Jean-Marc Nollet (Ecolo): « Sur bon nombre de questions de société, les préoccupations sont les mêmes au nord et au sud du pays »

À un mois des élections, nous avons discuté avec chaque président de parti. L’heure de tirer un bilan, mais aussi de se pencher sur les incertitudes du dimanche 26 mai. On a également essayé de savoir ce qui a et va être fait pour les jeunes. 

Ecolo a connu des élections difficiles, mais semble avoir mangé son pain noir. Est-ce que la vague verte peut se traduire dans les urnes?

Je l’espère, évidemment. Mais pour l’instant, ce sont des résultats de sondages. On sait tous que la seule chose qui compte, c’est le résultat du 26 mai. Le travail a été réalisé. On a fait le travail ici au Parlement depuis le premier jour après les élections. Nous avons proposé. Nous avons critiqué. Nous avons analysé. Nous avons rédigé des textes de loi. Nous avons aussi relayé ce que les citoyens, les associations et les entreprises demandaient. Tout ça, je pense, participe de ce que vous appelez la vague verte.

C’est vrai qu’une première étape a été franchie avec les élections communales du mois d’octobre, avec de beaux résultats. Et surtout avec de belles concrétisations dans les négociations et dans la formation des majorités communales. On espère aussi avoir un bon résultat au mois de mai. Jusqu’au bout, jusqu’au 26 mai, nous travaillerons pour avoir ce résultat.

Pour que cette vague verte s’inscrive dans toute la population, il faut peut-être se détacher de cette étiquette de bobo, qui colle aux basques d’Ecolo?

Écoutez, j’ai profité des congés de Pâques pour aller sonner aux portes dans mon Hainaut. Dans la région de Charleroi, notamment. À aucun moment les personnes qui nous ont ouvert, qu’elles soient pour ou contre Ecolo – qu’elles nous critiquent ou qu’elles nous soutiennent – ne nous ont classifiés comme étant « bobo ». C’est un concept sur lequel on nous interroge régulièrement quand on s’adresse aux médias. Mais je pense que pour les citoyens, pour les familles, pour les gens qui nous regardent et qui nous écoutent, ça n’a que peu d’importance. Ce qui compte, c’est le contenu et non pas l’étiquette que certains essaient de nous mettre.

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Vous avez eu récemment un débat avec Bart De Wever, un débat plutôt cordial, mais houleux, lors duquel a pu constater une opposition quasi totale, voire deux visions de la société complètement différente.

Effectivement, ce sont deux modèles de société différents. Mais ce ne sont pas deux démocraties. Bart De Wever aime, lui, raconter sa petite histoire et dire : « Il y a d’un côté la Wallonie, c’est une démocratie et nous, on fonctionne totalement différemment. » Non. Dans les autres dimensions du sondage qui vient d’être diffusé, on a d’ailleurs vu que sur bon nombre de questions de société, les préoccupations sont les mêmes au nord et au sud du pays. Mais c’est vrai que sa manière de répondre aux problèmes – la manière de la NV-A est de toujours trouver des boucs émissaires, de travailler en milieu fermé, racrapoter et toujours sur le court terme – est très différente de notre manière à nous, qui est cosmopolite ouverte, jeune et moderne. On essaie de jeter des ponts, là où, lui, veut mettre des murs. Donc effectivement, j’assume complètement le fait que ce sont deux modèles de société fondamentalement différents.

Il n’en reste pas moins qu’en Belgique, on ne gouverne pas seul. Comment fait-on pour se passer du plus grand parti – potentiellement – de Flandre?

La décision appartient aux électeurs. Pour contourner la NV-A, il faut que les électeurs choisissent de soutenir d’autres partis et c’est possible. C’est possible d’envisager qu’au soir du 26 mai, la NV-A soit contournable. À ce moment-là, des coalitions seront bien entendu nécessaires. En Belgique, on est dans un système politique avec des majorités de coalitions. Ce n’est pas un parti unique, heureusement. D’ailleurs, on a un peu trop vécu cette situation avec la NV-A, un parti archi-dominant qui impose sa loi, notamment aux francophones qui étaient archi-minoritaires au sein du gouvernement. Je suis favorable à un modèle beaucoup plus équilibré pour la prochaine législature.

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Il y a quand même ce fameux record de 541 jours. Comment l’éviter? Tout le monde y pense…

Oui, bien sûr. Je crois qu’aucun Belge n’est fier de ça. Nous n’y étions pas, c’était l’époque Di Rupo, etc. Mais qu’importe, je pense qu’au soir des élections, il y a deux possibilités. On l’évoque déjà. Il y a un modèle qui se construit autour de la NV-A – des partis pourraient se raccrocher à ce modèle-là – et puis un modèle qui pourrait se construire autour d’Ecolo-Groen et des progressistes.

Quelle est votre coalition idéale, que ce soit à tous les niveaux de pouvoir: en Wallonie et à Bruxelles, au Fédéral?

Je vais vous répondre très simplement, comme je le fais depuis 20 ans: celle qui réalise le plus nos objectifs, nos propositions et notre programme.

Vous sembliez quand même exclure le PTB lors du débat.

La question du PTB est très facile à partir du moment où eux-mêmes ont décidé de ne pas participer au gouvernement, parce que ça ne leur convient pas tant qu’ils n’ont pas 50%. C’est un peu la démarche ou la logique dans laquelle ils sont, ils l’ont expliqué. Ils l’ont aussi démontré au niveau communal. À Herstal, par exemple, ils auraient pu intégrer une majorité communale, mais non. Tant qu’ils n’ont pas tout ce qu’ils demandent et tout de suite, ça ne leur va pas. D’ailleurs, ils ne s’en cachent pas. Dans les vraies prises de position structurantes du PTB, ils préfèrent être dans la rue qu’être au Parlement. Ils préfèrent être dans la rue qu’être au gouvernement et préfèrent attendre le Grand soir du grand jour où ils auront 51%. En ce qui me concerne, je préfère travailler aux dizaines de petits matins plutôt qu’au Grand soir du grand jour.

Jean-Marc Nollet, Premier ministre?

Non, non.

Peut-être Kristof Calvo, alors?

Calvo, oui peut-être. Ou Meyrem Almaci, Zakia Khattabi ou bien d’autres encore.

Qui dit Ecolo dit transition énergétique.

Ah ça, c’est clair.

Elle a un coût. On peut comprendre cette Flandre qui dit: « Qui va payer? »

Bien sûr. C’est une question extrêmement importante et je ne vais pas me défiler par rapport à cette question-là. La transition énergétique, mais pas seulement énergétique, la transition écologique globalement, a un coût. Mais ce coût est moins important que le coût de l’inaction. Aujourd’hui, les pollutions, aujourd’hui les embouteillages coûtent très cher. Le chiffre de la FEB sur les embouteillages est de 8 milliards d’euros. Demain, si nous arrivons à transférer une partie des publics qui viennent vers Bruxelles en voiture, seuls très souvent, vers des déplacements en train, on économisera 8 milliards d’euros. Ça a un coût parce qu’il faut investir dans les rails, mais il faut investir moins que ce que cela peut rapporter.

C’est une question donc de préfinancement. C’est la même chose dans l’isolation des bâtiments par exemple, pour les citoyens qui veulent isoler leur maison. Il faut que l’autorité publique vienne aider le citoyen à isoler sa maison. Et après, c’est rentable. On a fait un calcul: pour une maison moyenne, on gagne environ 100 euros par mois si la maison est bien isolée. Il faut que quelqu’un préfinance: c’est le rôle de l’autorité publique. Puis, on peut se rembourser sur la diminution des factures.

Concrètement, en restant sur le thème de la mobilité: vous proposez une gratuité des transports en commun pour les moins de 25 ans, les chômeurs et les bénéficiaires du CPAS. Comment fait-on?

Ce n’est pas compliqué. C’est grosso modo 350 millions d’euros. Ce n’est pas ce qui coûte le plus cher et ça nous permet, à nous, de dire que des impacts actuellement payés par la Sécurité sociale pour la pollution par les particules fines ne devront plus être payés. On a donc une économie en matière de Sécurité sociale et on a une dépense en transport. On fait un transfert entre les deux, ce n’est pas compliqué.

C’est la classe moyenne qui devra contribuer? Parce qu’un transport en commun gratuit n’est jamais vraiment gratuit.

Je n’ai jamais dit qu’il était totalement gratuit. Il est payant. Je vous dis comment on le transfert. Mais ce ne sont plus les citoyens, notamment la classe moyenne que vous visez à juste titre, les jeunes qui sortent des études avec un diplôme ou les jeunes qui sont encore aux études jusqu’à 25 ans. Dans notre proposition, cette classe moyenne-là ne devra pas payer son transport en commun.

C’est un moment important de la vie, parce que les jeunes à ce moment-là font des choix structurants. Est-ce que je passe mon permis? Est-ce que j’achète une voiture ? Non. Nous leur disons : « Prenez le choix le plus simple. Vous avez des transports en commun: bus, tram, métro, train. Prenez-les, ce sera gratuit pour vous. Organisez votre vie en fonction de ce choix qu’on vous offre ici. »

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Même chose sur l’allocation universelle pour les 18-26 ans. Jan Jambon a parlé de « catastrophe économique » si les verts arrivaient au pouvoir. Georges-Louis Bouchez a parlé de « massacre de la classe moyenne ». Que leur répondre? Que répondre à la classe moyenne qui peut s’inquiéter ?

Évidemment, quand ils sont face à de tels slogans… c’est comme si on allait manger les petits enfants. Allez, où est-ce qu’on est? C’est bien la preuve qu’il y a une certaine forme de panique dans les partis traditionnels, N-VA compris. J’entends encore aujourd’hui des propos hallucinants de Bart De Wever criant sa peur de ce qui va se passer au sud du pays. Restons très calmes. Ce qui se passe au sud du pays, ce qui se passe au nord du pays, la poussée des Verts, se passe également en Allemagne. Je ne l’entends pas crier à propos de ce qui se passe là-bas. Le seul fait réel qui doit effectivement angoisser Bart De Wever, c’est que la N-VA risque d’être contournable. À ce moment-là, je peux comprendre son sentiment de panique.

Mais en ce qui concerne les jeunes et l’allocation universelle, le revenu de base que nous offrons aux jeunes, c’est simplement un transfert des allocations familiales. C’est un transfert des budgets du chômage parce qu’aujourd’hui, nombre de jeunes ne trouvent pas d’emploi. Ils veulent se lancer dans des activités d’indépendant, mais n’ont pas le soutien de base nécessaire pour créer leur activité. Avec ce que nous ici on propose, ça permettrait de créer de l’activité et de créer de l’emploi. Et donc, cela participe d’une dynamique économique positive qui va avoir un return, qui va faire qu’au final, ce sera non payant au global du budget avec l’équilibre des recettes et des dépenses.

Pour revenir sur cette transition écologique: comment ne pas faire en sorte qu’elle pèse sur les entreprises? C’est vraiment la critique de Bart De Wever et de la N-VA. On a vraiment peut-être un dilemme capitalisme/écologie dans ce cas là.

On a clairement un dilemme entre un modèle capitaliste néo-libéral qui dérégule et qui fait que certains bénéficient très fort aujourd’hui des largesses de l’État: les spéculateurs, les pollueurs, les multinationales, les diamantaires… toutes ces entreprises et tous ces lobbies, aussi, que Bart De Wever aime tant et aime tant protéger. C’est clair qu’eux vont avoir des difficultés, mais pour les autres personnes, et il n’y a quand même pas beaucoup de gens qui habitent dans une maison et qui, au-delà de leur maison et de leurs outils professionnels, ont plus d’un million d’euros.Je ne sais pas si c’est votre cas, je n’en ai pas l’impression en tout cas. Je ne sais pas si c’est le cas de beaucoup de gens qui nous regardent, je n’en ai pas l’impression. Mais c’est vrai que dans notre proposition, pour équilibrer le budget, ceux qui, en mettant le coût de leur maison de côté, ont un capital de plus d’un million d’euros devront commencer à payer au-delà du million. Pas en deçà.

Franchement, je comprends bien qu’il y ait quelques diamantaires qui commencent à paniquer, c’est normal. Mais la plupart des gens ne sont pas touchés. Il suffit qu’ils regardent leur compte en banque, s’ils n’ont pas un million de dépôts et d’actions, etc. Ils ne seront pas touchés par cette mesure-là. Mais oui, il y a besoin de redistribuer entre les plus riches et la classe moyenne et les gens qui sont plus précarisés. Ça fait partie de notre programme, on ne s’en cache pas, ni Groen d’ailleurs.

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