« Je suis désolé pour ton pays. » Cette phrase hante mes jours et mes nuits depuis que mon ami syrien me l’a dite ce matin du 23 mars 2016. Depuis, la colère qui m’éprouvait s’est transformée en tristesse. Celle de l’impuissance. Avant, les images de guerre, de sang et de détresse nous agressaient les yeux et le cœur le matin à la une des journaux et le soir à la télévision. Aujourd’hui, être connectés nous afflige en permanence. Sans doute est-ce pour un bien: celui d’enfin se rendre compte de l’incroyable hypocrisie de ceux qui nous dirigent et de l’inéluctable aliénation à laquelle nous sommes soumis.
Oh oui, mon ami, je suis désolé pour ton pays.
Je ne peux m’excuser d’être né là où le destin l’a choisi mais je réalise à quel point la chance m’a souri. Un endroit où la guerre était jusqu’à peu un concept devenu historique. Un lieu de vie où l’idéal linéaire faisait bon train et la question sécuritaire n’était que sociale et sanitaire. Une partie du monde où l’histoire semblait définitivement écrite au passé et l’avenir jugé au présent.
Toi, l’enfant d’Alep, tu appelles à l’aide. Sache que des millions de gens t’ont entendu et que je sais que chacune de ces âmes aimeraient te prendre par la main et te rendre la vie qu’on t’a enlevée. Mais personne ne le peut. Pourquoi? Car les élus et les moins élus de ce monde l’ont décrété ainsi. Ils ont attendu, discuté et décidé de ne pas bouger. Au contraire, ils ont cru bon de laisser faire dans le but de protéger au mieux leurs intérêts, économiques d’abord, diplomatiques ensuite. Le pire est à venir, petit Homme, car ils continuent. La bataille de Mossoul vient à peine de commencer qu’ils pensent déjà à leurs arrières.
Ô Dieu, que tu es injuste. Puissent les croyants de Syrie et d’Irak t’entendre car si tu m’as retiré la foi dès mes premiers pas, aujourd’hui Pandore tente de m’arracher le peu d’espoir qu’elle m’avait laissé. Comment croire encore en l’Humanité quand chaque instant n’illustre que le règne animalier ?
À vous, les ‘grands’ de ce monde qui décident de son futur sans nous consulter, je vous écris ce mot car tel semble être mon ultime recours. Je m’abaisse à vous supplier car c’est la dernière illusion que j’ai. Il est trop tard pour revenir en arrière et sauver les centaines de milliers de vies tuées par votre insouciance. Il est trop tard pour changer le récent passé et rétablir leur normalité aux millions de personnes rampant pour leur survie. Il est plus que temps que cela cesse. Vous devez arrêter le massacre non pas par le droit que vous octroie votre fonction de chef d’État mais par votre devoir en tant qu’être réfléchi et animé.
Je ne supporte plus de pleurer face aux images qui nous assomment, nous, citoyens impuissants de ce monde sanguinaire. Je n’en peux plus de voir ces enfants ensanglantés, handicapés, affamés et exterminés par une guerre qui n’est pas la leur. Le pétrole, le gaz, les mers chaudes, et tout le reste, ils n’en ont que faire. Les seules ressources dont ils ont besoin ne sont qu’un peu d’eau et de pain, offerts par des millions de mains.