plus en plus fort sur les réseaux sociaux. Un tel chaos n’était plus arrivé depuis la chute du régime communiste. En décembre 1989, des manifestations violentes avaient éclaté, suite au coup d’État et à l’exécution du dictateur communiste Nicolae Ceaușescu et de sa femme Elena.
Carton rouge pour tout le gouvernement
Que réclame la population exactement? La démission pure et simple de tout le gouvernement, y compris du président Klaus Iohannis. Ils veulent rapidement des élections législatives anticipées. Le gouvernement est pourtant fraîchement investi. Le 11 décembre 2016, les Roumains ont voté démocratiquement et élu le tout nouvel organe exécutif à plus de 45 % pour le Parti social-démocrate (le PSD). Mais rapidement, les problèmes ont débarqué.
Le 31 janvier dernier, le PSD a adopté, pendant la nuit et en catimini, un décret qui assouplit les lois anti-corruption du pays. C’est ce nouveau texte précisément qui a tout déclenché. La population l’accuse de dépénaliser la corruption, et donc de faire un saut de trente ans dans le passé. Il permet désormais à un fonctionnaire ou à un responsable politique d’échapper à une peine de prison, s’il est accusé d’un abus de pouvoir qui constitue un préjudice inférieur à 200.000 Leu roumains (44.000 euros). Le Président de la Chambre des députés de Roumanie et leader du PSD, Liviu Dragnea, était d’ailleurs poursuivi pour abus de pouvoir, mais il a échappé à la condamnation grâce à la nouvelle loi.
Du côté du gouvernement, ses membres disent avoir agi pour mettre en conformité le Code pénal avec les exigences de la Cour constitutionnelle. L’Union européenne, elle, donne raison à la population et critique ouvertement ces nouvelles mesures.
Première démission
Face aux soulèvements, le gouvernement a finalement décidé de faire marche arrière et a suspendu le décret il y a une semaine. Mais l’annulation complète du texte doit encore être validée par le Parlement… où les sociaux-démocrates sont en large majorité.
Une première tête est déjà tombée, celle du ministre de la Justice, Florin Mordache. Il a cédé à la pression et remis sa démission jeudi dernier. Mais pour les Roumains, ce n’est pas suffisant pour « remettre en place l’État de droit ». Ils ont définitivement perdu foi en leur gouvernement et veulent le « laver » de fond en comble.
Des années de corruption et de crime organisé
Depuis que la Roumanie a rejoint l’Union européenne en 2007, Bruxelles exige que Bucarest fasse des réformes pour mettre fin à des années de corruption et de crime organisé au sein du pouvoir. Le pays a donc créé, ces dernières années, un procureur spécial rattaché à l’agence nationale anti-corruption (DNA). Celle-ci est devenue l’un des organismes gouvernementaux les plus puissants, selon plusieurs ministres et hauts fonctionnaires.
Mais les progrès sont lents, trop lents. Selon l’index 2016 de l’organisation Transparency International, basé sur les perceptions publiques de la corruption dans le monde, la Roumanie reste un des pires pays européens dans le domaine. Elle y figure à la 57e place, devant l’Italie (60e) et la Grèce (69e).
Tu l’auras compris, ce n’est pas ce nouveau gouvernement qui redressera le niveau. Bien au contraire.
Les manifestations deviennent hors de contrôle
« Images incroyables de #Bucarest ce soir. Les Roumains continuent à protester contre les politiciens corrompus, pour #Étatdedroit »Incredible images from #Bucharest tonight. Romanians continue to protest against corrupt politicians, for the #ruleoflaw. #romanianprotests pic.twitter.com/h3ewyzvfK7
— Paul Ivan (@paul2ivan) 5 février 2017
Des manifestations de soutien ont lieu un peu partout dans le monde
À #Paris aussi, on soutient nos amis roumains et la démocratie dans toute l' #Europe #rezist #romanianprotests #romania pic.twitter.com/KIq5Gqgvhd
— Killin' time (@Madeleine_Kth) 5 février 2017
Et en Belgique aussi
Romanian protests in Bruxelles#Romania #romanianprotests pic.twitter.com/6mN03rS0Ww
— PositiveNewsRomania (@PositiveRomania) 5 février 2017