Fuite des dividendes, mauvaise gestion financière… les révélations d’un ancien délégué syndical de Caterpillar qui font mal

La Libre Belgique est partie à la rencontre de Guy Raulin, un ancien délégué syndical qui a travaillé près de 40 ans sur le site de Caterpillar à Gosselies. Il a aussi écrit un livre qui s’immisce dans le fonctionnement même de l’entreprise. Ses révélations sont dures à entendre depuis l’annonce de la fermeture du site qui laisse près de 5000 personnes dans une situation précaire. Extraits choisis…

Guy Raulin commence par expliquer à La Libre Belgique la situation de l’entreprise à ses débuts. Il note la différence presque culturelle qui existe entre « le cow-boy américain » et l’ouvrier carolo et la tradition syndicale qui l’accompagne. « Ils ne savaient pas très bien où ils étaient et pour eux, les syndicats étaient inutiles. On a eu des frictions en permanence, surtout au début », rappelle celui qui a travaillé pendant 40 ans pour l’entreprise américaine.

Il loue cependant le caractère transparent des Américains: ils « ne cachent rien, tout est publié, les chiffres sont publics. Ils sont très concrets et clairs : s’ils vous virent, ils vous appellent et c’est « au revoir », explique Guy Raulin. « Ils sont aussi très légalistes », c’est-à-dire qu’ils ne vont rien faire de plus que ce que la loi n’oblige. Dans ce cas-ci, ils s’en sont tenus strictement à la procédure Renault, et c’est pour cela que l’annonce n’a pas été communiquée au monde politique, ils privilégiaient d’abord le conseil d’entreprise.

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Propriétaire de rien

Comme pour les procédures, les montages fiscaux sont aussi créés dans le respect de la loi. « En Belgique, ils ont reçu des cadeaux publics, bénéficié des intérêts notionnels, des avantages fiscaux du tax shelter,… qui leur permet d’être très loin de payer les 33 % d’impôts sur leurs bénéfices réels », fait remarquer l’ancien syndicaliste. Mais tout ceci est bien entendu légal.

Mais il y a quand même deux trois choses que Guy Raulin conteste: depuis 2001, les propriétaires américains ont vidé l’usine de son capital physique. « Juridiquement, Caterpillar Belgique n’est plus propriétaire ni de son stock, ni de ses matières premières, ni de son matériel roulant, ni de ses machines, ni de ses meubles. Tout appartient désormais à Caterpillar en Suisse. » Genève a donc tous les pouvoirs pour négocier avec les fournisseurs mais aussi avec les clients de Gosselies.

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195 millions se volatilisent

Mais ce n’est pas tout: en 2005, l’auteur de l’ouvrage sur le fonctionnement de l’entreprise, note que 195 millions d’euros de dividendes ont subitement disparu du territoire belge pour atterrir en Suisse. Et pour lui pas de doute, cette fuite des dividendes s’opère pour des raisons fiscales. « À l’époque, la direction nous avait expliqué qu’ils passaient par la Suisse pour répondre à une loi américaine voulant favoriser le retour de capitaux vers les États-Unis. »

Parce que oui, c’est bien ça le but final: le retour des capitaux vers la maison-mère dans l’Illinois. Cet argent « passe par une série de filiales installées dans des paradis fiscaux, tels que les Bermudes ou le Delaware (État américain à très faible imposition). Ce montage fiscal a été établi en 2010 selon l’ancien délégué syndical « et je n’ai pas été informé d’un changement depuis. » Dans cet optique, les bénéfices belges de Caterpillar passent « obligatoirement » par des paradis fiscaux avant d’atterrir aux Etats-Unis.

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Une gestion financière qui va droit dans le mur

Mais le plus gros souci avec l’entreprise Caterpillar, toujours selon l’ancien syndicaliste, c’est qu’ils ont annoncé à leurs actionnaires que jamais ils ne diminueraient les dividendes par action. « Et ils ont tenu promesse ». L’idée derrière tout ça, c’est qu’il faut choyer l’actionnaire pour montrer au marché que l’entreprise est stable en Bourse et fiable.

Tout le souci est là pour Guy Raulin, « comment peut-on garantir des dividendes en perpétuelle croissance alors que les bénéfices sont, surtout dans ce secteur, cycliques ? Cela va forcément « clasher » à un moment », conclut-il, non sans lancer une dernière petite pique: l’investissement de 150 millions en 2013? C’est ce qui a fait couler l’entreprise selon lui. Cet argent servait uniquement à la mise aux normes environnementales TER4 visant à réduire la pollution des moteurs industriels en Europe. « Cela a cassé Gosselies : l’Afrique et le Moyen-Orient, marché traditionnel de l’usine belge, ont préféré acheter des moteurs moins chers et non soumis à cette norme en Chine.

Voilà qui boucle la boucle.

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