Être rémunéré pendant ton stage? Une revendication qui fait du bruit chez les étudiants belges

La douce époque des stages. Quelques mois pour apprendre sous l’oeil attentif de professionnels, l’occasion de commencer à construire ton réseau tout en apprenant les réalités du métier. Du moins, c’est ainsi que beaucoup l’idéalisent. Depuis quelques jours, l’Union Syndicale Étudiante a décidé de militer pour une rémunération des stagiaires, afin d’éviter une surexploitation de la main d’oeuvre gratuite étudiante. Une mesure qui pourrait cependant fermer la porte de certains lieux de stage et encourager la compétitivité.

« J’ai des horaires de bureau pendant mon stage, je me réserve mon samedi, mais je travaille toute la journée le dimanche, quatorze heures d’affilée. J’ai demandé à ma maîtresse de stage d’arriver un peu plus tard le lundi, pour récupérer, mais elle a refusé. Du coup, je suis à six jours sur sept, dont un seul rémunéré… » Marine*, 26 ans, étudiante en communication, jobiste et stagiaire, nous raconte le rythme qu’elle a dû s’imposer ces dernières semaines pour pouvoir subvenir à ses besoins. Un cas loin d’être isolé, et qui a encouragé le lancement d’une action contre le travail gratuit par l’Union Syndicale Étudiante (USE), filière jeune de la FGTB (Fédération Générale des Travailleurs Belges, liée aux socialistes).

« Le week-end, je n’avais plus la force de travailler »

Merlin Gillard et Marie Belenger, deux membres de l’USE, expliquent la genèse de cette campagne, inspirée d’un mouvement lancé il y a déjà trois ans au Québec, dont le point d’orgue aura été la grève des stages retentissante en ce début d’année : « Ça leur a pris du temps pour en arriver là. On en est encore à essayer d’ouvrir un débat en Belgique sur une thématique large et internationale. On a eu beaucoup de retours de la part d’étudiants assez enthousiastes depuis jeudi dernier, et déjà 230 réponses à un sondage qu’on a lancés à ce moment-là. Ce qu’on remarque beaucoup dans les données qu’on récolte, c’est que 60% des stagiaires ont un job en dehors de leur stage, pour la moitié qui le laissent en pause durant le stage. »

Abandonner son job, c’est un luxe ou un risque que peu peuvent se permettre. Gauthier par exemple, en stage chez Viva For Life, a dû sacrifier son travail de vendeur à Walibi: « J’adorais les tâches qu’on me demandait de faire, mais c’étaient des horaires de fou, et le weekend je n’avais plus la force de travailler. Heureusement, mes parents m’aidaient un minimum. » Cette rémunération pourrait donc aider les étudiants jobistes à garder un minimum de congés sans peur de finir dans le rouge.

Un travail identique à celui des employés

L’autre problème du stage, c’est l’impression de ne faire que remplacer un employé… gratuitement. C’est en tout cas ainsi que le présentent Marie et Merlin, de l’USE: « 60% de nos répondants affirment avoir effectué les mêmes tâches qu’un réel employé pendant leurs expériences professionnelles. Bien sûr, on dit souvent que c’est un moindre mal si on peut se faire embaucher après, mais ça reste extrêmement rare, ou alors dans des sections très privilégiées. » Certains lieux de stages annoncent même cartes sur table leur incapacité à embaucher, comme Marie a pu le vivre. « J’ai fait un stage en librairie, et dès le premier jour on m’a annoncé qu’ils n’auraient pas de place pour moi par après. »

Il peut également arriver que certains se retrouvent à faire des tâches ingrates, dont personne ne veut. Pour son premier stage, Auguste* s’est retrouvé à encoder des fichiers excel dans un agenda culturel: « J’ai travaillé pour un lieu de concert à Bruxelles en tant que stagiaire, et à priori je n’avais pas de soucis avec le fait de faire des tâches ingrates, mais je n’ai pas appris grand chose, je n’étais pas en contact avec l’équipe, et je n’avais aucun lien avec ma filière de base… »

Stages dans le social en danger et compétitivité accrue

D’après Dominique Thibaut, maître de pratique à l’ISFSC (Institut Supérieur de Formation Sociale et de Communication) la rémunération constituerait une « injustice » qui encouragerait à la compétition: « Dans notre haute école, nous interdisons tout salaire, pour éviter que les étudiants ne se ruent vers les stages payés, et qu’ils n’aillent pas vers un secteur qui leur plaise, juste pour pouvoir gagner un peu d’argent. » Une autre question importante pour Dominique, c’est la fermeture des portes de certains lieux en cas de rémunération obligatoire: « On a tendance à encourager des stages dans des ASBL, des lieux sociaux, qui ont peu de budget, et qui n’auraient pas les moyens de payer leurs stagiaires. »

Tous les étudiants ne sont pas forcément totalement en faveur de la rémunération. Auguste*, qui nous parlait plus tôt de son expérience teintée d’Excel, pense à des amis français qui se heurtent au peu de places proposées, dans un pays où la rémunération est obligatoire passés deux mois de stage: « J’ai un pote qui a postulé dans 240 endroits, qui était prêt à faire 300 bornes pour trouver un endroit où travailler, et maintenant il se retrouve à travailler dans une enseigne de fast food avec un diplôme de gestion marketing en poche. »

Au final, la démarche de l’USE a fonctionné : un débat est lancé, et il ne reste plus qu’à explorer la complexité d’une question qui commence à faire le tour du monde – en passant par la Belgique. Et toi, t’es plutôt pour ou contre une forme de salaire pendant ton prochain stage?

*Prénoms modifiés

Rédaction: Lola d’Estienne.

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