Face au « jobs deal », Ecolo propose un revenu universel pour les jeunes: « Le marché de l’emploi de papa, c’est terminé »

Mesure phare de juillet dernier, le « jobs deal » n’a finalement pas abouti. La faute à un gouvernement fédéral qui a explosé en plein vol. Ce projet qui vise à stimuler le marché de l’emploi et l’accès aux métiers en pénurie n’a toutefois pas été abandonné. Mais pour Ecolo, il est largement punitif et pas adapté à la situation actuelle. Les Verts proposent deux mesures phares, pas neuves, mais affûtées, « qui répondent aux défis du marché de l’emploi au 21e siècle ».

C’est un rapport de la Commission européenne qui a tout déclenché. Il précisait que 135.000 emplois étaient vacants en Belgique, soit deux fois plus qu’en 2015. Partant de ce constat et fort de ses 222.000 emplois créés en quatre ans de législature, le gouvernement fédéral entend poursuivre le travail. Le jobs deal était né, dans le contexte d’un exercice budgétaire. Car oui, si le jobs deal doit faire baisser le nombre de chômeurs, il donne forcément un coup de pouce aux recettes de l’État.

De ce jobs deal découlent 28 mesures. Elles vont de la dégressivité accélérée du chômage à l’encouragement de formations aux métiers en pénurie, en passant par la hausse de l’âge à 60 ans pour l’accès à la prépension.

Logique punitive

Mais pour Gilles Vanden Burre (Ecolo), député fédéral, « 3/4 du jobs deal » ne va pas dans le bon sens. Car il applique une logique punitive: « Il suppose qu’une grande partie des chômeurs le sont par choix », c’est la fameuse théorie qui dit que le chômeur doit être stimulé pour bouger de son canapé, le même qui se complaît dans ses allocations. Tout au plus « le fruit d’une minorité », rétorque le député.

Le durcissement des droits aux allocations de chômage est un exemple punitif, mais il n’est pas neuf. Le gouvernement Di Rupo (PS) les a d’abord conditionnés – à regret, a-t-il expliqué après coup – tandis que le gouvernement Michel les a limités dans le temps, introduisant également une première dégressivité. C’est cette même logique, poussée par l’Open VLD et la N-VA, surtout, qui a primé en juillet dernier lors de l’accouchement du jobs deal.

Gilles Vanden Burre/Twitter

Si cette dégressivité du chômage s’accompagne d’une hausse des allocations pour les six premiers mois, cela reste une « logique de punition », à l’exact opposé de la conception d’Ecolo. Les Verts ont d’autres idées pour stimuler l’emploi en Belgique: « Le marché de l’emploi de papa, c’est terminé. Nous, nous sommes dans une logique différente, qui mise sur l’émancipation des individus. Une logique qui vise à les encourager tout au long de leur carrière. »

Le revenu universel

Et cela passe par deux mesures phares entre autres. Une première serait de mettre en place un revenu universel pour les jeunes de 18 à 26 ans. Compris entre 480 et 600 euros selon la situation familiale du jeune. Un revenu inconditionnel et qui s’ajouterait aux autres formes d’allocation.

Un gouffre pour nos finances? « 3 milliards d’euros. C’est beaucoup », reconnaît tout de suite le député. Mais un budget pas extravaguant pour autant: « En ciblant les jeunes, on reste crédibles. Étendre le revenu universel à toute la population ne serait pas raisonnable », précise le Gilles Vanden Burre, en ajoutant, pour l’exemple, que « le système des voitures de société coûte 4 milliards de manque à gagner pour l’Etat. »

Mais pourquoi les jeunes? Car ils sont les premiers à souffrir des restrictions aux allocations de chômage. C’est une époque charnière. Un jeune de 21 ans qui n’aurait pas obtenu de diplôme du secondaire ou une formation qualifiante se voit exclu des allocations. Même chose pour une jeune de 25 ans qui n’aurait pas obtenu son diplôme du supérieur dans les temps.

En ressort une population fragilisée, « de l’ordre de 20% à Bruxelles, un peu moins en Wallonie », hors système, qui vient alourdir les caisses des CPAS, dont les chiffres explosent. « Il existe une expression anglaise pour cela, les NEET‘s pour Not in Education, Employment or Training. Il s’agit de jeunes qui ne sont ni employé, ni stagiaire, ni étudiant. » Là où le gouvernement fédéral veut les stimuler par la pression, les Verts penchent pour l’émancipation. Deux philosophies totalement opposées, irréconciliables.

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La 2e chance

Le député tient toutefois à souligner les points qui font consensus à l’intérieur du jobs deal, comme les avantages liés au choix d’une formation pour un métier en pénurie, tous âges confondus. Mais Ecolo veut aller plus loin en proposant une deuxième chance voire une troisième. Donner la possibilité à une personne de démissionner pour changer d’orientation ou tout simplement parce que cette personne s’est plantée.

Une mesure qui aurait le mérite « de dynamiser le marché de l’emploi ». Le travailleur démissionnaire garderait son droit à une allocation, ce qui maximise ses chances de se réorienter ou même de lancer son propre business: « Qui aujourd’hui fera le même métier toute sa vie? C’est une manière de répondre aux défis du marché de l’emploi au XXIe siècle. » Et de fait, une personne qui aurait un emprunt hypothécaire hésitera certainement moins à se lancer dans l’aventure.

Une logique qui vaut pour les jeunes aussi. On sait que les obliger à se lancer dans une formation à contrecœur ne porte pas toujours ses fruits, quelle que soit la situation économique et sociale de la famille d’ailleurs. Un point de vue partagé par plusieurs experts cités dans Le Monde: dans une famille favorisée, les enfants auront tendance à choisir des études supérieures pour « rassurer papa et maman ». Dans une famille plus populaire, la tendance sera de suivre « l’institution ou les conseils de l’établissement ». Établir une liste de formations des métiers en pénurie peut ici faire sens. Mais obliger quelqu’un à faire quelque chose sans envie comporte sa part de risques. Que vous soyez dans une famille précaire ou aisée, vous vous retrouvez à termes avec le même problème: des chômeurs potentiels qui viendront garnir le marché. Au bout du compte, ce sont les finances qui en pâtissent.

Et maintenant?

Car le nœud du problème est bien là: assainir nos finances, entrer dans les clous tout en préservant notre modèle social. Une personne qui travaille rapporte à l’État, là où une personne au chômage lui coûte. La question est immense, presque philosophique: pour mettre un maximum de monde sur le marché du travail, faut-il manier le bâton ou opter pour la carotte? Les Verts ont fait leur choix.

La FEB (Fédération des entreprises belges) en a fait un autre en pressant le monde politique à agir en faveur du jobs deal. Un choix logique puisqu’il lui rapporte fiscalement.

Mais dans les faits, aucune garantie sur sa mise en place: le gouvernement fédéral a perdu sa majorité le mois dernier, difficile de savoir si les quatre partenaires (N-VA-CD&V-Open VLD-MR) voudront avancer sur ce dossier. Ce qui est sûr, c’est que le CD&V ne voudra certainement pas faire de cadeau à la N-VA. De plus, l’opposition dispose de tous les outils nécessaires pour retarder le vote jusqu’aux prochaines élections et au rebattement des cartes.

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