Le dernier petit plan de Reynders (MR): devenir ministre-président bruxellois grâce à la N-VA

Pas de doute: Didier Reynders est occupé à imaginer la prochaine coalition en Région bruxelloise. Il se dit même prêt à travailler avec la N-VA, qui se débrouille pas mal dans la capitale selon les derniers sondages. Sans doute l’effet Francken et Jambon, deux politiciens flamands qui scorent plutôt bien parmi les francophones. Mais la cour qu’est en train de mener Didier Reynders provoque pas mal de réticences, jusque dans son propre parti.

Qu’est-ce qu’est en train de nous préparer Didier Reynders? Une question récurrente ces dernières semaines. Le ministre des Affaires étrangères est connu pour avoir toujours un plan derrière la tête. Reynders pratique le jeu politique comme personne: tacticien, il pense toujours à la prochaine étape. Cela a tendance à énerver ses opposants. Problème: ces opposants se trouvent aussi dans son propre parti.

Hier sur BX1, Didier Reynders a publiquement brisé un tabou, celui de gouverner avec la N-VA à Bruxelles: « Je ne vais pas vous dire que nous n’allons pas pouvoir gouverner avec la N-VA quand on voit ce que nous faisons au gouvernement fédéral. On a réussi à mettre l’institutionnel de côté et à travailler avec la N-VA sur le socio-économique ». Didier Reynders se dit prêt à travailler « avec ceux qui voudront changer un certain nombre de choses. » Trois thèmes sont privilégiés: la sécurité, la mobilité et la propreté.

Ce n’est pas rien comme déclaration dans la bouche d’un politique francophone. Tous les partis ont toujours fermé la porte à la N-VA à Bruxelles. Olivier Maingain, lors de ses vœux à la presse en début d’année, l’avait répété à qui voulait l’entendre: son parti ne rentrera dans aucun gouvernement avec la N-VA. La réaction de Didier Gosuin (Défi) aux propos de Didier Reynders n’a d’ailleurs pas tardé: « Comment envisager de travailler avec la N-VA, qui a à son programme la cogestion de Bruxelles par la Flandre et la Wallonie? Manifestement, les positions anti-bruxelloises de la N-VA ne semblent pas gêner le MR de Didier Reynders. » Rudi Vervoort (PS), actuel ministre-président, a lui parlé de « bruxellicide ».

La complexité de la Région bruxelloise

Si la N-VA commence à peser dans l’arène politique bruxelloise, c’est grâce au dernier Grand Baromètre Ipsos – Le Soir – RTL – VTM et Het Laatste Nieuws. La N-VA est créditée de 6,1% des intentions de vote, soit plus que le cdH et plus que tous les autres partis flamands à Bruxelles. Pourtant, peu de têtes connues y mènent les débats. On peut tout au plus citer Cieltje Van Achter, future cheffe de file et belle-fille de Geert Bourgeois (N-VA). En fait, cette montée de la N-VA dans une région archidominée par les francophones trouve plutôt sa source dans la politique menée par deux ministres fédéraux: le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Theo Francken (N-VA) et le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon (N-VA). Les thèmes identitaires et sécuritaires séduisent de plus en plus de francophones.

La question est maintenant de savoir si ces intentions vont se transformer en votes: à Bruxelles, tu dois d’abord choisir ta langue avant de recevoir les différentes listes des partis. C’est soit en français soit en néerlandais. Du coup, un francophone peut facilement dire N-VA dans un sondage, mais ne pas concrétiser sa parole en acte une fois dans l’urne. Comme on peut parfois le voir avec le Vlaams Belang par exemple.

Deuxième difficulté: former une coalition avec une majorité dans chaque groupe linguistique. Pour l’heure du côté néerlandophone, on retrouve l’Open VLD, le sp.a et le Cd&V. Du côté francophone, le PS, le cdH et DéFi. Qui voudra s’assembler avec la N-VA parmi ces partis, c’est toute la question. Ce sera compliqué du côté francophone, mais aussi du côté flamand où Guy Vanhengel (Open VLD) n’a pas l’air trop trop chaud à tenter l’aventure.

EPA

L’ombre de Bruneau

Depuis sa prise de fonction dans le gouvernement fédéral en compagnie de trois partis flamands, Didier Reynders était plutôt calme en coulisse. Mais tout à changer en décembre dernier lors de ce dîner avec Bart De Wever et Jan Jambon chez Bruneau, pour y discuter élections anticipées. La N-VA aurait vu d’un bon œil que les élections législatives de 2019 tombent en 2018 lors des élections communales. Histoire de débattre directement sur des thèmes nationaux, plus porteurs. Une manœuvre qui n’avait pas du tout plu à Charles Michel, avec qui Reynders n’est pas vraiment copain.

Mais le ministre des Affaires étrangères réfléchit à son avenir. Il se cherche un poste. Il se verrait bien, en tant que chef du MR bruxellois, à la tête de la Région: « Je suis prêt à jouer un rôle déterminant dans une prochaine coalition en 2019. » Et la N-VA pourrait être un élément clé pour l’aider à franchir cette étape, si le parti nationaliste parvient à dominer le groupe linguistique flamand.

Le principe: ce qui peut marcher au niveau fédéral avec Michel peut aussi fonctionner à Bruxelles. Mais rien ne sera simple. À un moment donné, la N-VA devra choisir entre le clan Michel ou le clan Reynders, ce qui peut mettre un sérieux grain de sable dans la cohésion d’une future équipe à deux niveaux de pouvoir.

epa
Plus
Lire plus...