Faut-il inclure le féminicide dans le code pénal belge ? 

À l’approche des élections, les nouvelles revendications de parti se multiplient, et parmi elles, la reconnaissance du féminicide dans le droit pénal s’insère, notamment chez Ecolo et au cdH. Théorisé par l’écrivaine américaine Diana Russell à la fin des années 80, ce terme désigne le meurtre des femmes perpétré à cause de leur condition féminine. Mais une entrée pénale du terme servirait-il vraiment la lutte contre le sexisme ? 

« 90% des ados victimes de meurtres aux USA sont des filles« . « Déjà 25 féminicides en Belgique depuis le début de l’année« . Depuis quelques mois, ce terme sociologique autrefois inconnu du grand public s’est propagé dans l’univers médiatique francophone. On parle de femmes tuées uniquement parce qu’elles sont femmes, majoritairement par des hommes. Ces faits divers qu’on appelait autrefois « crimes passionnels » ont aujourd’hui changé de nom pour pointer une condition systémique du meurtre des femmes.

Le terme va même jusqu’à s’immiscer en politique. Chez Ecolo, Zakia Khattabi demande d’arrêter de banaliser le féminicide au micro de La Première. Tandis qu’au cdH, Dorothée Klein et Béa Ercolini, fondatrice de l’association Touche Pas À Ma Pote, revendiquent sur Twitter une entrée au code pénal du terme.

Une idée grandement inspirée par plusieurs pays d’Amérique Latine, qui depuis 2007 se succèdent dans la reconnaissance du féminicide via des textes de loi qui responsabilisent l’Etat dans la protection des femmes. En Europe également le féminicide fait son entrée dans le code pénal, notamment en Espagne et en Italie. En Belgique, une résolution a été votée en 2016, afin de « qualifier de féminicides les violences à l’égard des femmes et d’élargir le champ sémantique à l’hétérosexualité forcée » (Axelle Mag, 2016). Un premier appel à qualifier pénalement le terme.

Une idée qui fait débat dans les milieux féministes

Pour Béa Ercolini (cdH), citée plus tôt, : « Tant qu’une chose n’est pas interdite, elle est permise. Préciser les choses, on doit pouvoir qualifier un meurtre de féminicide ». Une envie qui ne sied pourtant pas à tout le monde, et ce même dans les milieux féministes.

Fem & L.A.W. est une association qui s’applique à relire la loi avec un oeil féministe, en cherchant à « changer le droit en tant que structure sociale androcentrée ». En d’autres termes, dans une démarche critique, relire les textes légaux écrits à une époque où les femmes n’avaient pas la parole pour en déceler les injustices. Une ASBL qui regroupe un peu plus d’une quinzaine de membres actives, toutes juristes, chacune avec leurs spécificités.

Parmi elles, Olivia Nederlandt, spécialiste en droit pénal et membre de l’observatoire international des prisons. Pour elle et pour la majorité de Fem&Law, « Instrumentaliser le féminisme pour encourager la répression n’est pas la solution. » On entre dans le fameux débat prévention/répression : « Pour le politique, c’est plus facile de rajouter une ligne au code pénal que de véritablement mettre des programmes de grande ampleur et sensibiliser au sexisme. L’outil pénal ne se centre que sur la responsabilité individuelle, et ne cherche pas à changer les choses sur le long terme. Ce n’est pas comme ça qu’on changera le problème du sexisme dans la société ».

Recenser et sensibiliser plutôt que de pénaliser

Quelle solution pour freiner le chiffre grandissant des féminicides en Belgique ? Pour Olivia Nederlandt, envisager une baisse passe par une reconnaissance sociale du problème : « Il faut absolument recenser, arrêter d’invisibiliser le problème, et arrêter de vouloir passer des lois symboliques. Une fois le symbole obtenu, des gens finiront en prison avec des peines plus longues, et n’en sortiront pas forcément moins sexistes. »

Niveau recensement, la Belgique est encore à la traîne. Il n’existe pas de statistiques officielles sur le meurtre des femmes parce qu’elles sont femmes. L’association Vie Féminine a donc pris l’initiative, via un site sobrement intitulé « stopféminicide » et uniquement en scannant le paysage médiatique à la recherche de faits divers, de les comptabiliser. Bilan : 36 l’année dernière et 9 pour l’instant en 2019.

Au final, il sera de toute façon difficile de trouver une solution simple à un phénomène aussi complexe. Le féminisme a encore de beaux jours devant lui, à travailler pour essayer de rendre la société un peu moins sexiste, et éviter de créer de nouvelles victimes.

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