Les bloqueurs de pub ne fonctionneront (peut-être) plus sur Google Chrome 

Chrome projette de faire une mise à jour importante qui risque de déplaire à tous ceux qui n’aiment pas être assaillis par la publicité. Le navigateur de Google souhaite modifier la façon dont les extensions fonctionnent actuellement, et les premiers à en pâtir seraient les bloqueurs de pub.

Google domine de très loin le marché des navigateurs. Selon netmarketshare, quasiment 65% de la population terrienne utilise Chrome. Mais une partie de ces utilisateurs risque d’avoir une mauvaise surprise dans les semaines qui arrivent. Les bloqueurs de publicité pourraient ne plus fonctionner avec Chrome. Du moins, jusqu’à ce que ces extensions se mettent à jour.

L’information émane d’un document rendu public par Chrome: le Manifest V3. On y apprend que Google veut « limiter certaines fonctionnalités à une certaine classe d’extensions ». Chrome veut modifier les fonctionnalités des extensions, de façon à pouvoir mieux lutter contre les logiciels malveillants. Si la nouvelle mise à jour de Chrome se fait, les extensions ne pourraient plus charger du code depuis un serveur externe.

Parts de marché des navigateurs dans le monde (2017- 2018)

netmarketshare

Le cas des bloqueurs

Dans le cas des bloqueurs de publicités, ces extensions seraient obligées de fournir à Chrome une liste des sites, des URL, des scripts dynamiques et des mouchards publicitaires qu’elles bloquent. Pour donner un exemple, AdBlock (le bloqueur de pub le plus connu) empêche généralement une dizaine de publicités de s’ouvrir sur la page d’accueil de YouTube. AdBlock parvient à les bloquer car les informations numériques des publicités sont reprises dans une liste.

uBlock Origin fonctionne de la même façon. Sa liste par défaut contient 90.000 « adresses » à bloquer. Mais cette liste peut être élargie manuellement pour atteindre les 500.000. Et cette liste prend en compte la similarité de certaines adresses, ce qui permet à uBlock de bloquer des publicités non-reprises sur la liste. Tant uBlock qu’AdBlock mettent d’ailleurs régulièrement à jour leur base de données.

Mais avec l’update de Google, cette liste serait considérablement réduite. Ars Technica explique que Chrome veut réduire ses filtres à 30.000. Ce qui laisserait apparaître un grand nombre de publicités indésirables sur la majorité des sites. Autre souci: cette liste publique permettrait aux publicités de plus facilement contourner les bloqueurs.

Google veut garder la pub?

Pourquoi Google fait cela? « La plate-forme d’extensions actuelle pose un certain nombre de problèmes dans les domaines des performances, de la sécurité, de la confidentialité et de l’ergonomie. En mettant en œuvre une nouvelle version du manifeste, nous pouvons appliquer certaines meilleures pratiques, interdire les pratiques négatives et fournir un chemin de migration clair aux développeurs », indique Chrome dans son manifeste. En résumé, pour sécuriser le navigateur.

Mais cette explication est loin de convaincre tout le monde. Premièrement, parce que ces modifications seraient néfastes non seulement pour les bloqueurs de pub, mais également pour les logiciels protecteurs. Sur bug chromium, un forum de développeurs, certains indiquent que les interfaces des logiciels anti-hameçonnage (anti-phishing) et anti-malware ne seront plus adaptés au navigateur. L’argument de la sécurité avancé par Google est donc remis en question.

Deuxièmement, parce que la publicité est au coeur des affaires de Google: elle représente 70% de ses activités commerciales. Comme le souligne Forbes, les bloqueurs de pub représentent un problème de taille pour la firme de Mountain View. En 2017, les revenus publicitaires de Google sont montés à 95,4 milliards de dollars. Un blocage total des publicités, comme l’offrent AdBlock et uBlock, c’est mauvais pour les affaires et les voir disparaître pourrait se révéler financièrement intéressant.

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Autres navigateurs

Mais Google court un risque en implémentant cette mise à jour. Ses utilisateurs pourraient migrer vers d’autres navigateurs où les bloqueurs sont encore opérationnels. Ce serait le cas de Firefox, actuellement l’un des rares derniers concurrents de Chrome. Ou encore de Safari, le navigateur d’Apple qui utilise un code source similaire à Chrome.

Il faut savoir qu’un certain nombre de navigateurs fonctionnent avec Chromium, le code source de Chrome qui est en accès libre. Tout le monde peut l’utiliser, mais seuls les développeurs de Google peuvent le modifier. Ce qui fait que ces autres navigateurs rencontrent les mêmes soucis/modifications que Chrome.

En d’autres termes: sur les navigateurs basés sur Chromium, comme Opéra, Ecosia, Vivaldi ou Yandex (Russie), les ad-blockers pourraient ne plus être efficaces. Même Edge, l’un des navigateurs de Microsoft, doit passer sur Chromium cette année.

Danger en filigrane

Cette mise à jour n’est pas encore effective. Elle est encore soumise à débat et il n’est pas certain qu’elle sera appliquée. Même si c’était le cas, cela devrait prendre encore quelques temps avant que toutes ces extensions ne deviennent caduques. Ce qui leur laisse un temps pour se préparer et trouver un moyen de s’adapter au nouveau code source de Chromium.

Mais les agissements de Google soulèvent des inquiétudes, en soi, toutes légitimes. Actuellement, il ne reste plus beaucoup d’alternatives à Chrome. Google opère un monopole sur le marché de l’accès aux informations qui devient de plus en plus important. La majorité des extensions et des applications sont créées de façon à s’adapter aux interfaces de Google. Il ne faut pas être un complotiste paranoïaque pour observer que ce monopole peut être problématique pour le consommateur.

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