Et si le vote n’était plus obligatoire chez nous? Le MR pourrait remettre en cause cette obligation

Cela fait 120 ans que le vote est inscrit dans notre Constitution comme un droit mais aussi une obligation démocratique. Une obligation que le MR pourrait bien remettre en question. C’est ce qu’explique George-Louis Bouchez, délégué général du parti libéral. Le débat va être engagé du côté du MR en vue des élections de 2019. Coïncidence (ou pas), la fin de cette obligation favoriserait notamment… le MR.

« Que les choses soient claires, il faut abolir l’obligation de vote »: voilà ce qu’explique George-Louis Bouchez, délégué général du MR, dans les colonnes de La Libre ce jeudi.

Le MR va d’ailleurs organiser une réunion publique le 21 septembre prochain pour évoquer la fin de cette obligation de vote dans notre pays. Une particularité que nous partageons avec le Luxembourg, la Grèce, l’Autriche ou encore la Suisse en Europe, mais aussi en Australie ou au Brésil.

Le PS et le CDH favorisés?

Mais pourquoi s’insurger de la sorte contre le vote obligatoire? « Le vote obligatoire ne renforce pas l’intérêt pour la chose publique. Il renforce, au contraire, les conservatismes. C’est vrai en tout cas en Belgique francophone. Quand on ne sait pas pour qui on va voter et qu’on s’en fout, on vote alors comme on l’a toujours fait… », accuse George-Louis Bouchez, pour qui le PS est du coup favorisé dans le Hainaut ou à Liège, tout comme le CDH en Luxemboug en raison de votes « traditionnels ».

Et ce conservatisme profite à des partis « qui ne sont pas sanctionnés à la fin par rapport à leur bilan » selon le jeune élu de 30 ans. « Cela influence la façon de faire de la politique : personne ne va prendre de risques puisque les électeurs sont obligés de venir aux urnes et d’opérer un choix. C’est un frein aux réformes, cela anesthésie le débat politique. »

Ce à quoi lui a répondu Laurette Onkelinx, députée cheffe du groupe PS à la Chambre des Représentants et vice-présidente du PS: « Le vote obligatoire nous inscrit dans une société qui responsabilise chacun. Il n’y a pas de droits sans devoirs! », a-t-elle écrit sur Twitter.

Facebook

Une réforme profitable au MR?

Ce débat sur la fin de cette obligation de vote n’est pas lancé au hasard par le MR. Le parti libéral pourrait être l’un des grands gagnants d’une réforme en ce sens. « Quand il n’y a pas d’obligation, les plus abstentionnistes se retrouvent dans les catégories sociales les plus défavorisées. Soit socialement, soit culturellement. Faibles diplômes, emplois précaires, CPAS… », explique Pascal Delwit, professeur de science politique à l’université libre de Bruxelles (ULB), toujours à la Libre.

« (…) Donc, les partis qui profitent le plus de l’abandon de l’obligation, ce sont ceux qui ont la part la plus forte d’électeurs des catégories les plus favorisées. En Belgique francophone, il s’agit du MR et d’Ecolo. Les partis qui seraient les plus affectés sont ceux qui ont le plus d’électeurs défavorisés : le PS, le CDH et le PTB », ajoute-t-il.

Un argument que balaie George-Louis Bouchez: « Un argument en faveur de l’obligation me rend fou: c’est celui qui affirme que si on y met fin, ce seront les personnes les plus fragiles socialement qui ne voteront plus. C’est scandaleux de dire cela. C’est surtout un argument des partis de gauche… », balance l’élu MR, qui a récemment été évincé du collège d’échevins de Mons par Elio Di Rupo… et le PS, qu’il tacle à plusieurs reprises dans son interview.

Une réforme de la Constitution pour 2019?

Pour lui (et donc le MR), la fin du vote obligatoire pousserait surtout les partis de tout bord à se bouger pour convaincre les gens de voter pour eux, ce qui ne serait pas toujours le cas aujourd’hui. « On l’a vu en France après les émeutes dans les banlieues: les mandataires politiques s’y sont succédé pour essayer de récupérer cet électorat en complet décrochage. Désormais, la question des banlieues occupe une place dans le débat public bien plus importante que le pourcentage de la population qui y vit. C’est l’un des effets d’une démocratie où existe un droit de vote et non une obligation », ajoute George-Louis Bouchez.

Le débat est du coup lancé du côté du MR et pourrait aboutir à une réforme de la Constitution en vue des élections de 2019. Même si le chemin est encore long. « Il faut aujourd’hui trancher cette question, par exemple pour la prochaine législature en adaptant notre programme électoral. Il faudra aussi être attentif aux articles de la Constitution qui seront ouverts à une révision », conclut-il. Le MR et son président Olivier Chastel ont tenu à préciser dans un communiqué que ces propos n’engageaient que George-Louis Bouchez et que cet argumentaire était celui de l’élu, pas de son parti. « Le MR n’a pas pris position sur la remise en cause du droit de vote obligatoire », peut-on lire.

ll n’empêche qu’une réforme de la Constitution ne pourra pas avoir lieu sans les votes des 2/3 du Parlement en ce sens. Et comme le MR semble être le seul parti à se lancer dans cette bataille contre l’obligation, ce sera difficile à première vue de réunir autant de votes…

Plus
Lire plus...