Laissez bosser Damso! Le traiter de « sexiste violent » ne l’empêchera pas de pondre un hymne de fou pour la Coupe du monde

Après Stromae, c’est à Damso que revient la lourde tâche de composer l’hymne des Diables Rouges qui nous fera danser durant la Coupe du monde. Lourde tâche puisque quelques jours après l’annonce officielle de l’Union belge de football, la pression est déjà immense. Si les fans du rappeur bruxellois sont aux anges, c’est moins le cas pour certaines personnes. Les étiquettes de rappeur sexiste, violent et vulgaire collent à la peau de Damso pour le grand public… ou à la peau du rap tout court? 

BelgiqueVie. Ce sera Damso qui composera, écrira et interprétera l’hymne des Diables Rouges pour la Coupe du monde en Russie. Du côté des fans, c’est la meilleure nouvelle de l’année. Pour d’autres, c’est un véritable cauchemar.

C’est le cas par exemple pour Viviane Teitelbaum, présidente du Conseil des femmes francophones. Sur son blog, elle écrit: « Je pense que ces 6 mois où ils (les jeunes, ndlr) vont écouter Damso, entendre toutes ces paroles stéréotypées, insultantes pour les femmes, même très brutales par rapport à ce qu’il dit de la société quand il s’adresse aux jeunes, c’est un vrai problème. »

On pointe donc le sexisme et la violence présents dans les paroles du rappeur bruxellois. Mais au final, est-ce que toutes ces critiques ne seraient-elles pas représentatives du manque de considération de la société envers le rap? On dirait bien que la société actuelle est restée figée dans les nineties et au début des années 2000. Non, messieurs dames, le rap n’est plus une sous-culture. C’est notre quotidien.

Rap = sexe, drogue et violence

Depuis des temps immémoriaux, quand on parle de rap, c’est le même débat. Les profanes de cette culture se plaisent à pointer les propos sexistes, violents et vulgaires des artistes. L’exemple le plus parlant est celui d’Orelsan. Le rappeur de Caen avait suscité en 2006 une polémique monstre à cause de ses deux morceaux Saint-Valentin et Sale Pute. À tel point que plus de 10 ans plus tard, cette réputation lui colle encore à la peau alors qu’il vient de sortir un album plein de maturité, d’humour et de sagesse.

Tout est une question de second degré. Qui a vraiment cru qu’Orelsan allait « pénétrer sa copine jusqu’à lui déchirer l’abdomen » simplement à cause d’une histoire d’adultère? Non, les rappeurs se mettent en scène, jouent un rôle en respectant les codes du rap. C’est comme une énorme comédie musicale où les personnages sont tous méchants mais une fois les masque tombés, ce sont tous des gars normaux. Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, le sexe et la vulgarité ont toujours fait partie du hip-hop. Damso l’a bien compris et explique en 2015 dans son morceau Comment faire un tube: « Comment faire un tube? Faut parler d’drogue, de sexe, de sky’, de maille et de putes. » Belle preuve de lucidité pour un type qui se bute tous les jours au jazz.

Sauf que maintenant, le rap dérange car il est devenu populaire. Fini le temps où le rap n’était qu’une sous-culture réservée aux petites radios. Maintenant, on entend du Booba, du Damso, Caballero & Jeanjass, ou encore Romeo Elvis sur les ondes FM. Un temps « réservé » aux jeunes, le rap est désormais écouté par tous puisque les jeunes d’autrefois ont grandi avec le rap et l’écoute alors qu’ils ont la trentaine. Ainsi, le rap est désormais multigénérationnel et il n’y a plus que les (très) vieux pour penser que le rap est une musique de jeunes.

Dam’so strong

On a l’impression que l’Union belge aurait pu choisir n’importe quel rappeur, les commentaires auraient été les mêmes. Car on vise particulièrement les paroles souvent très crues présentes dans les sons de Damso. Sauf qu’en le critiquant de la sorte, on prend vraiment le Bruxellois pour un énorme imbécile. Quand Damso écrit pour ses albums, il sait qu’il sera écouté par des fans de rap habitués aux codes de cette musique. Il peut donc écrire sans se soucier des réactions des auditeurs qui seront plus à l’affut de la technicité de l’écriture plutôt qu’au fond. Les rimes multisyllabiques ont en effet le pouvoir de hérisser les poils de tout amateur de « peu-ra ».

Qui peut sérieusement penser penser que Damso écrira de la même façon pour un morceau qui aura pour objectif de réunir un pays entier? C’est un manque de respect sur toute la ligne. Si ça continue, il sera bientôt accusé d’être à la base de l’esclavage en Libye. Non, Damso est avant tout un artiste. Son succès (double disque de Platine pour Ipséité), il le doit à sa « vibe » unique, la rigueur de ses productions, sa voix ténébreuse et ses textes aussi fins que violents. Il faut que les mentalités changent à propos d’un style musical qui n’est pas encore pris au sérieux. Il suffit de voir ce qu’Ardisson a fait avec le rappeur Vald dans l’émission Salut les Terriens. Ils ont parlé de tout… sauf de musique. Et c’est encore trop souvent le cas quand on parle de rap. C’est de la musique conçue pour faire bouger la tête, jumper en concert et s’évader grâce aux paroles. Tiens, comme tous les autres genres musicaux. C’est fou, ça!

Choix osé

Après, il faut le reconnaitre: c’est un choix osé de la part de la fédération belge de football. Ils ont fait le pari de choisir un artiste qui plait surtout aux jeunes. De plus, ils donnent une nouvelle fois la parole à un artiste francophone laissant ainsi les Flamands de côté. Le timing, lui aussi, est osé. Choisir un artiste connu pour ses textes violents alors que les cas de harcèlements et d’agressions sexuels apparaissent un peu partout, c’était dangereux.

On peut comprendre que ce choix dérange mais les arguments pour réclamer son éviction ne sont tout simplement pas recevables. Car on ne s’attaque pas à un artiste mais à une culture. Le rap fait désormais partie intégrante de la culture belge. C’est d’ailleurs grâce au rap, et au football, que la Belgique se fait un nom à l’étranger. Alors, peut-être que Damso ne plait pas à tout le monde, mais représenter la Belgique, il le fait à la perfection. Exactement comme Stromae en 2014.

Censure?

Que les inquiets se rassurent: l’Union belge aura un droit de contrôle sur la chanson de Damso. Suite aux inquiétudes des féministes et des autres sceptiques, le porte-parole de l’Union belge Pierre Cornez s’est expliqué sur La Première. Il assure que la fédération pourra contrôler le résultat final pour qu’il corresponde au message que veut véhiculer l’Union belge. Le mot « pute » ne sera donc utilisé que 6 fois durant la chanson: on déconne… C’est tout de même triste d’en arriver là: six mois avant la sortie de la chanson, la voilà déjà menacée de censure.

A l’heure qu’il est, Damso n’a probablement pas commencé à écrire sa chanson et elle divise déjà un pays. D’un côté les Diables Rouges, chez qui Damso fait l’unanimité, ses fans, et les amateurs de rap. De l’autre: les féministes, les fermés d’esprit et les racistes. Ceux-ci se plaisent à réclamer l’aspect fédérateur de cet hymne mais par leur attitude, ils créent une fracture entre les Belges. Simplement parce que Damso est étiqueté rappeur au lieu d’être simplement reconnu comme artiste, au contraire de Stromae en 2014. Allez les Diables.

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