La gouverneure de l’Alabama promulgue officiellement la loi anti-avortement la plus stricte des USA

Une grande victoire pour les conservateurs, un pas de géant à reculons pour le droit des femmes. Dans la nuit de mercredi à jeudi, la gouverneur de l’Alabama a promulgué la loi anti-avortement la plus stricte des États-Unis. C’est simple, on parle d’une interdiction totale de l’IVG avec aucune exception, même en cas de viol ou inceste…

Mardi, le Sénat de l’Etat d’Alabama adoptait un texte de loi le plus répressif des États-Unis concernant l’avortement. En résumé, cette loi interdit purement et simplement l’avortement même en cas de viol ou d’inceste. Ainsi, les médecins pratiquant l’IVG risquent de lourdes peines de prison allant de 10 à 99 ans, carrément. Seules les urgences très graves seront tolérées comme par exemple si le foetus met en grand danger la santé de la mère ou s’il n’a aucune chance de survivre.

Ce mardi, il y avait encore une minuscule chance pour que ce texte ne soit pas adopté. Mais dans la nuit, la gouverneure de l’Etat, Kay Ivey 74 ans, a promulgué la loi justifiant que « toute vie est un cadeau de Dieu ». C’est désormais officiel, cette mesure sera véritablement effective dans 6 mois à partir de ce jeudi.

La colère gronde

Évidemment, une telle loi ne laisse personne indifférent et la colère gronde un peu partout dans le pays, surtout du côté du clan démocrate où l’on dénonce une attaque pure et simple envers les droits des femmes. Joe Biden par exemple, candidat pour les présidentielles de 2020, a souligné que le choix d’avorter « devait rester entre une femme et son médecin ».

Hillary Clinton, elle, semblait sous le choc: « Aucune de nous ne devrait accepter un avenir dans lequel nos filles et nos petites-filles auront moins de droits que nous n’en avons eus » a déclaré l’adversaire de Donald Trump aux dernières élections. Au Sénat d’Alabama, les mots étaient durs et puissants. Bobby Singleton, membre démocrate du Sénat, semblait désemparé au moment où les sénateurs ont rejeté toute exception à cette loi: « Vous venez de violer vous-même l’Etat de l’Alabama. Vous dites à ma fille: tu ne comptes pas dans l’Etat de l’Alabama… Les hommes peuvent te violer et tu auras ce bébé si tu tombes enceinte ». Glaçant.

Et évidemment, toutes les associations de défense des droits des femmes et globalement des droits tout court sont sur le qui-vive. C’est le cas de l’ACLU et de l’organisation du Planning familial qui ont d’ores et déjà prévu de saisir la justice pour empêcher l’application du texte.

Direction la Cour Suprême

Il reste encore un infime espoir que cette loi soit annulée. En effet, les opposants à cette loi comptent bien faire monter le dossier jusqu’à la Cour Suprême des États-Unis située à Washington, la plus haute juridiction du pays. Le but de la manoeuvre est de convaincre les 9 juges de revenir sur cette loi en invoquant la jurisprudence de l’arrêt « Roe v Wade » de 1973 qui avait légalisé l’avortement dans tout le pays.

Seulement voilà, parmi les 9 juges qui composent la Cour Suprême, il y a plusieurs conservateurs religieux spécialement choisis par Donald Trump et ça change tout. C’est justement pour ça que les Républicains conservateurs devaient faire passer ces lois avant que le mandat du président ne se termine, pour avoir le champ libre. La preuve avec cette déclaration de Terri Collins, l’élue républicaine à l’origine du texte: « Mon but (…) est de faire casser Roe v. Wade et que cette décision revienne aux États afin que nous puissions faire nos propres lois, avec des amendements, qui règlent ces questions. »

La gouverneure Kay Ivey qui a promulgué le texte est aussi de cet avis: « Beaucoup d’Américains, moi comprise, n’étaient pas d’accord quand l’arrêt Roe v. Wade a été rendu en 1973 » a-t-elle déclaré au moment de signer le texte.

epa

Une vague qui déferle sur tous les États

Si l’Alabama a adopté la loi la plus stricte, il est loin d’être le seul état à changer ses lois sur l’avortement. En effet, depuis le début de l’année, plus de la moitié des 50 états américains ont durci leurs lois sur l’IVG selon l’Institut Guttmacher qui défend le droit des femmes à l’IVG. Par exemple, la Géorgie a interdit l’avortement à partir du moment où les premiers battements de coeurs du foetus sont audibles, soit environ à la 6ème semaine de grossesse.

L’Ohio, le Missouri et le Tennessee se préparent également à faire passer une loi du genre. Bref, l’avortement divise plus que jamais la société américaine…en 2019. Selon un sondage du Centre de recherches Pew datant de 2018, 58 % des Américains estiment que l’avortement devrait être légal, contre 37 % à souhaiter son interdiction. Il ne reste plus qu’à observer ce qui se passera à la Cour Suprême mais en tout cas, plusieurs des 9 juges ont annoncé ne pas vouloir revenir sur la jurisprudence de 1973 mais c’est sans compter l’acharnement des conservateurs américains. En tout cas, avec cette loi, l’Alabama se met au même niveau que des dizaines de pays en développement. Qui disait « Sweet home Alabama », encore?

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