Les propos de Geert Bourgeois sur la « frontière de la grève » sont-ils fondés? Selon les chiffres, la réalité est plus nuancée

« La frontière linguistique est devenue une frontière de la grève et les Flamands crachent sur cela ». La déclaration choc du ministre président flamand, Geert Bourgeois (N-VA), résonne partout depuis ce week-end. Mais ses propos sont-ils vraiment fondés? Nous avons analysés les chiffres de 2014 et de 2015 fournis par l’Office national de sécurité sociale (ONSS) et il semble que c’est un peu plus nuancé que ça.

Le ministre président flamand Geert Bourgeois (N-VA) s’est bien fait remarquer dans le cadre de la fête nationale flamande. Il a déclaré que: « La frontière linguistique est devenue une frontière de la grève et les Flamands crachent sur cela ». Depuis la colère gronde autant chez les francophones que chez les flamands.

Il s’est défendu en disant que ses propos avaient été retirés de leur contexte. Mais dans un speech prononcé à l’Hôtel de Ville de Bruxelles avant le début des festivités aujourd’hui, il a quand même voulu ajouter: « la provocation vient des grévistes sauvages, pas de moi ». Alors dans le fond a-t-il raison? La frontière linguistique de notre pays est-elle également une frontière des grèves? C’est-à-dire, fait-on plus la grève en Wallonie qu’en Flandre? Parce que c’est bien là le cœur du débat.

VTM Nieuws

En 2015

Les chiffres de 2016 ne sont pas encore disponibles bien sûr mais nous avons analysés ceux de 2015 et de 2014, fournis par l’Office national de sécurité sociale (ONSS). Et si on les analyse, on peut remarquer que la réalité est nettement plus nuancée que les propos du ministre flamand Geert Bourgeois (N-VA). Premier constat en 2015, il n’y a eu « que » 207.563 jours de grève, soit quasi quatre fois moins qu’en 2014 qui comptait 760.297 jours de grève pour toute la Belgique.

Alors ok en 2015, la Wallonie a totalisé 101.688 jours de grève contre 49.860 à Bruxelles et 56.015 en Flandre, soit deux fois plus. Mais la situation n’était pas du tout semblable en 2014: les grèves étaient alors plus nombreuses du côté flamand.

Plus de grève en Flandre en 2014

Parce que si on jette un oeil aux chiffres de 2014, alors la tendance s’inverse complètement! Il y a eu 354.048 jours de grève en Flandre contre seulement 198.851 jours en Wallonie et 207.398 à Bruxelles. La réalité d’une année n’est donc pas celle d’une autre. Monsieur Bourgeois a la mémoire bien courte.

epa

Relativiser

En plus, ces chiffres doivent être relativisés. Ils sont basés sur l’endroit où le siège social de l’entreprise se trouve. Par exemple, un wallon peut très bien travailler en Flandre et donc il sera compté comme gréviste flamand et à l’inverse un flamand peut très bien bosser dans une entreprise qui se trouve à Bruxelles et sera donc compté comme gréviste bruxellois.

Les chiffres ne seraient pas fiables

Selon la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB), ces chiffres ne sont pas fiables. Ils sont basés sur les informations reçues par l’ONSS de la part des employeurs tous les trois mois. Et l’encodage des grèves poserait sérieusement question. Par exemple, les jours de grève doivent être déclarés sous le « code 21 » mais dans la pratique tous les jours de grèves ne sont pas encodés de cette manière. Si quelqu’un a participé à une grève sauvage, son salaire n’est pas garanti. Il ne sera donc pas repris sous le code 21, et hop un jour de grève de moins de compté. En plus, plusieurs services publiques ne sont plus inclus dans ces statistiques. On comprend dès lors qu’il est difficile de se baser sur ces chiffres. Selon la FEB, le nombre de jours de grève serait (encore) plus élevé.

C’est donc plus sur image que joue Geert Bourgeois, celle des Wallons toujours en train de faire grève et de revendiquer des choses et des Flamands qui acceptent tout sans broncher. Image, un peu erronée quand même.

epa
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