La nouvelle présentatrice du JT de RTL, victime de commentaires racistes: à quand la fin de l’impunité sur les réseaux sociaux?

Salima Belabbas est le nouveau visage du 13h de RTL-TVi. Mardi, elle a effectué une première plutôt réussie. Jusqu’à ce qu’on découvre les commentaires de certains téléspectateurs sur les réseaux sociaux. Du pur racisme décomplexé. Dans l’air du temps.

À la sortie de son JT Salima Belabbas semblait satisfaite: « C’est une très chouette sensation, je me sens tout de suite un petit peu moins stressée là », expliquait-elle à ses collègues de RTL Info. La journaliste n’est pas une novice, elle était notamment aux commandes du magazine « Images à l’appui » et on pouvait aussi la retrouver durant les flashs infos lors des élections. Les vacances arrivant, Salima Belabbas a été propulsée au JT de 13 heures.

La présentatrice a dû très vite déchanter. Tant les commentaires racistes pullulaient sur les réseaux sociaux. Supprimés depuis par le modérateur de RTL Info, ils cachent un racisme qui s’est dorénavant installé dans nos sociétés occidentales. Un racisme qui ne dit pas son nom mais qui transpire le rejet de l’autre. La DH a pu compiler quelques commentaires:

  • « Eh oui, Hakima (Darhmouch) est partie. Falait vite trouver une solution! La météo, le JT… Il faut parfois se concentrer pour se rappeler qu’on est en Belgique. Bien triste. »
  • « Bientôt une femme voilée qui fera le journal sa serais bient. »
  • On pourrait avoir une belge pour présenter la TV en Belgique? Si c’est pas de l’incitation à la haine, ça… quel manque de respect.

Pas une première en Belgique

Des commentaires qui rappellent bien sûr les mésaventures connues par Cécile Djunga, présentatrice météo de la RTBF. Elle avait posté une vidéo dans laquelle elle expliquait, visiblement très touchée, avoir été victime de commentaires racistes sur ces mêmes réseaux sociaux. La vidéo avait eu un retentissement international, traduisant un phénomène qui est loin d’être exceptionnel.

https://www.facebook.com/ceciledjunga/videos/309535186268643/?t=0

Les réseaux sociaux ont permis une certaine libération de la parole. Chacun a désormais une voix qu’il peut faire entendre, souvent de manière négative. Le tout reste de savoir où s’arrête la liberté d’expression et où commence l’injure et le propos raciste, punissable par la loi, rappelons-le.

Le problème est que la loi n’est jamais appliquée dès que l’on quitte la place publique pour rejoindre les réseaux sociaux, ou que très rarement. Et cela n’a pas grand-chose à voir avec l’anonymat sur internet – nécessaire quand il s’agit de lanceurs d’alerte – car celui-ci peut être brisé par l’intervention d’une procédure judiciaire et d’un huissier.

Il faut aussi porter plainte. Et si Salima Belabbas préfère pour l’heure ne pas réagir et ne pas mettre d’huile sur le feu, RTL-TVi, par l’intermédiaire de son directeur de l’information Laurent Houlotte, laisse entendre qu’il s’agit d’une possibilité: « Il est certain qu’on ne laissera pas passer cela. Ce sont des faits inacceptables, intolérables », a-t-il commenté pour la DH.

Son regard sur les commentaires haineux? « Il y a une infime minorité de gens qui ressentent le besoin de s’exprimer sur différents sujets de différentes manières. C’est leur liberté. Nous modérons tout cela puisque ça ne cadre pas avec notre ligne éditoriale et ça n’a pas de place sur les médias RTL.”

Voilà qui relance le débat autour de la modération des réseaux sociaux. La modération a posteriori a ce désavantage qu’il laisse une trace même après sa suppression. Le message peut d’ailleurs vivre sur d’autres réseaux sociaux. Et puis, souvent, le mal est fait. Difficile de revenir en arrière une fois le ton donné dans les commentaires. A contrario, la modération a priori peut aussi limiter la liberté d’expression et place le modérateur en juge de ce qui peut et ne peut pas être dit. Débat difficile.

Adapter la loi?

Mais ce qui est sûr, c’est que l’impunité ne peut demeurer pour ceux qui enfreignent la loi. Un internaute l’a appris à ses dépens début juin. Il est le premier Belge a avoir été condamné pour haine raciale sur internet, c’était sur Twitter et il disposait d’un compte anonyme. Suite à plusieurs plaintes, l’individu a été condamné par le Tribunal correctionnel d’Anvers à 10 mois de prison avec sursis et 750 euros de dommages et intérêts. De quoi sans doute le faire réfléchir à récidiver.

L’Unia et le MRAX, mouvements contre le racisme, regrettent toutefois que la loi ne soit pas adaptée à l’heure des réseaux sociaux. La loi contre le racisme date de 1981 et a été modifiée en 2007, soit quand les réseaux sociaux étaient à leurs balbutiements. « Il faudrait à nouveau l’adapter pour intégrer cette composante dans la législation », déplore Carlos Crespo, président du MRAX, toujours pour la DH. Car pour l’heure, « ces gens se sentent intouchables ».

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